Montaigne va vous faire du bien

19 août 2013,

par Alain HERVE

9782226246936m« Une Vie de Montaigne » de Sarah Bakewell mérite l’avalanche d’éloges qui lui est adressée. Encore qu’on ne sache pas si ces compliments ne s’adressent pas en fait à Montaigne lui même, qui continue de nous séduire à travers les siècles.

Avant d’en revenir à Montaigne signalons cependant la maladresse de l’écriture de ce livre, mais peut être s’agit il de la traduction en Français, qui rend la lecture inconfortable. Nous n’avons pas eu en main le texte anglais.

Donc Montaigne était un très curieux homme, trop épatant pour qu’on le croie tout à fait. pour l’essentiel, ce que nous savons de lui, il en est l’auteur. Il était intelligent, très intelligent, dépourvu de mémoire, c’est lui qui nous le dit, paresseux, il s’en vante, studieux à sa manière. Il nous a laissé un joli pavé rédigé à petites journées dans sa tour du château de Montaigne.

Ce qui étonne surtout dans sa vie c’est qu’il ait pu devenir maire de Bordeaux. Atteindre à de telles responsabilités nécessite une énergie humaine et politique particulière. Le parcours qui y mène nécessite quelques manœuvres obligatoires qui ne coïncident pas avec son tempérament.

Ce qui étonne encore c’est sa passion amicale pour un homme, La Boétie, qui malgré sa violence ne passe jamais par le contact physique.

Dur à la douleur, il surmonte sans éclat la mort de trois de ses filles en bas âge. Accablé par la maladie de la pierre qui inflige de terribles souffrances, il traverse cependant la France et l’Europe à cheval.

Bakewell en fait un héros du savoir vivre. A la question « Comment vivre ? » le titre de son livre, elle propose vingt tentatives de réponse.

Elle obtient un portrait tout en nuances de ce sage qui choisit toujours le juste milieu. Il faut se souvenir qu’il a vécu en pleine guerre de religion entre catholiques et protestants. Il fait penser à un politique contemporain Bayrou. Centriste de vocation. Avant de se prononcer sur quelque question il cite Sénèque ou Pyrrhon . Il aurait pu en rester à jugeote. Mais il était, comme ses contemporains cultivés, pétri de lettres classiques.

Rousseau et les Lumières lui doivent beaucoup. Nous lui devons encore beaucoup pour ce que nous appelons notre « humanisme ». Pascal l’a plagié et méprisé. Ce qui rend Pascal méprisable dans ce rôle. Nietzche l’a porté aux nues.

Ecologiste de nature il aime les animaux et les plantes : « Il y a un certain respect qui nous attache, et un général devoir d’humanité, non aux bêtes seulement, qui ont vie et sentiment, mais aux arbres même et aux plantes. Nous devons la justice aux hommes et la grâce et la bénignité aux autres créatures, qui en peuvent être capables. Il y a quelque commerce entre elles et nous, et quelque obligation mutuelle »

Parmi les vingt tentatives de réponse de Sarah Bakewell, je retiens : Ne pas s’inquiéter de la mort. Faire attention. Lire beaucoup, oublier l’essentiel de ce qu’on a lu et avoir l’esprit lent. Utiliser de petites ruses. Tout remettre en question. Se ménager une arrière boutique. S’arracher au sommeil de l’habitude. Voir le monde. Ne philosopher que par accident. Réfléchir à tout et ne rien regretter. Lâcher prise. Etre ordinaire et imparfait. Laisser la vie répondre d’elle-même.

Et voici Montaigne dans sa modeste gloire apprenant  à vivre à ses descendants. A nous. Retrouvez votre Montaigne oublié et lisez le malgré la difficulté du vieux Français . Mais des versions modernisées sont désormais disponibles.

Alain HERVE