Le banquet d’Auteuil, Jean Marie Besset, Théâtre 14, Paris

22 mars 2015,

par Michèle Valmont.32931

Le Théâtre 14, toujours avide de nouveauté, monte pour la première fois à Paris “Le banquet d’Auteuil” de Jean-Marie Besset. Cette fiction historique met en scène un Molière vieillissant qui, lassé des infidélités de sa femme, se réfugie dans sa maison d’Auteuil en compagnie de son fidèle ami Chapelle et de son jeune…protégé, le comédien Michel Baron. Molière révèle à son confident sa passion dévorante pour le jeune homme. Cet amour, longtemps occulté, parait attesté par divers témoignages. Pour ceux qui l’ignoraient, il jette un éclairage nouveau sur la personnalité du dramaturge.
Chapelle prend cet aveu à la légère et, fêtard impénitent, convie à Auteuil un groupe d’artistes et d’écrivains libres penseurs et jouisseurs: Lully, Dassoucy, Nantouillet et quelques autres se chamaillent, sous la houlette du fantôme de Cyrano de Bergerac.
Un banquet s’organise, suivant la tradition de Plutarque ou Platon, on philosophe, les bouchons sautent, les boutons aussi; on se livre à des jeux érotiques et musicaux, on met en scène un jugement de Pâris au masculin où la nudité triomphante des participants s’offre au regard intéressé du spectateur. Les convives exigent que Baron soit présent, au désespoir de Molière qui se retire alors, souffrant de voir son amour sincère mêlé à des pratiques libertines.
Car le sujet de la pièce est là. Les libertins du XVIIe siècle sont des philosophes souvent homosexuels dont la pensée athée et provocatrice heurte le pouvoir et l’Eglise et met leur vie en péril. Ainsi Théophile de Viau sera-t-il exécuté et Cyrano de Bergerac assassiné.
Jean-Marie Besset a inventé un langage plaisant, précieux et raffiné, sans vulgarité. On sent chez lui une grande connaissance de l’époque et de ses moeurs. Trop grande peut-être car on déplore souvent  certains dialogues interminables sur des sujets d’un intérêt discutable. Ecourtée, la pièce aurait gagné en puissance.
Le Molière de Jean-Baptiste Marcenac est émouvant, tout en nuances et ambiguïtés. Hervé Lassïnce campe un Chapelle convaincant; quant à Félix Beaupérin, il  est étonnant de sincérité dans le rôle difficile du jeune amant. Le reste de la distribution, d’où émerge le brillant Cyrano d’Alain Marcel, est parfait et évolue allègrement dans la mise en scène vivante de Régis de Martrin-Donos.

Michèle Valmont

Théâtre 14: 01 45 45 49 77