Reniements et huile de palme

26 mars 2016,

Sous le titre : Barbara Pompili, la sous taxation de l’huile de palme et le réchauffement climatique, nous avons lu un article de Gérard Le Puill, dans “L’Humanité”en date du mercredi 23 mars 2016.palmiers à huile Greenpeace

Sur recommandation de la secrétaire d’Etat à la biodiversité, une majorité de députés à voté le 17 mars une sous taxation de l’huile de palme importée, défaisant ainsi la surtaxe progressive votée plus tôt par le Sénat à l’initiative du groupe sénatorial Europe Ecologie Les Verts. Mais quelle est la vraie raison de ce virage à 180° ?

L’huile de palme a beaucoup de défauts et très peu de qualités. Sa qualité première est son faible coût de production, en Indonésie et en Malaisie notamment. Elle est aussi facile à inclure dans les plats préparés dont l’industrie agroalimentaire ne cesse d’élargir la gamme en France. Est-ce pour ces deux raisons qu’une majorité de députés a décidé le 17 mars d’alléger la taxation de l’huile de palme ? Quoiqu’il en soit, la position du gouvernement sur cette question par la voix de Barbara Pompili, ancienne députée d’Europe Ecologie Les verts et récemment promue secrétaire d’Etat en charge de la biodiversité, mérite d’être connue.

Dans un premier temps, à l’initiative du groupe des écologistes de la Haute assemblée, une majorité de sénateurs avait voté pour une taxation progressive de l’huile de palme. Cette taxe devait passer de 104€ la tonne en 2016 à 300€ en 2017, 500€ en 2018, 700€ en 2019 et 900€ en 2020. Cette surtaxe progressive était vue comme le moyen de réduire la moins recommandée des huiles pour notre santé. Comme c’est aussi une culture pour le développement de laquelle les pays exportateurs font de la déforestation, surtaxer cette huile revenait également à décourager le développement de sa production. Cette surtaxe était donc cohérente dans le pays qui vient d’organiser la Cop 21 en décembre 2015.

On se souvient à ce propos de l’argument avancé un peu maladroitement par Ségolène Royal pour appeler à ne plus manger de « Nutella», afin de protéger le climat. Sans doute y avait-il de meilleurs arguments à faire valoir, à commencer par l’utilisation de l’huile de noisette dont il est souhaitable de développer la production en France, d’autant que la noisette broyée en purée entre aussi dans la composition de cette pâte à tartiner.

Mais un changement de stratégie gouvernementale est intervenu à l’Assemblée. Et on imagine que Ségolène Royal ne souhaitait pas prendre la responsabilité de cette volte face. Qu’à cela ne tienne. De même que Paris vaut bien une messe, l’accès à un strapontin vaut bien un retournement de veste. Ce qui a été demandé à la nouvelle secrétaire d’Etat en charge de la Biodiversité qui a défendu devant les députés une politique de recul de la biodiversité en allégeant la taxe sur l’huile de palme qui passerait ainsi 104€ par tonne à 90€. Par comparaison, la taxe sur l’huile d’olive importée des pays non membres de l’Union européenne s’élève à 190€ la tonne.

Mais les facilités données aux importateurs d’huile de palme ne concernent pas que son introduction dans les pâtes à tartiner, les plats préparés, gâteaux et autres friandises. Les producteurs d’agro-carburants sont également sur le coup. Dans un communiqué en date du 21 mars, soit quatre jours après le vote de cette mini taxe sur l’huile de palme par une majorité de députés en séance, la Fédération française des producteurs d’oléagineux et de protéagineux(FOP) invoquait une étude de la Commission européenne mettant en avant les effets désastreux du changement d’affectation des sols (CAS) en Indonésie, en Malaisie et dans d’autres pays producteurs d’huile de palme pour l’exportation.

Cette étude de la Commission indique d’une part que « la variation totale de l’utilisation des terres causée par la demande en biocarburants de l’Union européenne en 2020 est de 8,8 millions d’hectares». Ce sont pour 0,8 million d’hectares des terres soustraites à des cultures jusque là vivrières et pour 8 millions d’hectares des forêts primaires défrichées pour produire des agro-carburants. On imagine facilement le désastreux bilan climatique de la destruction des meilleurs puits de carbone en Asie. Mais l’étude menée pour la Commission par l’Institut international pour l’analyse des systèmes appliqués (IIASA) indique aussi que la combustion du carburant diesel issu de l’huile de palme pollue quatre fois plus que celui issu de l’huile de colza ou de tournesol et près de deux fois plus que celui issu de la graine de soja. Même si la production d’huile de colza et de tournesol pour alimenter les moteurs est discutable, il reste que des unités de distillation ont été mise en place dans le cadre de la politique européenne visant à intégrer 7% de carburants d’origine végétale dans les moteurs tandis que cette distillation fournit aussi des coproduits sous forme de tourteaux pour les bovins , le porcs et les volailles. Ce qui réduit les importations de soja.

Du coup, c’est à bon droit que la FOP interroge les pouvoirs publics sur « la question du recours grandissant à l’huile de palme pour la production et la commercialisation de biocarburants en Europe et en France. En effet, outre son impact sur les changements d’affectation des sols, l’utilisation d’huile de palme importée fragilise le débouché biodiesel des producteurs de colza français , menaçant directement leur revenu mais aussi la rotation des cultures ( …) depuis des mois, la FOP n’a cessé d’alerter les pouvoirs publics à ce sujet , notamment face à la reconversion par le groupe Total de l’activité de raffinage de pétrole brut du site de La Mède, qui produira à partir de 2017 du biocarburant à base d’huile de palme importée ».

Elle est donc là la vraie raison du vote d’une majorité de députés sur la détaxation de l’huile de palme. Il ne reste plus à connaître l’identité du ministre qui a fait avaler son chapeau de paille à Barbara Pompili : Manuel Valls ou Emmanuel Macron ? Probablement les deux sur une suggestion de François Hollande ? Il n’empêche, trois mois après les discours écolos prononcés en clôture de la conférence de Paris sur le climat, cet épisode en dit long sur la sincérité de nos gouvernants quand ils prétendent agir contre le réchauffement climatique.

 Gérard Le Puill