Un problème de cadres

27 mai 2019,

Par Ghislain Nicaise

Nous avions récemment souligné les excès de l’écolo-diversité. Toutes les organisations se réclamant d’une approche politique de l’écologie n’étaient cependant (heureusement ?) pas sur la ligne de départ de ces élections européennes mais il y en avait plusieurs. En outre, des personnalités clairement représentatives de cette approche figuraient dans les listes de la majorité (Pascal Canfin, Pascal Durand), de la France Insoumise (Sergio Coronado), d’Envie d’Europe-Glucksmann (Pierre Larrouturou –1), de Génération.S-Benoit Hamon (Pierre Serne). Pour ne citer que mes préférés, Pascal Durand a été élu mais Pierre Serne n’est pas passé et aurait pourtant fait un très bon député européen comme il a été un excellent conseiller régional. Bien entendu toutes ces personnes n’ont pas les mêmes positions sur tout, bien entendu le parlement européen n’a pas les moyens de prendre toutes les mesures qui semblent nécessaires, mais je fais partie des gens qui vont voter, sans trop d’illusions, pourvu que ça aille dans le bon sens.

Comment essayer de faire des additions pour évaluer à sa juste mesure la progression des convictions écologistes dans l’électorat français ? 

Le cas le plus exemplaire nous est fourni par la liste Urgence Ecologie menée par Dominique Bourg, pour moi un excellent écologiste (2). La liste était validée en position de soutien par deux personnalités incontestables de l’écologie politique : Delphine Batho, qui avait résisté jusqu’à perdre sa fonction de ministre de l’Ecologie dans le gouvernement Ayrault, Antoine Waechter, leader du parti Vert de 1986 à 1993. Aucune nuance (il y en a !) ne pourrait les distinguer significativement de la liste d’EELV, même pour la petite minorité de l’électorat qui lit les programmes. L’existence de cette liste a été dommageable pour les candidatures qui auraient pu faire de bons parlementaires pour l’Europe (par exemple Lucile Schmid) et qui n’ont pas été élues parce que sur la mauvaise liste. Elle est dommageable pour l’impact national de l’écologisme par les quelques % qu’elle retire à la liste EELV-Jadot. Elle n’est motivée que par des critiques sur les personnes. On me rétorquera « et les ambitions personnelles ?». Je crois que les ambitions sont nécessaires pour s’engager dans ces activités et doivent de toutes façons primer sur la recherche pécuniaire. Toutes les ambitions deviennent cependant secondaires lorsque quelques cadres s’imposent par leur intelligence et leur intégrité. Le mouvement écologiste semble donc manquer paradoxalement de bons cadres et ce que nous venons de vivre est une leçon de l’électorat : ça sent le roussi, nous n’en avons rien à secouer de vos divisions, vous devez vous entendre, nous votons pour l’étiquette la plus connue, tant pis si les candidat·es ne sont pas les meilleur·es. (3). 

Cette leçon vaut pour les « petites » listes éliminées mais aussi pour la liste qui a fait 13,5 % : ne prenez pas la grosse tête, vous n’êtes pas meilleur·es que celles et ceux qui ont été éliminé·es, il faut faire l’effort de vous regrouper, il y a vraiment « urgence ». Maintenant, même si c’est cela le message envoyé par les électeurs, cela ne veut pas dire que ce message soit juste ni que les programmes soient clairs ou suffisants mais ce dernier point est une autre histoire sur laquelle nous reviendrons si vous voulez bien nous suivre.

G.N.

(1)- À noter en position de soutien en fin de liste Claire Nouvian, et Bruno Van Peteghem personnalités connues pour leur action dans la défense de l’environnement et non par un engagement électoral antérieur.

(2)- Un cas parallèle pourrait être disséqué avec Benoit Hamon, dont les positions fermement écologistes avaient poussé Yannick Jadot à se désister en sa faveur aux dernières présidentielles. B. Hamon  restera historiquement le premier candidat à avoir osé dénoncer la sacro-sainte croissance.

(3) – C’est aussi la réaction qu’avait eu récemment Alain Hervé, qui a mon étonnement avait écrit sur ce site qu’il voterait EELV. Il avait pourtant une dent contre les « Verts », particulièrement depuis les présidentielles de 2012 où les primaires avaient fait passer Eva Joly devant Nicolas Hulot.