TEQs ! pourquoi pas des AEM ?

14 décembre 2013,

rationnement de l'essenceLe Sauvage a visité le site d’avant-garde sur une gestion souhaitable de l’énergiequi rend hommage à la sagesse des britanniques. Un point de vue qui n’est pas toujours bien apprécié des français qui préfèrent dénoncer « l’écologie punitive ».

Ce site est un support pour promouvoir un système de quotas, basé sur une adaptation du système de Quota d’Énergie Négociable mis au point en Grande-Bretagne, appelé TEQ (pour Tradeable Energy Quota). Les objectifs de ce système se rapprochant de ceux de la taxe carbone, ce site explique  pourquoi préférer le système de quotas à celui de la taxe.

Pour une présentation en 10 minutes des principes, voir cette vidéo. La section documentation permet d’approfondir le sujet.

Motivations

Afin de réduire les consommations énergétiques, d’anticiper les pénuries prochaines en énergies fossiles et de réduire les émissions de gaz à effet de serre, il est acquis qu’un changement des comportements des citoyens et des différents acteurs économiques est nécessaire.

Pour ce faire, deux mécanismes sont étudiés de manière approfondie dans le monde : la hausse continue du prix de l’énergie, et les quotas. Le premier a été proposé en France en 2009, sous la forme de la Contribution Climat-Energie. L’échec de cette initiative rend nécessaire de repenser l’approche et de s’intéresser au système de quota.

La Grande-Bretagne a effectué, depuis une dizaine d’années, un travail considérable sur un système sophistiqué de quota énergétique négociable appelé TEQs (Tradeable Energy Quota). Sa faisabilité technique, financière et réglementaire ne fait plus de doute.

Dans ce système, l’énergie est conçue comme un bien commun, c’est-à-dire une ressource partagée équitablement entre tous, gérée de manière démocratique dans l’intérêt général. Chaque citoyen se voit attribuer le même droit à l’énergie, qu’il peut éventuellement échanger à un taux fixé démocratiquement. Les entreprises et collectivités locales doivent se partager l’énergie allouée via des enchères.

Les allocations énergétiques baissent d’année en année, selon un Plan de Descente Energétique global, défini à long terme, destiné à réduire progressivement les émissions de CO2 et à précéder la déplétion des énergies fossiles. Les énergies propres sont encouragées.

Ce système fait confiance à l’intelligence collective, et amène chaque individu, groupe, quartier, commune, entreprise,  industrie, collectivité locale, etc…, à coopérer afin de trouver des moyens pour réduire ses consommations. L’Etat est là pour s’assurer du fonctionnement du système, et pour répondre aux besoins exprimés par les acteurs. C’est un changement complet de perspective par rapport à nos ‘plans climats territoriaux’ jacobins.

La descente énergétique étant l’avenir commun, les actions prises par les individus dans leur propre intérêt sont les mêmes que celles nécessaires à l’action collective. Chacun a le même droit en énergie, et chacun participe à l’effort commun. En substituant un partage de la sobriété à la régulation inéquitable de la consommation par la hausse du prix de l’énergie, les quotas permettront la préservation de la démocratie lors de la décrue énergétique.

Fonctionnement

Ce texte est une adaptation de la description des TEQs 

Allocation Énergie Monnayable (AEM) : Comment ça pourrait marcher ? 

1. AEM est un système de répartition et de rationnement de l’énergie (essence, fuel, gaz, électricité),  destiné à être mis en œuvre à l’échelle nationale.

2. Il y a deux raisons pour lesquelles un tel mécanisme est nécessaire:

Le changement climatique : pour garantir la réalisation des objectifs nationaux de réduction de carbone.

L’approvisionnement en énergie: pour maintenir une répartition équitable de carburant et d’électricité en période de pénurie

3. Les AEM sont mesuré en points

4. Chaque semaine, chaque adulte se voit crédité la même Allocation en points AEM. Les autres utilisateurs d’énergie (gouvernement, industrie, etc) obtiennent  leurs points via des appels d’offres ou des enchères hebdomadaires.

5. Si vous utilisez moins que votre allocation de points, vous pouvez vendre vos surplus. Si vous avez besoin de plus, vous pouvez les acheter. Tous les échanges se font à un prix unique, national, qui monte et descend en fonction de la demande. L’achat et la vente pourraient être aussi faciles que la recharge d’une carte Moneo ou de téléphone mobile.

6. Chaque type de carburants (et  l’électricité) a un «coefficient de pollution” qui correspond à un nombre de points; ce coefficient dépend des pollutions liées à sa production et son utilisation : essentiellement gaz à effet de serre, déchet radioactif.

7. Lorsque vous achetez de l’énergie, comme l’essence pour votre voiture ou de l’électricité de votre ménage, les points correspondant à la quantité d’énergie que vous avez achetée sont déduites de votre compte AEM, en plus de votre paiement en argent. Les paiements en points AEM sont généralement automatiques, en utilisant une carte de crédit ou (le plus souvent) le  prélèvement automatique.

8. Le nombre total de points disponibles dans le pays figure dans le Budget National d’AEM. Le volume de ce budget descend d’année en année – étape par étape, comme un escalier.

9. Ce budget est fixé par le Comité Indépendant. Ce comité est constitué d’experts, de représentant d’associations environnementales, de syndicats  etc.. Ce comité fixe également les coefficients de pollution, en fonction des choix sociétaux, et éventuellement propose des options soumises à référendum.  Le gouvernement est lié par le mécanisme des AEM, son rôle est de conduire le pays en fonction de la disponibilité du carbone et de l’énergie.

10. Puisque le prix national des AEM est déterminé par la demande énergétique nationale, il est dans l’intérêt de tous de s’aider les uns les autres à réduire sa demande énergétique, et de travailler ensemble afin d’encourager un sentiment national d’avoir un but commun.

Argumentaire

 Cet argumentaire est issu du rapport des parlementaires britanniques.

1. Garantie d’une réduction des émissions de gaz à effet de serre – la quantité totale d’AEM  est déterminée chaque année dans le Budget. Le prix des points, par contre, est variable et dépend de la demande : moins l’ensemble de la collectivité consomme, moins cher elle paye son énergie

2. Équité entre les citoyens – Certes certaines personnes ont des besoins énergétiques plus importants que d’autre (par ex. car leur maison est mal isolée, ou parce que elles doivent prendre la voiture pour aller travailler), mais les conséquences du changement climatiques et de la déplétion seront nécessairement  injustes, et les AEM obligent à agir là ou c’est le plus nécessaire, par anticipation d’une réduction sans discernement des rations énergétiques qui sera bientôt imposées par la nature.

3. Engagement  à long terme.  Le taux de descente énergétique est constant, avec des objectifs de consommations à 20 ans. Les actions sont prises pour le long-terme.

4. « Laisser l’argent aux consommateurs » – qui sont les mieux placés pour décider des adaptations nécessaires, surtout dans un monde en récession à cause des effets combinés du changement climatique et du peak oil. Les revenus des ventes des AEM aux enchères alimenteront des fonds gouvernementaux. Les AEM permettent de réduire la variation du prix de l’énergie.

5. Aide du gouvernement, dont la priorité est d’assurer la descente énergétique, mais qui est ‘sur le même bateau que n’importe qui’ et ne doit pas passer son temps à écrire des décrets.

6. Le problème est un problème énergétique, les solutions doivent être de même nature. Les aides financières sont accessoires.

7. Propriété – le mécanisme appartient aux gens qui l’utilisent, c.-à-d. à tous les consommateurs d’énergie. Le prix des unités est un indicateur du progrès des consommateurs dans la réduction de leur dépendance au pétrole.

8. Garantie pour chaque citoyen qu’il aura accès à son allocation en énergie – même en cas de crise énergétique grave. L’énergie ne sera pas accaparée par les plus riches – qui toutefois pourront en acheter en surplus.

9.  Permet à la fois de s’adapter à la rareté énergétique et au réchauffement climatique.

10. Avantage international, via la réduction des couts énergétiques et l’avance technologique

11. « Pull » – Approche coopérative – plutôt qu’approche dirigée par un gouvernement. Les AEM sont un cadre dans lequel tous les consommateurs d’énergie – particuliers, quartiers, industriels, collectivités locales – coopèrent pour réduire, chacun à leur niveau, les consommations énergétiques. Le gouvernement ne fait que répondre à des demandes des gens. Les AEMs stimulent l’intelligence créative.

12. Un But Commun : Si la descente énergétique devient un but commun, alors les actions prises par les individus dans leur propre intérêt sont les mêmes que celles nécessaires à l’action collective. Le cadre des AEMs permet à chaque individu de coopérer avec les autres pour développer le principe de proximité, construire des compétences locales pour satisfaire des besoins locaux, etc…

Taxe ou quotas

L’argumentaire et la FAQ donnes des éléments de comparaison entre les systèmes de quota et ceux de la fiscalité carbone. On peut en citer quelques autres intéressants :
  1. Une plus grande acceptabilité socialedémontrée. Contrairement à la taxe carbone, le système des AEM a en effet été construit à partir des recherches en psychologie sociale des comportements et l’étude économique des biens communs. Basé sur des des gratifications intrinsèques, il permet l’alignement des objectifs individuels avec ceux collectifs et une plus grande implication des acteurs dans la résolution du problème climat-énergie,…
  2. Garantie que l’énergie consommée et les émissions de CO2 ne dépassent pas des objectifs, définis démocratiquement. Les plus riches peuvent consommer plus seulement dans le mesure ou ils donnent de l’argent à ceux qui consomment moins en échange de leurs droits.
  3. Prévu pour le Peak Oil, car il est fort probable qu’une taxe carbone de quelques dizaines d’Euros ne soit pas acceptable quand le pétrole sera de nouveau très cher, et ne constituera plus un ‘signal-prix’. Les TEQs ont été prévues pour être à la fois un outil d’incitation aux économies et de réduction des émissions, et un outil de répartition. Il est en effet applicable même quand l’énergie viendra à manquer, et permettra une répartition équitable des droits à celle-ci, indépendamment de son prix et selon un plan de réduction des consommations préalablement défini. A contrario une taxe se rajoute au prix du l’énergie. Elle sera difficilement acceptable lorsque celle-ci sera chère, et ne permet pas donner un signal stable à long terme
  4. Simplicité des concepts. Les quotas ne cherchent pas à remplacer la fiscalité pour réduire les inégalités (même s’ils y contribuent), ils ne traitent que du problème énergie-carbone, de manière simple et transparente, en terme énergétique et non financier. 

Les quotas permettent de réduire la fiscalité à sa rôle premier, qui est de permettre à la collectivité d’avoir des ressources financières nécessaires à son action. Le problème à résoudre étant un problème énergétique, les solutions doivent être de même nature.
  5. Approche moins étatique – C’est aux acteurs (citoyen, collectivité locale, entreprise) de trouver les meilleurs moyens de satisfaire le plan de descente énergétique, et non à l’état d’imposer des règles et des décrets. Un changement significatif de paradigme par rapport aux approches taxe et réglementation, et qui rejoint les méthodes optimales de gestion des bien communs. 

La fiscalité est basée sur l’hypothèse que les autorités savent ce que les gens doivent faire ou ne pas faire, et savent guider les choix des citoyens au travers d’incitations financières.  
La descente énergétique, en revanche, c’est un problème posé aux gens dans un cadre bien défini, qui ne peut être résolu que par leur ingéniosité et leur coopération. Les citoyens sont motivés par une incitation intrinsèque, plus efficace que les incitation type  ‘carottes et bâtons’.