L’écrasement de Sisyphe

18 juin 2012,

par Christophe Chelten

L’euphorie résultant du succès électoral de la gauche dissimule pour quelques heures seulement l’ampleur de la tâche à accomplir. A ceci près que l’on va de nouveau tenter de soulever le roc de Sisyphe. Bon courage à Hollande.

Voyons ce qui se passe en France et dans le monde et même en province.

Prétendre résoudre la crise économique et financière en relançant la croissance relève de l’utopie aveugle. On s’attaque ainsi à la réanimation d’un cadavre. On reprend la tâche là où Sarkozy l’a laissée et en appliquant les mêmes recettes, même si on les maquille de quelques corrections sociales. L’échec sera flagrant à la rentrée.

Au plan international, l’échec de la rencontre de Rio pourrait être annoncé par avance , de la même manière que Ségolène Royal l’a fait dix minutes avant l’annonce de ses résultats.

A propos de cette lugubre affaire, on appréciera le soutien inconditionnel de la hiérarchie socialiste à un parachutage arbitraire, au mépris de l’opinion des Rochelais. Olivier Falorni a été élu par un Front Républicain tant invoqué en d’autres circonstances. Le bureaucratisme d’appareil a méprisé l’affectif collectif.

Les dix huit élus EELV vont devoir se faire entendre très fort, dans la mesure où ils seront les seuls à être les détenteurs d’une analyse cohérente de la crise. Tout au moins on l’espère de leur part. Ils peuvent espérer que d’autres voix de gauche et de droite se joignent à la leur au fil des jours et tandis que l’échec des solutions appliquées deviendra évident.

L’analyse écologique n’appartient pas en effet à la seule gauche dans la mesure où nous sommes tous écologistes de naissance, qu’on le veuille ou non, du seul fait d’être nés. Une majorité l’ignore encore à l’Assemblée Nationale. Une majorité l’a compris parmi les citoyens.

La question se pose en effet de savoir si nos élus sont intelligents. En observant leurs réactions devant ce qu’ils ont baptisé la crise, on peut en douter. Leur capacité d’analyse se trouve handicapée par les schémas qui leur ont été inculqués pour la plupart dans les grandes écoles où ils ont été formés. Ce sont de bonnes machines Xérox ou à photocopier. Ils ont été amputés de leurs capacités imaginatives ou affectives. C’est assez dramatique.

Leur appréciation du problème nucléaire est éloquente. Ils raisonnent à partir de projections chiffrées de

La photo officielle revue par Greenpeace

production et de consommation (voir Jancovici). Ils ignorent absolument les paramètres imprévisibles de l’erreur humaine, de l’agression terroriste, du risque sismique, d’une guerre éventuelle… Ils ne prévoient pas les conséquence d’un accident qui en résulterait. Ils ignorent les échelles de temps à prendre en compte pour la gestion d’une technologie nucléaire: des milliers, des dizaines de milliers d’années.

Le peuple, la foule, les citoyens, les gens, les hommes… (comme vous voulez) obéissent à des pulsions plus primaires et en définitive plus réalistes. Ils soupçonnent les impossibilités immédiates, ils présagent par avance les ruptures, les effondrements,…  comme les animaux sentent arriver les secousses telluriques. Ils prévoient des positions de survie.
Ils obéissent à une chaîne affective brutale. Nous observons en ce moment l’effusion, demain très vite, ce sera la désillusion, bientôt la rancoeur, puis le châtiment pour avoir été floués.

Le tout pouvoir qui vient d’être confié en France à quelques centaines d’hommes est effrayant au vu des problèmes qu’ils vont devoir gérer.

Christophe Chelten