Archive pour mars 2013

Au Français, Phèdre selon les Grecs

7 mars 2013,

par Michèle Valmont

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Elsa Lepoivre dans le rôle de Phèdre

Mettre Phèdre en scène est une entreprise aussi risquée que de mettre une pyramide dans une bouteille. La Comédie Française nous propose  une version “up to date” revue par les Grecs. La mise en scène de Michael Marmarinos est déconcertante. Il a tenté de contemporaniser Phèdre avec divers gadgets, dont un poste de radio qui crachote en fond sonore, un micro de music hall et un Hippolyte  déguisé en inspecteur Colombo… Etait-ce nécessaire ? Certes Racine s’aggrave avec le temps. La splendeur marmoréenne de ses alexandrins devient de plus en plus inaccessible aux jeunes spectateurs d’aujourd’hui. (suite…)

le chant de la pluie

7 mars 2013,

 

 

La petite mousson avait débuté ce matin. Les gouttes cinglaient le toit de chaume de bambous et de palmes. L’eau dégoulinait de partout. nous pataugions pieds-nus dans les flaques tièdes et clapotantes avec jubilation.
Georges s’était accroupi contre la balustrade, attentif et souriant, il déchiffrait le chant de la pluie.
Le soir, il y eut un répit, nous étions dans un bain de touffeur poisseuse. Une mare s’était formée au bas des marches où déjà grouillait une vie sombre. Nous n’allumâmes pas les falots car la pluie avait repris doucement.

La Création de Haydn

7 mars 2013,

. par Michèle Valmont

Adam et Eve Domenico Zampieri 1620 (D.R.)

Adam et Eve Domenico Zampieri 1620 (D.R.)

Il est, dans le parcours d’un mélomane, des moments d’intense bonheur, de plénitude absolue. C’est un tel moment que nous avons vécu hier soir en assistant à Notre-Dame de Paris à la Création de Haydn, donnée par l’Orchestre de Chambre de Paris sous la direction de Thomas Zehetmair.

Tout concourait à rendre cette soirée mémorable :

La splendeur du lieu, dont l’acoustique était bonne, car on avait ingénieusement placé le dispositif scénique sous le grand orgue, ce qui permettait au mur intérieur de la façade de répercuter le son.

L’œuvre, dont la beauté renversante émeut toujours autant depuis sa création en 1798 : richesse sonore de l’orchestration, raffinement subtil des ensembles solistes, exaltation jubilatoire des chœurs, « la Création », dont le sujet s’inspire en partie du « Paradis perdu » de Milton, n’est que bonheur et extase devant la merveilleuse œuvre de Dieu. (suite…)

Dis-moi vous!

6 mars 2013,

par Saura Loir719997_les-indignes-de-bastille

En ces temps de crise où la grogne monte de tous côtés dans notre vieille Europe, où des milliers de gens, chaudement exhortés par un vieillard insigne, se  regroupent pour crier à la face du monde leur différents sujets d’indignation, il devient difficile de faire entendre certaines petites voix qui voudraient bien qu’on les écoute aussi, leurs plaintes étant forcément dérisoires comparées aux enjeux, souvent vitaux, de celles du plus grand nombre. Faut-il pour autant se taire ? En l’occurrence, ce n’est pas mon choix. (suite…)

Ce que dit la bouche d’ombre

2 mars 2013,

le-sauvage-n-46-l-excrement-humain-revue-872751598_ML Octobre 1977 , c’était la grande époque du Sauvage, nous publions un numéro spécial N° 45 sur “l’Excrément Humain” . Sujet éminemment écologique. Une peinture de Bacon figurait en couverture son amant, qui mourut d’une crise cardiaque sur le siège des cabinets. (Ne jamais pousser!)

Ce numéro du Sauvage fut rapidement épuisé. Et aujourd’hui en ces temps de toilettes sèches, les amateurs éclairés le recherchent encore. Il y a deux jours, nous republions sur le même sujet un texte de Junichiro Tanizaki.

 Noëlle Chatelet venait de publier un livre succulent : Le Corps à corps culinaire[1]. Gourmande et cultivée, elle mettait le stylo dans le plat et c’est un régal. Jean-Paul Gibiat l’avait confessée.

Au cours de son corps à corps, l’auteur n’hésite pas à s’attaquer au « dernier de nos tabous » : elle nous rappelle notamment que “la bouche est à l’anus ce que le palais est au trône »…

JPG— La merde, si j’ose dire, a fait couler beaucoup d’encre…

NC— C’est au point qu’en 1849 et avec l’aide de deux collaborateurs, un certain Pierre Janet a cru bon de réunir dans un ouvrage intitulé Biblioteca scatologica une bibliographie exhaustive de tous les textes parus jusqu’à cette date sur, je le cite, le « caput mortem de la chimie intestinale »… Et la matière, sans jeu de mots, est si abondante qu’il ne lui faut pas moins de trois (suite…)

Möbius,

2 mars 2013,

par Saura Loir 54072420446781jpgr640600b1D6D6D6fjpgqxxxyxx

Je vais vous faire un aveu : je n’ai pas compris grand-chose à l’intrigue de ce film. Tous ces personnages qui passent d’une langue à l’autre et qui semblent appartenir à plusieurs mondes et pays à la fois, ces conversations sibyllines émaillées d’acronymes, comment m’y retrouver ? On y voit une belle (évidemment) jeune femme, analyste financière extrêmement douée pour trouver les meilleures combines garantissant un maximum d’argent à un minimum de gens, et tant pis pour les perdants. Un espion russe très énervé qui engueule tout le monde, (suite…)

L’endroit le mieux fait pour goûter la poignante mélancolie des choses

1 mars 2013,

reprint Le Sauvage, octobre 1977

 Extrait de « Éloge de l’ombre », de Tanizaki Junichiro, traduit par René Sieffert, copyright P.O.F. (Presses Orientalistes de France).

 

TanizakiAu nombre des agréments de l’existence, le Maître Sôséki comptait, paraît-il, le fait d’aller chaque matin se soulager, tout en précisant que c’était une satisfaction d’ordre essentiellement physiologique ; or, il n’est, pour apprécier pleinement cet agrément, d’endroit plus adéquat que des lieux d’aisance de style japonais, d’où l’on peut, à l’abri de murs tout simples, à la surface nette, contempler l’azur du ciel et le vert du feuillage. Au risque de me répéter, j’ajouterai d’ailleurs qu’une certaine qualité de pénombre, une absolue propreté et un silence tel que le chant d’un moustique offusquerait l’oreille, sont des conditions indispensables. Lorsque je me trouve en pareil endroit, il me plaît d’entendre tomber une pluie fine et régulière. Et cela tout particulièrement dans ces constructions propres aux provinces orientales, où l’on a ménagé, au ras du plancher, des ouvertures étroites et longues pour chasser les balayures, de telle sorte que l’on peut entendre, tout proche, le bruit apaisant des gouttes qui, tombant du bord de l’auvent ou des feuilles d’arbre, éclaboussent le pied des lanternes de pierre, imprègnent la mousse des dalles avant que ne les éponge le sol. En vérité ces lieux conviennent au (suite…)

Signez pour la forêt de Troncey

1 mars 2013,

JncQRuZjDTIeZcv-180x118-croppedStoppons le projet de scierie géante qui risque de détruire la forêt du Morvan où nous vivons. À l’abri des regards, un projet de scierie géante est en train de voir le jour dans la forêt du Morvan où nous vivons, et risque de détruire cet écosystème (suite…)

Paul Jacoulet : peintre lent

1 mars 2013,

70a4fd7f0bEn sortant du quai Branly on cherche un mot. Le mot qui pourrait qualifier la peinture de Paul Jacoulet (1896-1960). On le trouve avant d’arriver au restaurant des Deux Abeilles, 189 rue de l’Université, que je vous recommande, derrière le musée. Succulentes tartes.

Le mot c’est languide. Le peintre français, japonais, fasciné par ce qu’il appelait “les îles du sud”, la Micronésie et leur population rêveuse, s’est laissé aller à leur minutieuse évocation. Cet amateur de papillons épingle ses sujets humains avec minutie, virtuosité, sensualité. Une forme picturale de sensualité très particulière: languide. Les sexes masculins, féminins, P._Jacoulet_J-_Webenfantins, vieillis se fondent en une partition monocorde. Sexes minutieusement dessinés ou évoqués par des coquillages ou des plantes. Il faut se laisser saisir par cette nonchalance tropicale. Nous voilà bien loin de Gauguin et de son évocation passionnée de la Polynésie.

Très étrange peinture métisse franco japonaise, qui mérite que l’on en suive l’incantation. Pour les détails techniques, on trouvera un très bon article dans le Point.

Alain Hervé