Lucchini à bicyclette

3 février 2013,

par Alain Hervé

Alceste à bicyclette  divise les critiques. Certains parlent de chef-d’œuvre, (Marianne, Télé sept jours, Le Monde, le Figaro…), d’autres le trouvent insignifiant pour ne pas dire irritant. (Les Inrocks  et Télérama).

Fabrice Lucchini est le seul responsable de ces appréciations extrêmes et contradictoires. Car le film a un seul héros, les autres acteurs ne sont que des faire-valoir. Lucchini fascine manifestement le metteur en scène Philippe Le Guay. Il enregistre avec une loupe et un excellent éclairage la moindre des expressions de l’acteur. La bouderie, le mépris, la raillerie, la désillusion, la mesquinerie, la lâcheté, la sournoiserie, la fausse modestie et d’autres se succèdent sur ce masque ultra sensible.

Il y a un phénomène Lucchini que l’on a déjà observé.
Il subjugue tout en agaçant. Il hypnotise ceux qui se laissent aller. Il joue à la limite du cabotinage. Il franchit souvent la limite. Ce n’est pas un grand acteur, c’est un phénomène du tréteau. On connaît par avance ses tics d’expression, on les attend, on les joue avec lui, il les produit, on jubile… ou on grince des dents. C’est un grand acteur de naissance capable de capter et de captiver l’attention et d’en jouer et de s’en jouer.

Alceste, la misanthropie, Molière et les alexandrins lui sont une seconde peau. On postillonne les rimes en chœur avec lui. Wilson lui renvoie les balles dans un registre classique. Il  joue du Molière. Lucchini joue du Lucchini. Il ne joue pas Alceste, il est Alceste acagnardé dans sa bauge de l’île de Ré.

… Et parfois il me prend des mouvements soudains

De fuir dans un désert l’approche des humains.

Il faut savoir qu’en tant que coscénariste avec Le Guay, il s’est taillé un costume sur mesure.

Voilà un spectacle intelligent, subtil, léger que l’on a envie de revoir à peine en sort-on. Ceux qui se souviennent de « My dinner with André » de Louis Malle,  se régaleront.

On notera des clins d’œil à Louis Jouvet, à Laurel et Hardy, à Tchernobyl et Fukushima, à la pluie, aux fosses sceptiques, aux planchers peints en blanc et d’autres qui nous ont échappé. C’est un film bien malin.

A.H.