La tisane de romarin interdite par l’Union Européenne

23 mars 2011,

Par Hadrien Gens

La directive de l’union européenne THMPD (Traditional Herbal Medicinal Products Directive), alias 2004/24/EC, devrait entrer en vigueur le 30 avril 2011. Cette directive imposera une agrémentation pour la vente des plantes médicinales, c’est-à-dire par exemple pour le romarin en tisane ou l’ail en gélule. Cette procédure d’agrémentation implique en fait de prouver « de manière scientifique » les vertus de la plante avec rapports d’ « experts », dossiers couteux et résultats de testes physico-chimiques, (micro)biologiques, pharmaceutiques et toxicologiques à l’appui. Si l’on en croit l’ANH (Alliance for Natural Health), il a par exemple été possible en deux ans et avec des dizaines d’experts de prouver les vertus antispasmodique, digestive et expectorante des graines de fenouil commun, et cela serait bien sûr impossible pour l’ensemble des plantes dont les vertus n’ont par ailleurs pas besoin d’être « scientifiquement prouvées » : elles sont expérimentées de manière pratique depuis des milliers d’années. Cette directive draconienne rend l’obtention de l’agrémentation très difficile : 95% d’avis négatifs émis de la part de l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) en décembre 2010.

Graines de fenouil

Cette directive est l’occasion de s’interroger de manière plus générale sur le droit pour le malade de choisir son traitement, sur le droit de choisir entre une médecine naturelle et traditionnelle et une médecine dépendante des lobbies pharmaceutiques à un moment où l’on remet plus que jamais les médicaments chimiques en cause. Car c’est bien de l’opposition chimique-naturel dont il s’agit. Bien sûr, chimiquement, telle molécule naturelle vaut telle autre de synthèse : c’est la même formule chimique, les mêmes atomes, les mêmes liaisons etc., et le naturel comme le chimique peuvent être dangereux ou bénéfiques. Mais là où l’opposition naturel-chimique reste pertinente, c’est que le naturel est connu et expérimenté depuis des milliers d’années, qu’il est l’objet d’un savoir faire traditionnel. Que savait-on, en revanche, du Vioxx, de l’Avandia, du Mediator au moment de les commercialiser ? Ce qui est remis en cause par cette directive absolument scandaleuse, c’est la possibilité d’avoir une alternative entre un produit sûr, connu et utilisé depuis des générations, et un médicament comme le Roaccutane prescrit pour traiter des acnés graves et retiré du marché en 2008 – l’Agence  française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) estimant que 25 à 27 cas de suicides d’adolescents, entre 1986 et 2009, seraient liés à la prise de ce médicament. Ce médicament est malgré tout toujours en vente sous forme de génériques… Sans remettre en cause les bienfaits de nombreux médicaments créés artificiellement, il faut se demander si l’agrémentation draconienne des herbes médicinales traditionnelles est bien la solution, et si elle n’empêcherait pas simplement que le malade puisse choisir.

Pourra-t-on continuer d’utiliser du purin d’ortie, de la prêle des champs, ou des queues de cerises ? Sera-t-on obliger de prendre des médicaments dont on ne connait absolument rien et dont on ne sait pas s’ils nuiront à notre santé ou à celle de nos enfants ? Notre savoir-faire médical traditionnel, comme la possibilité de choisir la médecine traditionnelle chinoise, indienne ou amérindienne en Europe seraient-il menacés ? Comment ne pas penser aux procès impliquant Kokopelli ?

L’association ANH (Alliance for Natural Health), dont le statut n’est par ailleurs pas absolument clair, a posé un recours devant les tribunaux et fait circuler une pétition dont le nombre de signature ne fait qu’augmenter.