11 septembre 2011 sur FR3

8 septembre 2011,

par Saura Loir

Jour tragique non seulement pour l’Amérique mais pour toute conscience  humaine. D’autant plus tragique qu’il a sinon scellé, du moins profondément mis en évidence la coupure entre deux univers, différents bien sûr mais pas si totalement éloignés : le monde occidental chrétien et le monde musulman. Cela a également porté à son apogée une redoutable nouvelle arme de guerre, le terrorisme.

On sait quels désastres humains a entraînés sur son sillage cet événement funeste, la guerre d’Irak en tête avec ses conséquences terribles pour la population irakienne qui, bien que libérée du tyran, n’en finit pas d’être martyrisée.

L’Amérique était en deuil et l’ensemble du monde occidental avec elle. L’horreur d’un tel acte ne pouvait nous laisser indemne, à moins d’être dépourvu de sens moral, de cœur, de conscience et de capacité d’empathie. Sans compter la peur. LA PEUR !  A quand notre tour ? Comment se protéger ?

Les médias ont passé en boucle les images terribles, on a entendu les messages affolés, les adieux des victimes à leurs chers. Le bruit effarant des corps s’écrasant aux pieds des deux tours résonne encore dans nos oreilles. Alors on a prié, on a laissé des fleurs sur les ruines, des mots d’amour, de pitié et d’encouragement. On  a couvert de louanges l’héroïsme des pompiers ainsi que celui d’autres sauveteurs improvisés, le courage et la dignité dont a fait preuve le peuple américain. On a commémoré. Nous les humains, nous avons besoin de rituels pour nous aider à vivre l’invivable, et c’est bien ainsi.

10 ans plus tard, le 11 septembre 2011, nos médias ont jugé nécessaire de rappeler encore ces journées terribles, avec des programmes spéciaux. Pour rendre hommage, pour qu’on n’oublie pas, pour qu’on reste vigilant, pour une recherche du sensationnel ou je ne sais quoi d’autre encore. Pour ma part j’ai regardé France Trois qui a consacré toute la soirée à deux reportages inédits. J’ai vu une fois de plus les images défiler, les avions s’enfoncer, les tours exploser. La fumée, le feu, la panique dans les rues, l’écroulement, l’immense nuage de poussière poursuivant les fuyards comme une bête vorace. Je regardais et une fois de plus j’en frémissais d’horreur. Et soudain je me suis imaginé d’autres spectateurs installés comme moi devant leur télé, dans d’autres parties du monde mais aussi ici, chez nous. J’ai pensé aux musulmans.

Comment réagissaient-ils ? Qu’éprouvaient-ils ? Horreur et pitié, comme nous ? Ou satisfaction, fierté, orgueil et soif de puissance ? Se disaient-ils « Ah, nos martyrs, quel courage, quel génie d’invention, quelles capacités d’organisation ! La voilà foulée au sol l’Amérique, avec sa toute puissance et son arrogance, et c’est nous, nous les pauvres, les sous-développés, les paresseux, les incapables, qui l’avons mise K.O. et qui plus est chez elle ! Ah, ils n’ont pas fini d’en voir!»

La vérité est sans doute entre les deux.

Poursuivant ma réflexion, j’en suis venue à me poser la question de l’utilité, du bien fondé de ce genre d’émissions dix ans plus tard. Servent-elles la paix ? N’alimentent-t-elles pas la colère, la haine et leur corollaire, la guerre ? Les rapports de force et la soif de puissance ? A constamment parler du diable, n’est-ce pas le diable qui apparaît ? Et que dire aux enfants, aux nouvelles générations ? Comment les informer sans leur inoculer la haine de l’autre avec le risque évident de perpétuer le conflit ? Une de mes petites-filles avait dix ans à l’époque, de père américain et vivant aux États Unis, elle ne regardait que très rarement la télévision qui était bannie chez eux mais lisait  News Week. Les semaines passant, elle n’a plus supporté les photos affreuses et les récits hallucinants, au point que de sa propre initiative elle a écrit à la rédaction du journal, en leur expliquant qu’elle n’avait que dix ans mais qu’elle trouvait qu’il ne fallait pas rester là-dessus, qu’il fallait plutôt insister sur tout ce qui pouvait inspirer de l’espoir et de la confiance. Je me souviens comme nous, sa famille, en avions été ébahis. Par ailleurs l’éditeur américain Wayne Bell a publié un cahier de coloriage pour enfants qui obtient un énorme succès mais qui suscite aussi la polémique, et qui retrace la dernière décennie et ses attentats. Un des textes qui accompagnent les images réalistes de ceux-ci mentionne qu’ils « changeront à jamais les relations qu’entretiennent les États Unis et les musulmans du monde entier ». Sans commentaire. Et voici le lien : http://poetesindignes.wordpress.com/2011/09/02/coloriez-ben-laden-pour-le-11-septembre/#more-6575

Le monde actuel est de plus en plus mélangé. Finie l’époque où une femme voilée dans les rues de nos villes ne suscitait qu’un regard curieux, amusé et même bienveillant. Les frontières sont de plus en plus perméables, les populations se mélangent. C’est ainsi, pourra-t-on y changer quelque chose ? Arrête-t-on le cours de l’histoire ? Personnellement je ne le pense pas et cela ne me fait pas du tout plaisir, sans que je me sente défaitiste pour autant, au contraire. C’est juste une question de réalisme, une volonté de regarder devant et de refuser les combats d’arrière-garde. Ce qui m’importe c’est la paix et la fraternité entre les hommes ainsi que les meilleurs moyens d’y parvenir. Je ne suis pas sûre que le rappel constant de ce qui nous divise en fasse partie.

Saura Loir