Un salut tardif à Arthur

23 mai 2011,

par Laurent Samuel

Henri Montant, alias Arthur, est mort l’été dernier, emporté par un cancer, comme il avait vécu : avec discrétion et élégance.

Arthur fut pourtant l’un des meilleurs journalistes de sa génération, et l’un des premiers, dès le début des années 1970, à parler d’écologie. Cet ancien du « Dauphiné Libéré », qui avait claqué la porte de ce quotidien après Mai 68, fut l’un des fondateurs, aux côtés de Pierre Fournier, de « La Gueule Ouverte », qui était, avec « Le Sauvage », l’autre titre écologiste diffusé à l’époque dans les kiosques.

Dans une rédaction en partie composée de journalistes non professionnels, Henri défendait avec gentillesse, humour et fermeté quelques règles de base : écrire clairement, en bon français, et sans fautes d’orthographe.

Sur le fond, il prônait, dans des articles toujours impeccablement écrits, une écologie libertaire et joyeuse, hostile à tous les pouvoirs. Ce qui le conduisait à une vigilance extrême vis-à-vis de toute « récupération » de l’écologie et à un grand scepticisme face à l’engagement électoral, alors dans les limbes, de certains écologistes.

Ecologiste radical, Arthur prit parfois des positions malheureuses, comme cet édito de la GO en 1975 qui glorifiait le projet de Pol Pot d’envoyer de force à la campagne les Cambodgiens des villes… Mais, pour l’essentiel, ce passionné de jazz était un esprit très tolérant… sauf parfois (mais sans rancune…) à l’égard des fans de rock.

Si son nom reste surtout associé à « La Gueule Ouverte », dont il fut la plume la plus fine et la plus acérée, Arthur collabora aussi au « Sauvage », avec sa discrétion coutumière. On lui doit ainsi un excellent reportage sur un maraîcher provençal, publié à l’été 1980 dans un numéro « historique » sur les jardins.

Dans les années qui suivirent, cet adepte du droit à la paresse poursuivit une intense activité d’écriture, notamment dans « Hara Kiri », « Le Canard Enchaîné », « Le Monde », ou, plus récemment, « Siné Hebdo ». Mais ce journaliste intransigeant refusa toujours toute forme de carriérisme, et préféra envers et contre tout profiter de l’existence plutôt que « perdre sa vie à la gagner »…

Laurent Samuel