La vie extra – ordinaire d’un pèlerin sur le chemin de Compostelle

15 octobre 2013,

Nous publions en feuilleton le pèlerinage de Jean-Luc Fessard, un ancien des Amis de la Terre co-organisateur avec Brice Lalonde de la célèbre manif à vélo de 1973. Marcheur bien entraîné et observateur de la nature et de ses compagnons de route, il nous raconte cette expérience.

Par Jean- Luc Fessard

La borne des 1000kms«  La vie est un livre ouvert, ceux qui ne voyagent pas n’en lisent qu’une  page ». Citation reçue d’un ami.

Mes notes :

Mon projet de faire le chemin de Tours à Compostelle s’est concrétisé il y a plus de 10 ans. Dans les années 1972- 1973 je suis allé « faire la route » en Amérique du Sud pendant 10 mois. Par la suite je me suis mis en quête d’un autre projet pour partir à nouveau. Et j’ai découvert le livre de Barret et Gurgand « Priez pour nous à Compostelle », lorsqu’il est sorti en librairie. Mais à ce moment-là, ma vie changeait, je commençais une vie professionnelle passionnante et mes filles charlotte puis Alexandra naissaient.

Ce n’est qu’au début du siècle, devenu quinquagénaire, que retrouvant le livre dans ma bibliothèque, je décidais d’aller plus avant. Ma première démarche fut d’aller à la permanence de la rue des Cannettes voir l’association des Amis de Saint Jacques pour me renseigner. J’adhérais à l’association et la personne qui me reçut me remis ma crédentiale. Elle me dit qu’avec le prochain Bulletin de l’association je recevrai une fiche d’un certain Francis Delort qui organisait des marches sur les chemins de Saint Jacques autour de Paris. Et comme par hasard, lorsque je reçus cette fiche, la marche que Francis proposait cette année-là, allait de Paris à Tours par Chartres.  Et, probable signe du destin, elle passait dans mon village d’origine : Prunay-Cassereau. Il était évident que je devais faire cette marche. A l’époque je pensais faire le chemin dans les mois à venir.  Mais je ne voyais pas comment abandonner mon entreprise pendant les  2 mois et demi nécessaires pour le faire en une seule fois et non par petites étapes.. Et je découvris très vite, en marchant avec le groupe de Francis Delort, que les plus âgés d’entre nous, qui étaient déjà à la retraite, marchaient mieux que ceux qui, comme moi, étaient encore en activité. Je décidais donc d’attendre d’être à la retraite pour faire le chemin dans son intégralité. Entre temps j’ai marché avec le groupe Francis Delort. Et pendant 10 ans, outre le Paris-Tours par Chartres, nous avons fait : Reims-Paris, Amiens-Paris, Paris-Vézelay, Paris-le Mont Saint Michel, Paris-Tours par Orléans, Rouen-Paris…

Comme je me préparais à prendre ma retraite, d’août 2012 à mars 2013, j’ai refait, par petites étapes, le chemin de Paris jusqu’à Tours via Chartres. Je suis parti de la Tour Saint Jacques et je suis passé par Arcueil où j’habite.  Quelques mois plus tard, je suis arrivé à Prunay-Cassereau et je suis allé me recueillir dans la basilique proche, de Notre Dame de Villethiou. Dont le pèlerinage a lieu le 8 septembre, le jour de la nativité de la vierge. Coïncidence c’est aussi le jour de ma naissance. En effet ce jour-là, en 1949, à Prunay lorsque je suis né, j’étais prématuré et ma famille s’est inquiétée pour moi. Je donnais l’impression de souffrir, je pleurais beaucoup et j’avais au niveau de l’aine une grosse boule suspecte. De crainte que je ne survive pas, j’ai été ondoyé le jour même, comme cela se faisait à l’époque. Et toute la famille assemblée pour le pèlerinage est allée à Villethiou prier la vierge, en demandant qu’elle me protège. De mon côté j’ai été conduit à l’hôpital de Tours, où en quelques jours sans aucun traitement et sans explication, la grosseur a disparu et je me suis développé normalement.

Début mars 2013, la transmission de l’entreprise, que j’avais créée il y a 25 ans, à mon équipe est achevée. Je peux partir sur le chemin pour une démarche : physique, écologique, humaine et spirituelle.

C’est une authentique épreuve physique que de partir ainsi sur le chemin sur plusieurs centaines de kilomètres, avec un sac à dos d’environ dix kilos. Ce sera d’ailleurs tout au long du chemin l’une de mes principales craintes : celle de me blesser et de ne pouvoir aller jusqu’au bout. Certes, à l’opposé de Jean-Christophe Ruffin, qui explique dans son livre « Immortelle Randonnée », comment a fait le chemin à la dure, j’ai choisi d’alléger au maximum mon sac : pas de tente, pas de duvet et pas de matériel de cuisine. Il me faut tous les jours trouver repas, lit et couverture. De ce fait, mon sac pèse entre huit et dix kilos en fonction de la quantité d’eau que je prends.

Une démarche écologique, par la recherche d’une vie en pleine nature, lente et simple à la fois. Pour la légèreté de sac, je me débarrasse de l’inutile. Ce choix fut pertinent car tous objets que j’ai sélectionnés me seront effectivement utiles, aucun ne restera inutilisé. Et pendant deux mois et demi je progresserai lentement, à mon rythme, sur le chemin au gré des intempéries.

Une démarche humaine, à l’instar de ce que j’avais vécu en Amérique du Sud. A l’époque, j’étais déjà parti seul, dans une recherche initiale de contacts avec des populations exotiques, quechuas, amazoniennes… vite remplacée par des rencontres extraordinaires avec des gens ordinaires. Cette fois je suis tout autant curieux de voir quelles rencontres je vais faire.

Une quête spirituelle, d’origine catholique, je suis un croyant en questions. Depuis des années, peu satisfait de certaines positions de l’église catholique, je me suis intéressé aux diverses pratiques religieuses de par le monde. Pour moi, la plupart des religions sont très intéressantes et ont une légitimité, mais je ne veux pas en faire mon melting-pot personnel. L’idée qui m’inspire le plus est, ce qu’aurait dit le Dalaï lama à des occidentaux : « vous êtes des chrétiens, ne cherchez pas à être des bouddhistes, ce n’est pas votre culture, soyez de bons chrétiens ». J’aspire à être un bon chrétien, comprendre « une bonne personne » et j’espère que le chemin y contribuera.

Et ce fut enfin le jour du grand départ :

Le 28.04.2013 j’arrive en TGV à Tours à 18H00

En quittant la gare, j’ai retrouvé des amis, Olivier et Pascale S. avec leur chienne qui sont venus me souhaiter bon chemin. Photos. Puis je me suis rendu à l’accueil pèlerin de la basilique Saint Martin. Au repas…

Jean Luc-Fessard (à suivre)