1972 La dernière chance de la Terre (hors série du Nouvel observateur, juin juillet 1972)

3 février 2011,

Moment  fondateur du discours de l’écologie politique en France dont voici un résumé par Michel Sourouille :

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1/9) Pour éviter la fin du monde…

éditorial d’Alain Hervé

Les malheurs qui nous attendent sont étranges car ils sont le fruit de l’homme lui-même. Les hommes peuplent la Terre depuis des centaines de milliers d’années. Mais depuis un siècle, au nom de progrès qui faisaient la spécificité et la fierté des hommes, a commencé la plus gigantesque entreprise de destruction qu’une espèce ait jamais menée contre le milieu qui soutient la vie et contre la vie elle-même. La plus spectaculaire des opérations-suicide.

La Terre est en danger. Elle a été mise en danger notamment par le développement de la civilisation industrielle occidentale. C’est ce qu’on appelle le péril blanc. Océans pollués, terres stérilisées, atmosphère empoisonnée, tissu social disloqué, civilisations tribales écrasées. Pendant ce temps des imbéciles, qui ne sont même pas heureux, chantent des hymnes au progrès : le produit national brut s’accroît, la consommation d’énergie s’accroît, la population s’accroît.

Nous voici contraint de découvrir que l’histoire ne peut se répéter. Une loi nouvelle, celle de l’accélération, change notre destin. En cinquante ans, la vie a changé davantage qu’au cours des millénaires. Et tout va aller encore plus vite désormais. En vérité, il reste dix ans à peine pour définir des solutions.

Cent trente-deux nations sont réunies à Stockholm du 5 au 16 juin prochain (1972) pour débattre de l’homme et de son environnement. Cette conférence, dont certains voudraient bien qu’elle se réduise à des études techniques pour lutter contre la pollution, va être conduite à aborder le cœur du sujet : la continuation de la vie sur la planète Terre. Les délégués des 132 nations, s’ils nous lisent, seront bien obligés de regarder en face les démons de l’expansion. Ils devront tenir compte des travaux de la plus subversive des sciences, l’écologie*.

* ECOLOGIE (gr oïkos, habitat, et logos, science) : étude des êtres vivants en fonction du milieu naturel où ils vivent.

2/9) Michel Bosquet, André Gorz, Les démons de l’expansion

Autant vous faire à l’idée tout de suite : ce que nous appelons « la civilisation industrielle » ne passera  pas le cap de ce siècle. Pendant une à deux décennies encore, elle vous procurera des jouissances douteuses et des privilèges qu’il faudra payer de plus en plus cher. Ensuite il faudra que cela cesse : que cessent les voitures que l’on change tous des deux à cinq ans ; que cessent les vêtements qui ne durent qu’une saison, les emballages que l’on jette, la viande quotidienne, la liberté d’engendrer et de concevoir. Plus vite cela cessera, mieux cela vaudra ; plus cela durera, plus l’effondrement de cette civilisation sera brutal et irréparable la catastrophe planétaire qu’elle prépare.

Vous pouvez hausser les épaules et arrêter là votre lecture. Si vous la continuez, souvenez-vous de ceci : d’autres civilisations se sont effondrées avant la nôtre, dans les guerres d’extermination, la barbarie, la famine et l’extinction de leurs peuples pour avoir consommé ce qui ne peut se reproduire et avoir détruit ce qui ne se répare pas. Souvenez-vous aussi que l’impasse absolue qui est prédite à la civilisation dite occidentale et industrielle ne vous est pas annoncée par des idéologues mais par des démographes, des agronomes, des biologistes et des écologistes.

A partir de l’an 2020, les minerais riches seront épuisés, le coût de leur extraction et de leur raffinage montera en flèche. Pourra-t-on remplacer fer et aluminium par des matières synthétiques ? On le fait déjà, grâce à la pétrochimie. Mais la consommation actuelle de pétrole aura épuisé les gisements connus dans 70 ans. Quelles que soient les découvertes et les inventions, le coût des métaux qu’exige l’industrie augmentera vertigineusement. Les actuelles structures de production et de consommation du monde industrialisé sont condamnées. N’espérez pas vous en tirer en préconisant pour le tiers monde un genre de civilisation totalement différent du nôtre, de type essentiellement agricole. Le tiers monde n’a pas attendu vos conseils : de plus en plus il tend à s’inspirer du type de développement de la Chine. L’URSS elle-même a adopté les techniques américaines puis, en 1955, par la voix de Khrouchtchev, a pris le niveau de consommation américain pour modèle.

Quand les écologistes, avec l’équipe du M.I.T. (le rapport du club de Rome) réclament l’arrêt de la croissance industrielle et font de cet arrêt la « priorité des priorités » pour les pays riches, ils émettent en réalité une proposition dont ils ne mesurent pas la portée subversive : leur logique écologique est la négation pure et simple de la logique capitaliste du toujours plus. Qu’est-ce en effet qu’un capitalisme sans croissance où le capital cesse de s’accumuler et de s’accroître ? C’est un capitalisme en crise. Un capitalisme où l’on investit seulement pour réparer ou remplacer ce qui est usé, c’est un capitalisme qui ne fonctionne plus.

Il est une chose dont nous n’avons pas encore parlé, la principale : la croissance démographique. Elle exigera la mise en culture, dès avant l’an 2000, de la totalité des terres  cultivables du globe. Or un fort accroissement des rendements est impossible sans base industrielle : il exige des motopompes, des machines, des digues et des canaux, des engrais chimiques et des insecticides. Il exige donc du fer et du charbon, des métaux non ferreux ou rares et beaucoup d’énergie. N’espérez pas vous en tirer en préconisant pour le tiers monde la limitation des naissances. Cette limitation est certes nécessaire. Mais, d’abord, nous ne l’avons pas encore acceptée pour nous-mêmes alors que déjà la Chine se l’impose. Et cette population, en raison de la structure d’âge, continuera de croître pendant près d’un siècle encore pour se stabilisera finalement à 8,2 milliards d’hommes vers l’an 2100. Les conditions d’un équilibre durable ont été calculées dans l’hypothèse d’une stabilisation mondiale à quatre milliards d’habitants vers la fin de ce siècle. Cet objectif ne représente pas un maximum ni un optimum ; selon Paul Ehrlich, l’optimum se situerait aux environs de 500 millions d’habitants. Si le niveau de 4 milliards est dépassé, ce qui est probable, l’équilibre demeure possible, mais à condition de réduire les niveaux de consommation par habitant. A défaut, la réduction de la consommation et de la population sera opérée par des catastrophes naturelles et des exterminations mutuelles auxquelles les formes de vie civilisées pourraient bien ne pas survivre.

L’économie de profit doit être remplacée par une économie décentralisée et distributive. Ce n’est que dans les communautés intégrées, « à l’échelle humaine », que l’ajustement de la production aux besoins et des besoins aux ressources – ainsi que le souci de ménager et de soigner l’environnement – peuvent reposer sur des décisions collectives plutôt que sur des contraintes bureaucratiques et policières. L’activité libre, l’autodétermination des producteurs associés à l’échelle des communes et des régions l’emporte sur le travail salarié et les rapports marchands. En fin de compte les écologistes apportent une caution scientifique à tous ceux qui ressentent l’ordre présent comme un désordre barbare et le rejettent.

3/9) Robert Poujade, ministre de l’Environnement et de la Nature

Question : Les travaux de prospective écologique publiés par le Club de Rome l’Institut de technologie du Massachusetts nous prédisent, si notre taux de croissance se maintient, une catastrophe planétaire. Que pensez-vous de ces calculs ?

Robert Poujade : Je paraphraserai Victor Hugo : « Ces choses là sont rudes, il faut pour les comprendre avoir fait des études. » Je ne me sens pas capable, à l’heure actuelle, de formuler un jugement scientifique sur ces questions.

Q : Ces rapports soulignent de manière implicite que la croissance ne peut pas se poursuivre indéfiniment.

R.P. – C’est un problème de physique : celui de savoir combien on peut mettre de billes dans un sac et, si on accroît constamment le poids des billes, combien de temps l’étoffe tiendra. Il est possible qu’il y ait un terme à la croissance sur un espace donné : on aura beau recycler, un jour viendra où les ressources naturelles de la Terre seront épuisées.

Q : Proposez-vous des solutions de remplacement ?

R.P. – Certains diront qu’il faut changer de planète : cela me paraît une idée bien avancée ! Je crois surtout qu’il faut limiter la croissance démographique.

Q : Vous faites parte d’un gouvernement qui préconise une France de cent millions d’habitants. Comment le justifiez-vous ?

R.P. – La France est parfaitement capable de nourrir et d’abriter dans des conditions convenables cent millions d’habitants. Mais il y a d’autres pays, submergés par l’explosion démographique, où on ne voit pas comment pourront s’établir des relations écologiques convenables.

Q : Le développement des centrales nucléaires accroît la production de déchets radioactifs. Le problème de leur stockage n’est pas résolu…

R.P. – Je ne le crois pas, en effet. C’est une impression personnelle, je m’empresse de le dire. Le problème est difficile. Je n’entrerais pas dans le détail des techniques de stockage des déchets. Y en a-t-il une qui soit souveraine ? Je n’en suis pas sûr.

Q : Le directeur de la Commission de l’Energie atomique américaine a conclu que la seule solution était de lancer les déchets dans l’espace.

R.P. – C’est une solution d’une technologie tellement avancée que je ne me sens pas qualifié pour vous répondre !

Q : Les définitions de l’écologie sont nombreuses. Quelle est la vôtre ?

R.P. – L’écologie est depuis longtemps sortie du cadre étroit de ses débuts, qui en faisait une branche de l’histoire naturelle, et ne se limite plus à l’étude des relations entre les différentes formes de vie, entre l’homme et la nature. Elle est devenue une dimension de la conscience. L’écologie moderne devrait englober la psychophysiologie, la psychosociologie, l’étude des relations des hommes entre eux, dans leur milieu. Dans une civilisation un peu trop dominée par le court terme, elle devra, je crois, devenir la science du long terme.

(propos recueillis par Catherine Dreyfus)

4/9) Franz-Olivier Giesbert, Les beaux discours

La défense de l’environnement a fait irruption dans la politique française. Philippe Saint-Marc croit que « la défense de l’environnement sera un des thèmes dominant des législatives de 1973. Le « parti de la nature » compte 200 000 militants disséminés dans une multitude de comité de défense. On pourrait presque dire que c’est la deuxième formation politique française après le PCF ».  Du coup, tous les partis lui font des appels du pied. Le gouvernement de Georges Pompidou a fait connaître ses « cent mesures » et s’est doté d’un ministère de l’Environnement. A l’écologie, il a préféré l’exorcisme par les mots. La gauche, elle, met en question le fonctionnement du système actuel qui « entraîne la dégradation de notre patrimoine naturel ». Seulement elle reste encore trop dans le vague. La gauche français se cantonne dans les positions de principe. La CFDT constitue la seule exception. Jeannette Laot, responsable CFDT, propose de mettre sur pied une législation qui remette en question « l’orientation de la croissance industrielle ». Comment ? En changeant radicalement les techniques de production, en mettant fin à Paris au règne de la voiture individuelle (remplacé par des transports en commun gratuits). Mais, « sans mobilisation de l’opinion publique », concluait un rapport récent de la CFDT, « rien ne sera mis en œuvre ».

C’est qu’en France, finalement, l’environnement est encore une notion vague et que les divers mouvements qui se préoccupent de défense de la nature n’ont pas de stratégie commune.

5/9) Théodore Monod, Le roi devenu fou

Ce qu’on appelle la crise de l’environnement est tout simplement le résultat d’une violation sans cesse aggravée des lois de l’écologie, fondées sur l’interdépendance des êtres vivants entre eux et avec leur milieu physique, c’est-à-dire sur la notion d’équilibres naturels. Un rapide coup d’œil sur les étapes de la situation de l’homme au sein de la biosphère, face aux autres éléments de la communauté biologique, peut aider à prendre une vue d’ensemble.

Dans une première phase, l’homme reste un prédateur parmi d’autres, occupant une modeste place dans sa biocénose originelle ; ses prélèvements sur le milieu demeurent comparables à ceux des autres parties prenantes : le lion, le guépard, les autres singes. Mais avec le perfectionnement de ses techniques d’acquisition, avec le biface, la flèche, le feu, son efficacité s’accroît sensiblement. Avec la révolution néolithique apparaît l’animal domestique, la céréale cultivée, la poterie, la ville, le palais, le temple, la boutique, l’entrepôt, la caserne, le bordel et la prison : la civilisation est en marche. Le processus de déséquilibre entre le potentiel de destruction de l’homme et les capacités de récupération du milieu naturel est dès lors engagé : il mènera tout droit à la bombe atomique et aux autres merveilles que nous prépare une technologie emballée, devenue une fin en soi et médiocrement soucieuse, jusqu’ici, de ce qui devrait tout de même compter : l’homme.

Une idéologie belliqueuse et orgueilleuse, la mythologie d’un « roi de la création » chargé de conquérir, de dominer, sans souci des droits des autres êtres vivants, devaient nous permettre de ravager la planète en toute bonne conscience. Et d’autant plus facilement que la religion du profit allait rendre licite n’importe quel méfait du moment que l’assurance d’un gain venait l’absoudre, voire le sanctifier. On fera l’avion supersonique pour la seule raison qu’on peut le faire : est-ce raisonnable, est-ce digne d’un Homo qui ose se prétendre sapiens ?

La grosse industrie, les grands pollueurs, se trouvent désormais sur la défensive. Ils condamnent les rousseauistes, les passéistes, ils accusent les écologistes de vouloir revenir à l’ère pré-industrielle, alors que les écologistes osent justement penser à l’ère postindustrielle. On va plus loin, en tentant de vastes opérations de « dédouanement » publicitaire, par exemple par la fondation de prix pour encourager la protection de la nature. A en croire certaines de ces firmes puissantes, c’est tout juste si leur souci majeur ne serait pas devenu la protection de l’environnement. Autre argument : tout le monde pollue, le vrai coupable c’est vous, c’est moi, c’est la ménagère, plutôt que l’usine. L’environnement, les équilibres écologiques deviennent une tarte à la crème : de hauts personnages en ont, sans rire, plein la bouche, de ces mots qu’ils ignoraient il y a six mois.

Sans une philosophie politique qui implique un certain modèle de société, l’action politique est paralysée par l’alternative de la résignation entre ce qui est et d’une contestation globale vouée au verbalisme. L’homme, avec son petit avoir dérisoire dans le creux de la main, doit manifester un jour le courage de choisir la révolte de l’Etre contre l’Avoir.

6/9) Edgar Morin, AN 1 de l’ère écologique

C’est toute l’idéologie occidentale depuis Descartes, qui faisait l’homme sujet dans un monde d’objets qu’il faut renverser. Le capitalisme et le marxisme ont exalté « la victoire de l’homme sur la nature », comme si c’était l’exploit le plus épique que d’écrabouiller la nature. Mais la nature vaincue, c’est l’autodestruction de l’homme.

La conscience écologique, c’est d’abord la conscience que l’environnement est une totalité vivante auto-organisée d’elle-même. C’est ensuite la conscience de la dépendance de notre indépendance, c’est-à-dire de notre relation fondamentale avec l’écosystème. L’homme doit se considérer comme le berger des nucléoprotéinés – les êtres vivants –  et non comme le Gengis Khan de la banlieue solaire.

Il nous manque une science de l’homme qui sache intégrer l’homme dans la réalité biologique tout en déterminant ses caractères originaux. Il nous faut une théorie des systèmes auto-organisateurs et des écosystèmes, c’est-à-dire qu’il faut développer une bio-anthropologie, une écologie généralisée. Pour cela, il ne faut pas faire confiance au développement des sciences ; les théories d’avant-garde naissent dans les brèches du système. A mon sens, la nouvelle écologie généralisée, science des interdépendances, des interférences entre systèmes hétérogènes, science au-delà des disciplines isolées, science véritablement transdisciplinaire doit contribuer à ce dépassement.

7/9) Document : Halte à la croissance

Conclusions du rapport du MIT, traduit en français sous le titre « Halte à la croissance » (Fayard, 1972) :

Accepter que la nature se venge des agressions de l’homme ne demande pas plus d’efforts que de « laisser courir et voir venir ». Adopter un tel comportement, c’est finalement courir au déclin incontrôlé de la population et des investissements par voie de catastrophes successives. Si la première limite atteinte était celle de la production de denrées alimentaires, ce sont les pays non industrialisés qui enregistreraient les plus fortes baisses de population. Si les ressources naturelles tombaient en dessous du seuil critique, la récession toucherait essentiellement les nations industrialisées. L’effondrement pourrait aller jusqu’à compromettre le maintien de la vie animale et végétale. Dans ce cas, quelle que soit la fraction de la population qui survivrait, il resterait peu de choses sur terre permettant un nouveau départ.

Après bien des discussions, nous avons décidé de donner le qualificatif d’équilibre, à un état caractérisé par une population et un capital global constants. Il n’existe pas de modèles mathématiques pour optimiser les comportements sociaux dans un monde en équilibre. Mais il ne paraît pas impossible qu’étant débarrassé de tous les problèmes que nous vaut notre croissance exponentielle, la société puisse consacrer plus d’énergie et de créativité à d’autres fins. En 1857, John Stuart Mill écrivait : « Il semble superflu d’insister sur le fait que le maintien de la population et du capital à un niveau constant ne signifie en aucune façon la stagnation de l’humanité. Il y aurait tout autant que par le passé des perspectives offertes au développement de la culture sous toutes ses formes, au progrès moral, intellectuel et social ; il y aurait toujours autant de possibilité d’améliorer l’art de vivre et beaucoup plus de chances d’y parvenir. »

La longue liste des inventions humaines, au cours de l’histoire, a abouti au surpeuplement urbain, à la détérioration de l’environnement et à l’accroissement des inégalités sociales, les gains de productivité ayant été absorbés par l’accroissement de la population et des investissements. Des études de la FAO montrent que lorsque la nourriture fournie à un groupe donné diminue, les inégalités se trouvent accentuées. Les familles les plus nombreuses sont statistiquement celles qui auront le plus à souffrir de la malnutrition.

L’indice de la production industrielle étant stabilisé, toute amélioration de la productivité devrait avoir pour résultat des loisirs supplémentaires qui seraient consacrés à des activités relativement peu polluantes et peu consommatrices de matières premières non renouvelables. Education, art, sports et relations humaines pourraient devenir des activités florissantes. Des découvertes pratiques faciliteraient le fonctionnement d’une société stationnaire :

–       techniques de recyclage plus efficaces ;

–       durée de vie plus grande des produits manufacturés ;

–       domestication de l’énergie solaire ;

–       moyens de neutraliser les insectes nuisibles, fondées sur une meilleure compréhension des interrelations écologiques ;

–       méthode contraceptive efficace en vue de faciliter l’alignement du taux de natalité sur le taux de mortalité.

Le meilleur stimulant pour la recherche de ces solutions ne serait-il pas la certitude que tout progrès technologique de ce genre se traduira par une amélioration de la qualité de la vie ? La fonction la plus importante d’un monde en équilibre sera de distribuer et non plus de produire. On ne peut plus éluder le problème de la répartition des biens en invoquant la croissance. C’en est fini de l’argument selon lequel chacun doit s’estimer heureux tant que son revenu individuel augmente en valeur absolue, même s’il diminue en valeur relative. L’état d’équilibre prélèvera moins de ressources matérielles, mais exigera beaucoup plus de nos ressources morales. Un état d’équilibre n’est pas exempt de contraintes. Il nous faudrait renoncer à certaines de nos libertés, comme celle d’avoir autant d’enfants que nous le souhaitons, ou de puiser sans limites aux ressources naturelles.

Les données les plus impalpables sont celles qui concernent les valeurs humaines. Dès qu’une société reconnaît qu’elle ne peut pas tout donner à tout le monde, elle doit procéder à des choix. L’essence même de la politique consiste à ordonner les réponses des groupes sociaux à ces questions : davantage de sites préservés ou davantage d’automobiles, davantage de nourriture pour les pauvres ou encore plus de services pour les riches ? La société devra peser les alternatives inhérentes au caractère fini de la planète, en tenant compte non seulement des valeurs humaines actuelles mais aussi de l’intérêt des générations futures. Ce qui importe le plus, c’est de fixer d’abord les objectifs à long terme, les objectifs à court terme leur étant subordonnés.

Nous avons insisté à plusieurs reprises sur l’importance des temps de réponse naturels du système population-capital mondial. Ces temps de réponse signifieraient par exemple que si le taux de natalité du Mexique diminuait, de sa valeur actuelle à la valeur compensant exactement son taux de mortalité en l’an 2000, la population continuerait de croître jusqu’en 2060, passant de 50 millions en 1970 à 130 millions en 2060. Ne rien faire pour résoudre ces problèmes, c’est s’en remettre à des solutions draconiennes. Chaque jour pendant lequel se poursuit la croissance exponentielle rapproche notre écosystème des limites ultimes de la croissance. Décider de ne rien faire, c’est décider d’accroître le risque d’effondrement. Nous ne savons pas avec certitude pendant combien de temps encore l’humanité pourra différer une politique de contrôle de sa croissance avant de perdre irrémédiablement la chance de pouvoir exercer ce contrôle.

8/9) David Brower, La Genèse

Prenons les six journées de la Genèse pour représenter ce qui, en fait s’est passé en quatre milliards d’années. Une journée  égale donc environ 660 millions d’années. Notre planète et née le lundi à zéro heure. Du lundi au mercredi midi, la terre se forme. La vie commence mercredi à midi et se développe dans toute sa beauté organique pendant les trois jours suivants. Samedi à 4 heures de l’après-midi, les grands reptiles apparaissent. Cinq heurs plus tard, lorsque les séquoias sortent de terre, les  grands reptiles disparaissent. L’homme n’apparaît qu’à minuit moins trois minutes, samedi soir. A un quart de seconde avant minuit, le Christ naît. A un quarantième de seconde avant minuit, commence la révolution industrielle.

Il est maintenant minuit, samedi soir, et nous sommes entourés de gens qui croient que ce qu’ils font depuis un quarantième de seconde peut continuer indéfiniment.

9/9) Prolongations

Alain Hervé a dirigé ce numéro spécial La dernière chance de la terre, en avril 1972, il est tiré à 200 000 exemplaires. En 1973, Claude Perdriel, à la suite de ce succès, lance le mensuel Le Sauvage. Alain Hervé est à la tête de la rédaction. Il est appuyé par Philippe Viannay le créateur des Glénans, du CFJ, et pour partie du Nouvel Observateur et Edouard Goldsmith le créateur en Angleterre du premier magazine écologique au monde, The Ecologist. Le premier numéro paraît le 1er avril 1973 sous le titre : L’Utopie ou la mort . En 1974 Le Sauvage soutient la candidature de René Dumont à la Présidence de la République. Brice Lalonde qui est membre de la rédaction est le chef de campagne et Alain Hervé responsable du bureau de presse. Mais Le Sauvage, qui tire de 25 000 à 40 000 exemplaires, subit les aléas économiques de son refus de publier des publicités.

En février 1981 Le Sauvage s’arrête à la veille des élections présidentielles. Brice Lalonde est candidat face à François Mitterrand. Le groupe du Nouvel Observateur soutient Mitterrand, pas les écologistes. Il cède pour une somme symbolique le titre Le Sauvage aux Sauvages associés constitués en association de 1901.

Ce sont toujours les Sauvages associés qui publient ce site :

http://www.lesauvage.org/2010/04/lhistoire-du-sauvage/