La révolution est dans la bouffe

16 mars 2013,

Des divergences sont apparues au sein du comité de rédaction du Sauvage, certains rédacteurs trouvant que le sigle PAC n’était pas accrocheur et que Politique Agricole Commune était pire. J’infléchis la ligne en vous proposant sous un nouveau titre un communiqué du Groupe PAC 2013, ainsi qu’en illustration les logos des membres de ce groupe.

par Charles Ribaut

groupe PAC 2013

Votes du Parlement Européen : des inflexions qui ne suffisent pas à légitimer la Politique Agricole Commune

Paris, le 14 mars 2013 – Les votes en Commission de l’agriculture (ComAgri) du Parlement Européen des 23-24 janvier avaient considérablement affaibli la réforme de la PAC proposée par la Commission Européenne, laquelle, déjà, manquait d’ambition. Ce 13 mars, après 1h45 de scrutin portant sur plus de 400 amendements, les députés européens réunis en session plénière à Strasbourg, ont voté les quatre rapports de la réforme de la Politique agricole commune (PAC).

Les organisations du Groupe PAC 2013 estiment que les maigres améliorations apportées aux textes de la ComAgri ne suffisent pas à rendre la PAC réellement juste, écologique et solidaire.

Verdissement : retour aux propositions de la Commission Européenne

Nous saluons la sage décision du Parlement d’acter la part de 30% de verdissement des aides directes et de rejeter les nombreuses dérogations aux trois mesures de verdissement qui vidaient le dispositif de sa substance. Pour autant, ces mesures restent très faibles : la monoculture ne sera pas dissuadée puisque les députés ont rejeté la rotation des cultures, le maintien des prairies permanentes sera contrôlé au niveau national seulement, et les surfaces d’intérêt écologiques seront mises en place de manière très progressive.

Les députés ont logiquement supprimé la possibilité de doubles paiements entre 1er et 2nd pilier de la PAC. Ils ont par ailleurs réintroduit les normes de santé publique (en particulier l’interdiction d’utilisation des hormones en élevage) et autres directives environnementales dans la conditionnalité des aides, qui participent à la légitimité des aides, et que la ComAgri avait supprimées sans scrupules. Le Parlement a également voté l’intégration de la directive « pesticides » dans la conditionnalité mais a malheureusement refusé de renforcer le respect des zone humides et des directives « Habitats » et « Oiseaux ».

 Le plafonnement à 200.000 euros rejeté à deux voix près !

A deux voix près, la proposition du groupe Socio-Démocrate de plafonner les aides à 200.000 euros a été rejetée. Cette proposition, bien que modeste, aurait permis une certaine redistribution des aides entre les agriculteurs. A défaut, le plafond reste à 300.000 euros, un niveau si élevé qu’il rend la mesure ineffective – moins de dix fermes concernées en France- permettant de poursuivre le gaspillage d’argent public. La mise en place de la « maigre » aide aux petites fermes, proposée par la commission européenne et qui aurait concerné un grand nombre d’exploitations, est rendue facultative pour les Etats-Membres.

Alors que l’un des objectifs initiaux de la réforme était de mettre fin aux aides profondément injustes, basées sur des références historiques d’avant 2002, le Parlement a voté une convergence des aides beaucoup trop lente avec une tolérance de 20% d’aides historiques en 2020, prolongeant encore l’inéquité de ces subventions.

Plus positif pour le maintien des productions fragilisées, les députés ont voté 15% maximum de couplage des aides à ces productions. Les députés ont approuvé la proposition française de bonifier les aides dans la limite des cinquante premiers hectares, un outil qui peut, s’il est correctement ciblé, participer à un certain rééquilibrage des aides en France. Cependant, la surface de 50 hectares n’est pas adaptée aux réalités agricoles de tous les pays européens.

Développement rural : les outils de gestion des risques demeurent !

Nous notons que le fléchage minimum de 25% de dépenses pour l’environnement, le climat etl’agriculture biologique est maintenu. Par contre, le 2nd pilier de la PAC risque de se retrouver largement amputé de ses moyens suite à la décision des députés de maintenir les mesures individuelles de gestion des risques (assurances récolte). Ces mesures profitent avant tout au secteur assurantiel privé.

 Impact des aides sur les pays en développement : tout reste à faire

Enfin, le Parlement a rejeté les amendements de la Commission Développement introduisant un mécanisme de suivi et d’évaluation des impacts des aides de la PAC sur l’agriculture et la sécurité alimentaire dans les pays en développement. En outre, il a suivi l’avis du rapporteur Michel Dantin de conserver les aides à l’export avec un budget est fixé à zéro. Ainsi l’Union Européenne ne s’interdit pas de subventionner les exportations de produits agricoles, pourtant si dommageables à l’agriculture des pays du Sud.

Après le vote du Parlement, les négociations continuent

Finalement, selon les organisations du Groupe PAC 2013, les positions votées par le Parlement Européen se rapprochent plus de celles de la Commission Européenne que des attentes de la société, pour une PAC vraiment juste, écologique et solidaire. Si le Parlement est revenu sur les mauvais compromis de la ComAgri sur le verdissement et la conditionnalité des aides -pourtant qualifiés « d’équilibre global à ne pas remettre en cause » par les autorités françaises !- le résultat demeure insuffisant et ne contribue pas réellement à légitimer la PAC qui représente pourtant près de 40% du budget de l’UE.

Le Groupe PAC 2013 reste mobilisé sur les prochaines étapes de la réforme. Le 18 mars, les ministres de l’agriculture des vingt-sept se réunissent pour valider les orientations générales de la réforme. Par conséquent, nous demandons au ministre de l’agriculture français Stéphane Le Foll de défendre la redistribution des aides (notamment via le plafonnement), de s’opposer fermement à tout délai supplémentaire dans la sortie des références historiques et à tout détricotage du verdissement des aides. FIN