Au grand air de Montaigne

14 mai 2018,

par Alain Hervé

Il s’est retiré à trente neuf ans, pour se rencontrer lui-même, dans ces trois petites pièces rondes et superposées dans une tour rustique. Une sorte de pigeonnier. A distance du bavardage de ses femmes : sa mère, sa femme, ses filles dans leur château. En compagnie de ses maîtres grecs et latins. A distance de ses engagements civiques, et diplomatiques, de sa charge de maire de Bordeaux.

Enfin seul. Entre son oratoire, au rez-de-chaussée*, sa chambre, au premier étage, il dormait assis dans son lit, sa bibliothèque, et son cabinet d’écriture, tout en haut, sous le ciel. Recueilli « sur le sein des doctes vierges ». Attentif au bruit de sa pensée. Pour notre bonheur quatre cents ans plus tard.

Il faut aller à Saint Michel de Montaigne pour respirer l’air qu’il respirait, pour se retrouver chez lui, dans sa peau, sa très petite taille, son art admirable de savoir apprécier et étudier son état précaire d’être vivant.

Ce qui au fil des siècles a fasciné ses lecteurs enchantés, ébahis, c’est l’exposé de son savoir vivre. Au sens fondamental du terme.

Il a laissé dans sa tour l’ombre de sa présence. Une jeune guide intelligente évoque très bien les détails matériels de sa vie dans ce pigeonnier. Allez y.

Vous pourrez en sortant déguster les vins de la propriété. Nous avons succombé au blanc doux à moins de six euros la bouteille.

* Montaigne n’était ni un dévot, ni un incroyant. Les hasards de la vie l’avaient fait naître catholique, il s’en accommodait. « Nous sommes chrétiens au même titre que nous sommes périgourdins ou allemands ». Cette attitude distanciée mérite encore d’être prise en considération de nos jours.