Archive pour janvier 2011

Effondrement

26 janvier 2011,

La première prise de conscience qu’un effondrement de notre civilisation pourrait avoir lieu, de mon vivant ou du vivant de mes enfants, m’est venue en 2008 à la suite d’une conférence d’Yves Cochet à Sciences Po Paris. Il y montrait la courbe ci-dessous, tirée du site de Paul Chefurka (1), dont j’ai découvert l’existence à cette occasion.

Chefurka, un écologiste canadien anglophone, explique que la population dépend étroitement de l’énergie consommée, l’essentiel de cette énergie vient de sources fossiles, le pic de ces énergies non renouvelables est au plus tard en 2020, donc le déclin des ressources énergétiques va entrainer l’effondrement de la population. Alors que l’Organisation des Nations Unies prévoit une stabilisation de la population mondiale autour de 9 milliards vers 2050, Chefurka pense que nous ne dépasserons pas 7,5 milliards et qu’ensuite il n’y aura pas stabilisation mais déclin rapide. La population mondiale tomberait à moins de 2 milliards vers la fin du siècle, et même deux fois moins si l’on prend en compte d’autres facteurs que l’énergie fossile comme le changement climatique, la perte de fertilité des sols, le manque d’eau douce, la pollution…

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Rencontre

24 janvier 2011,

Pendant la traversée, le vent cessa soudain, nous dûmes jeter l’ancre. Un désert minéral nousentourait, avec ça et là de rares palmiers bleus. La nuit reconstitua nos forces et c’est à l’aube que nous les vîmes s’approcher, Lui et l’Oiseau. Des légendes courraient sur leur compte colportées par des voyageurs…

Ils firent leur spectacle: l’Oiseau exécuta de savantes cabrioles rythmées par un tambourin jaune, Lui psalmodiait d’étranges incantations.Le silence s’imposa, du sable montait une odeur de cannelle, des milans noirs nous survolèrent à plusieurs reprises…
Qu’ont-ils voulu nous confier que je n’ai pu, jusqu’aujourd’hui, déchiffrer…

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Salto Angel

24 janvier 2011,

Pour annoncer la reparution du Sauvage sur Internet, nous avons demandé au peintre anglais Martin Jordan de reproduire son tableau intitulé Angel falls.

Que sont ces Angel falls ?

C’est la chute d’eau la plus haute du monde avec ses 950 mètres. Elle se trouve au Vénézuela sur la cordillère Guyana. Il s’agit d’un petit affluent de l’Orénoque. Elle fut découverte en 1933 par un chercheur d’or américain du nom de Jimmy Angel, qui y posa son avion mais ne put pas redécoller. Il lui fallut onze jours de marche à travers la jungle pour trouver le premier établissement humain.

Les falaises, dites tepuy, que l’on aperçoit au fond sont de grès. Elles s’étendent de la Colombie au Brésil et à la Guyane française. Elles séparent le bassin de l’Amazone de celui de l’Orénoque. Martin Jordan s’y rendit pendant six mois, en 1974, avec sa femme Tanis.

Pendant la saison sèche, les eaux sont claires mais chargées de tanins végétaux rouges.
Au sommet du tableau on voit deux aigles harpies, Harpia harpyia. Ce sont de très puissants  mangeurs de singes. La femelle est plus grosse que le mâle et peut peser neuf kilos.

Les palmiers au centre sont des babaçu, Orbignya martiana. Le tatou est de l’espèce à neuf bandes. Derrière lui se trouve un jaguar, plus puissant et plus lourd qu’un léopard. Il ne rugit pas et tue sa proie en lui brisant le crâne avec ses dents.

A gauche se trouve un iguane herbivore Iguana iguana qui peut atteindre 1,8 mètres.

Les poissons-chats vont de 20 mm à trois mètres de long.

Le papillon est Chloreuptychia tolumnia.

Another Year

24 janvier 2011,

Au rythme des quatre saisons, au jardin, le nez dans le compost. Au fil des visages de jeunes, de vieux, de l’humanité. De l’humanité heureuse, béate, obèse, hypocrite, exaltée, désespérée, larguée, incinérée…

C’est un joli effort, réussi, pour surprendre les humeurs et les sentiments d’hommes et de femmes d’un suburb britannique. Mais qui révèle en même temps les limites de l’investigation.

On boit beaucoup de la bière et du vin sauf un couple Tom et Gerri équilibrés, altruistes, dévoués, roulant en Volvo, presque insupportables dans leur écologiquement correct. Mais il faut bien supporter même les gens bien.

Le cinéaste est sensible, habile, élégant. C’est un très bon film malgré tout.

A.H.

Incendies

24 janvier 2011,

Un autocar trace sa route au flanc d’une colline du Moyen-Orient, il avance seul dans le paysage rocailleux que l’on surplombe. Avec confiance il emmène vers la mort une vingtaine de braves gens sûrs de leur bonne foi. Parmi eux une jeune femme n’aura la vie sauve qu’en brandissant sa croix. Le car avance bravement. Tout comme le film « Incendies » du canadien Denis Villeneuve qui nous entraîne avec un talent immense, car il sait rester débonnaire et pudique, dans le dévoilement d’un destin extrême.

Un film d’une grande force tout d’abord par une histoire personnelle qui se confond avec une contrée qui pourrait être n’importe quel pays du Moyen-Orient, mais surtout par l’intérêt, la justesse du scénario, le talent des acteurs et le dépouillement évocateur des images ; un film magistral reprenant une pièce de Wajdi Mouawad, libanais parti en exil dans son enfance, et qui parvient à ne jamais tomber ni dans la diatribe politique ni dans le scabreux du destin subi.

On ressort de ces deux heures sidéré, pétrifié comme la femme mûre qui prend soudainement la pleine mesure de ce destin. Courrez-y, c’est un chef d’œuvre.

Nicole Aussedat

Un seul candidat: le meilleur

22 janvier 2011,

(C’était il y a trente ans)

(reprint le Sauvage n°71, spécial Jardin, été 1980)

Les écologistes présenteront un candidat aux élections présidentielles du printemps 1981. Il peut réunir sur son nom de 5% à 15% des voix et même davantage, si les écologistes se mettent d’accord, si le candidat est le meilleur, si l’absence d’une soi-disant union de la gauche permet d’exprimer de vrais choix de société. Alors les écologistes pourront enfin peser sur la vie politique institutionnelle, ce qui ne les dispensera pas de continuer de mener sur le terrain leurs actions locales.

Les écologistes représentent la seule force de novation en politique mais ce sont les électeurs écologistes qui l’expriment, tandis que les militants restent souvent paralysés par de vieilles pratiques gauchistes : sectarisme, conflits de personnes, fatras idéologique, pratiques minoritaires.

Or ce mouvement a une vocation majoritaire et doit exercer sa part de pouvoir démocratique. C’est le seul moyen d’arrêter le programme nucléaire, de changer de priorités économiques pour réduire le chômage et arrêter le pillage de la biosphère et du tiers monde en particulier.

L’écologie doit se présenter cette fois pour prendre un morceau du pouvoir, le plus important possible. Seule position réaliste, si l’on ne se résigne pas à attendre le premier accident nucléaire pour changer la politique. L’écologie aux prochaines présidentielles doit dépasser une des quatre grandes formations, devenir un élément indispensable des négociations de gouvernement ou d’opposition. Elle doit oublier les fantasmes d’alliances électorales. Elle doit oublier l’espoir de voir le Parti socialiste dans l’une de ses variantes reprendre une partie des revendications écologiques autrement que sous la contrainte et dans un rapport de force. Elle doit présenter le meilleur candidat.

L’écologie doit désormais être adulte, indépendante de tout autre parti, efficace et elle doit gagner.

Alain Hervé (1980)

Nostalgie d’amour

22 janvier 2011,

Dans les jours qui précédèrent sa mort, ma grand-mère nous fit une dernière et insistante requête. Elle réclama que fût brûlée la volumineuse correspondance qu’elle avait échangée avec mon grand-père marin depuis l’époque de leurs fiançailles en 1898 jusqu’à sa retraite de la compagnie de navigation des Chargeurs Réunis, à la fin de la Première Guerre mondiale. Sentimentale mais femme de tête, elle entendait ainsi préserver au-delà du trépas, presque un quart de siècle d’intimité partagée par le biais de ces échanges épistolaires. Je revois rangées dans leurs boîtes, ces épaisses liasses d’enveloppes au papier jauni et chiffonné par les ans. Je ne saurais dire au juste quels sentiments confus j’éprouvais à regarder accomplir dans la cheminée ce terrible autodafé. Une sorte d’impuissance mêlée à un obscur respect de la volonté familiale. Je lisais la même incertitude navrée sur le visage de ma mère, doublée d’une volonté de respecter la parole donnée. Combien j’ai souhaité, tandis que ces documents se recroquevillaient et noircissaient dans les flammes bleues, céder à la tentation d’ouvrir ces missives, libellées à l’encre sépia d’une écriture aux larges et sinueuses majuscules. Ah ! Quelle était belle la calligraphie d’antan. Je n’ai jamais connu mon grand-père. Mais je revois sa photo dans un médaillon, en uniforme de capitaine au long cours. Madeleine et Léon s’adoraient et cet amour m’a depuis l’enfance subjuguée et écrasée par sa perfection supposée. De cette passion ardente qui s’était épanouie dans le crachin normand, ne restaient que les lettres.

Combien en avons-nous brûlé, trois cents, mais peut-être était-ce trois mille. Je ne sais plus. D’ailleurs, quelle importance. Seule comptait cette mémoire qui partait en fumée, s’anéantissait devant mes yeux. Au début du siècle, les navigations à la voile, plus tard remplacées par la vapeur, étaient lentes. Les marins s’embarquaient pour un an, parfois deux années. Au retour, dans l’armoire normande, une nouvelle liasse de lettres était venue s’ajouter aux précédentes. Que contenaient-elles ? Alors, n’ayant pu les lire, je les ai rêvées, réinventées, avec leurs tendres mots d’intimité amoureuse, leurs comptes-rendus de minuscules faits quotidiens, mêlés aux récits héroïques : passages du Cap Horn, rencontres d’Indiens fuégiens dans leurs pirogues aux abords du détroit de Magellan,découvertes de terres semi-vierges parcourues à dos d’éléphant ou en chaise à porteur, souvenirs de la guerre de 14 et des acrobatiques entrées de nuit du paquebot Afrique pénétrant, tous feux éteints, dans l’estuaire de la Gironde, dans le fleuve Congo, en franchissant les tourbillons du Chaudron du Diable, guettés par des croiseurs allemands.

Je me suis ainsi dressé une liste de pays et continents imaginaires, aux noms chargés de légendes, lourds de parfums des antipodes : de la Chine à la Cochinchine, de l’Afrique à la Patagonie jusqu’à cette mystérieuse île de Pitcairn, solitaire et oubliée dans l’océan Pacifique. Pour faire revivre cette correspondance disparue, je suis partie d’escale en escale autour du globe. Après chaque voyage, comme lui, je reviens en Normandie, la plus exotique d’entre les terres, à Chausey, à « Matadi », cette maison qu’il fit construire dans l’île en 1929, son dernier port d’attache. Ce sera sans doute aussi un jour le mien, lorsque j’aurai fini de réinventer le contenu de ces lettres.

Marie Ernouf-Hervé

(reprint le Sauvage 1er mai 1991. Numéro 6 nouvelle série)

Du rififi chez les fourmis

19 janvier 2011,

Par Dominique Simonnet

Je respecte profondément les militants qui s’engagent avec sincérité et conviction. Mais désolé, je ne peux me retenir de sourire en voyant les dernières contorsions des Verts, les « Assises constituantes », Etats généraux et autres assemblées solennelles, et en entendant les oraisons de leurs Robespierre : « Il faut un rassemblement ambitieux de la gauche et des écologistes autour d’un projet d’alternative » a lancé Cécile Duflot dans le Monde en novembre dernier. Là, j’éclate vraiment de rire. Va-t-elle aussi nous annoncer qu’elle fait de la « politique autrement » ?
De mon point de vue (sévère), le parti Vert (pardon encore aux militants sincères) n’est que la sangsue de la gauche. On crie haut et fort sa différence en se couvrant d’un voile de virginité au premier tour, puis on négocie comme des forcenés au second pour arracher quelques sièges au PS. Pourquoi pas ? C’est une stratégie politique comme une autre. Mais l’écologie, dans tout cela ? La présence verte dans les institutions nationales a-t-elle été décisive pour la prise de conscience de la « biodiversité » ? L’écologie a-t-elle davantage progressé sous les ministères verts et socialistes que sous ceux de droite ? Sur les questions d’environnement et de développement, j’ai plutôt l’impression que l’action des associations et des Ong, les initiatives privées, en ont été les véritables moteurs (voir le Grenelle).

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Instantanés

17 janvier 2011,

C’est de la poésie. Et en 2010 ! Nous voilà inquiets. C’est un agréable volume à saisir, à parcourir.
Bien, c’est de la poésie. Ca ne fait pas de mal. Ca se lit. Ca se repose comme un vin débouché. C’est écrit par un ami Gabriel.
On y reviendra.
On y revient, c’est illustré de photos de Jean-Michel Fauquet. Des riens, des tout. Des fonds de songes éveillés. Non ce n’est pas illustré : d’un côté les poèmes, de l’autre les photos.
Ca se répond. Ca communique une fois le livre refermé. Ca devient une musique unique.
Ce bouquin prend du poids avec le temps.
On le rouvre lorsqu’on s’en sent capable.
C’est du nanan de vision trouble, extra-lucide.
Voilà une poésie intitulée Chemin .
Par hasard c’est la première.

Entre la mer et les clôtures
Il sépare le temps des villas
De celui des naufrages

Ce n’est rien, c’est beaucoup. Il faut dire que la poésie, ça mérite qu’on s’y arrête.
Qu’on y revienne. Ca fabrique du silence tout autour. Beaucoup de silence. Du silence de première nécessité.
Instantanés de Gabriel Peynichou et Jean-Michel Fauquet. 20€
Editions : pourquoi viens-tu si tard ? œuvre de Frank Berthoux. De la belle ouvrage.
Domenico Cioffarelli l’a rigoureusement traduit en Italien.
On pourra l’emporter outre-mont.

A.H.