La conversion des véhicules thermiques en véhicules électriques, bientôt en Europe ?

6 octobre 2019,

par Jean-Noël Montagné

Oui la voiture pollue, oui la voiture encombre, oui, la voiture rend con, oui la voiture est inutile dans des villes bien équipées ! Mais la voiture reste encore indispensable en milieu rural, périurbain, et dans de nombreux cas, nombreuses professions, où les transports en communs sont inadaptés.

Devant la décroissance progressive de la production de pétrole d’ici une décennie, mais également pour des raisons évoquées comme écologiques, les pouvoirs publics et le marché nous proposent de passer à l’électrique, en omettant au passage de vérifier si la production électrique est suffisante, et surtout, écologique… Ils oublient également de vérifier si la production mondialisée des véhicules électriques et de leurs batteries est écologique, et nous savons tous qu’il n’en est rien. La voiture la plus écologique est celle que l’on ne construira pas. Le même crédo que pour les déchets ou l’énergie.

Un des parcs contenant des milliers de voitures diesel neuves parmi les 300 000 Volkswagen abandonnées suite au Dieselgate => convertissons-les à l’électrique !

Quoi qu’il en soit, l’Agence Internationale de l’Énergie prévoit environ 30% de véhicules électriques à l’échelle mondiale dans 10 ans. La Chine, et bientôt l’Inde, s’équipent massivement de véhicules électriques à bas coût, notamment de deux-roues et trois roues (près de 230 millions de deux-roues électriques en Chine), tout en produisant une électricité très sale en CO2 et en soufre (à partir de la combustion du charbon). De leur côté, les pays riches se basent sur une industrie de l’automobile électrique haut de gamme, très consommatrice de ressources, inabordable pour le grand public, dans un contexte où les productions énergétiques sont encore très timides sur les énergies renouvelables.

La voiture électrique est simple

Une voiture électrique est un véhicule simple, enfin, devrait être. Il est possible de maitriser très facilement la technique, tellement les principes technologiques sont abordables: un moteur, une batterie, un régulateur, et un chargeur de batteries à la maison. La pléthore d’ordinateurs de bord que l’on trouve dans les véhicules actuels n’est pas nécessaire. On pourrait complètement s’en passer. C’est cette simplicité qui a permis, il y a plus de cent vingt ans, aux véhicules électriques de battre les véhicules à pétrole, aussi bien en vitesse qu’en coût, avant que le Fordisme et son sinistre cortège de derricks ne conquièrent le monde.

Station de recharge des taxis électriques à Paris en 1898. Journal L’illustration.

Sans possibilité d’acheter des véhicules à bas coût, il n’y a aucune chance pour que l’électrique supplante le pétrole avant son extinction, ce qui va nous forcer à libérer dans l’atmosphère les dernières gouttes d’or noir, et menacer la survie même de l’humanité. Il existe pourtant une solution souple et rapide, pour disposer de véhicules électriques en masse, qui est la conversion des véhicules thermiques en véhicules électriques.

Kit de conversion universel vendu par une entreprise US, sans batteries.

Il suffit en effet d’ôter le moteur thermique et tout son accompagnement, le circuit de refroidissement, les réservoirs,  la boite de vitesse, les pots d’échappement, etc, et de les remplacer par un moteur électrique, quelques accessoires, et d’un bloc-batteries, et roulez jeunesse !

Électrifier, ou faire électrifier son auto présente de nombreux avantages:  D’abord, rouler en électrique, sans pollution aérienne in situ, sans bruit, éventuellement avec sa propre production électrique, comme le font de plus en plus d’États-uniens. Ensuite, ne pas avoir à jeter un véhicule thermique, avec une chaine de recyclage coûteuse et polluante, et ne pas avoir à fabriquer une nouvelle voiture, dont on connait l’importante énergie grise associée.

Pour les moteurs, on entends souvent décrier le coût environnemental et humain des aimants permanents composés de métaux rares produits à 90% en Chine. Qu’à cela ne tienne, les technologies sans aimant permanent, pur cuivre (rotor et stator) sont parfaitement au point, et ont été utilisées par exemple sur tous les véhicules électriques de Renault, Citroën, Peugeot, dans les dernières années, avec des moteurs fabriqués en France. En Europe, ce genre de moteur est toujours utilisés par Piaggio pour ses voitures et utilitaires électriques.

Des solutions pour les batteries

Parlons maintenant des batteries. qui sont Le problème majeur de la mobilité électrique, avec la production d’énergie associée. Le Lithium est omniprésent, avec un coût environnemental et humain déplorable, de l’extraction à la fabrication des batteries. Si l’extraction est toujours aussi polluante et socialement coûteuse, son industrialisation et son recyclage progressent un peu, sans qu’on puisse encore parler de filière propre, encore moins de filière écologique. Cependant, les technologies ont changé et ne cessent de s’améliorer: le LiFePO4 (Lithium-Fer-Phosphate ) avec ses 2000 à 3000 cycles de recharge/décharge, permet une durée de vie équivalente à 100 000 km. Beaucoup mieux, le LTO (Titanate de Lithium), dernier arrivé et commercialisé, permet des durées de vies d’une vingtaine ou trentaine d’années, très au dessus de la viabilité actuelle du reste de la mécanique, avec environ 20 000 cycles de charge et décharge (50 ans avec une charge par jour). Mais il n’est pas encore choisi par les constructeurs, qui lui préfèrent des technologies lithium plus compactes assurant plus d’autonomie par volume et par poids. Mieux enfin, les super-condensateurs, très peu polluants mais encore encombrants, bien que la recherche progresse, seuls ou associés à des batteries classiques, qui supportent jusqu’à un million de cycles de charge et décharge, tout en étant complètement écologiques et recyclables ! Une batterie à vie….adoptée sur des bateaux par exemple, comme pour des navettes maritimes à Lorient, ou sur des bus électriques en Chine. Des prototypes sont en cours de test pour de petits véhicules, qui se rechargeraient très souvent pendant une à deux minutes seulement, pour une centaine de kilomètres pour l’instant.

Du recyclage au DIY

Les batteries choisies par les garages de conversion et les particuliers bousculent également le marché du neuf et de l’occasion, et ont créé, aux États-Unis et dans certains pays pauvres, une chaine de recyclage qui commence à se professionnaliser. Certains particuliers ou certaines entreprises recyclent et refont des batteries de véhicules électriques accidentés. D’autres petites entreprises composent des batteries, à l’imitation des techniques de Tesla ou Toyota, avec de simples piles associées par milliers. Mais beaucoup de “converteurs” font appel au marché chinois, très dynamique, qui propose des ensembles de batteries en kit, pour un véhicule d’une tonne équipé, donnant 100 à 150km d’autonomie ou plus, pour 15 ans environ en technologie LiFePO4, pour 4000 à 5000 euros (monté).

Un vrai engouement aux USA

Aux États-Unis, cela fait bientôt trente ans que des garages spécialisés proposent la conversion, certains garages étant tellement biens rodés qu’il suffit de déposer son véhicule thermique le matin pour repartir en électrique le soir ! La conversion est devenue un marché rentable, avec ses constructeurs, ses équipementiers, son réseau de services, et toute une culture du bricolage et du DIY (Do-It-Yourself ) que copient bon nombre de pays. Mais le matériel Etats-Unien possède un coût non négligeable, surtout si on veut l’importer vers l’Europe.

Quelques livres parmi la vingtaine d’ouvrages sur le sujet.

Il y a même des kits d’électrification pour les motos

Les Chinois ont également compris le marché naissant, et proposent des kits de conversion complets à des prix défiant toute concurrence, à moitié prix du matériel US, qu’un simple mécanicien sait mettre en place rapidement. Ils ont également innové rapidement en proposant des moteurs roues, qui réduisent encore plus les temps d’installation, et permettent même de faire des véhicules hybrides !

Le coût permet de rester dans des limites raisonnables, pour un véhicule qui va rouler 100 à 200 000 km de plus, voire plus encore, à condition d’entretenir les pièces de roulement, de direction et la carrosserie. Il faut aussi signaler l’instauration de relation directes entre consommateur et garages, puisque l’entretien ne passe plus par des constructeurs, ou des chaines, dont on connait la logique commerciale abusive: une maintenance exclusive, dans un marché captif, à la limite de la vente forcée.

Qui peut changer de vie ?

Quels sont les véhicules les plus adaptés à la conversion ? Même si les Porsche, les Coccinelle et de nombreux véhicules mythiques européens ou américains ont la côte outre-Altlantique, tous les véhicules peuvent être convertis. On comprend cependant que l’autonomie est dépendante du poids et de l’aérodynamisme, ce qui favorise les petits véhicules, les véhicules légers et bien dessinés. La planète ne s’en portera que mieux également. De nombreux constructeurs de kits de conversion proposent des modèles pour les voitures Européennes, comme on peut le voir sur cette publicité pour un constructeur de kit en Utah (USA). Il ne faudrait pas non plus oublier les motos, pour lesquelles il existe également des kits de conversion, notamment Indiens. Enfin, rajoutons à ce paysage que de nombreux bricoleurs rechargent leurs batteries avec leur propre électricité photovoltaïque, le Graal écologique de la mobilité douce.

Quel est l’avenir de la conversion en Europe ?

Les pays disposant de lobbies automobiles forts, comme la France ou l’Allemagne, ne verront pas de législation autoriser la conversion de sitôt, ni même l’import de véhicules convertis, à moins que des lobbies citoyens naissent pour les imposer. En revanche, d’autres pays européens, plus à l’Est, ont déja pris le pas, il est ainsi possible faire convertir son Renault Espace, sa R5, ou sa Smart en Slovénie, Lithuanie, Grande-Bretagne, Roumanie ou Ukraine, où

Pub pour une entreprise de conversion de voitures Dacia en Roumanie

des garages se sont spécialisés. En Roumanie, c’est un mécanicien français qui a monté son entreprise de conversion de voitures Dacia, la filiale de Renault, et qui remporte un bon succès.

Tant que le modèle consumériste actuel s’impose face à la catastrophe climatique et énergétique annoncée, nos fleurons industriels, automobiles ou énergétiques, continueront à freiner la transition écologique, tout en éco-blanchissant leur communication. Leur marché du moment, c’est le SUV, un pas de plus vers la catastrophe.

Il est pourtant urgent, au vu des perpectives sur les énergies fossiles, que se montent à l’échelle Européenne, et dans chaque pays, des lois génériques permettant facilement la conversion, à l’imitation de ce que l’on peut voir dans le monde entier. Et que de véritables politiques d’équipement en ENR permettent aux particuliers ou aux entreprises de se recharger avec leur propre énergie, comme on le voit déja, même en France.

La conversion des véhicules thermiques en véhicules électriques est née de la culture du bricolage, du Faites-Le-Vous-Mêmes, c’est-à-dire de l’appropriation des technologies par des citoyens passionnés. C’est une parfaite illustration que la liberté technologique, lorsqu’elle n’est pas contrainte par des lois stupides, porte des modèles efficaces, résilients et écologiques: tout ce dont nous avons besoin dans les temps qui viennent.

JNM