Le productivisme agricole inefficace

19 décembre 2021,

La très officielle Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité vient de publier une synthèse sur la nocivité du productivisme agricole. Le titre un peu austère :

Le paradoxe de la productivité : la productivité agricole favorise l’inefficacité du système alimentaire

ne doit pas vous décourager, c’est facile à lire, tout en comportant les références bibliographiques d’usage pour une publication scientifique. C’est un document précieux pour contrer les arguments du genre “on ne peut pas nourrir la population de la planète avec l’agriculture bio”.

Voici l’essentiel de la conclusion :

On a beaucoup écrit sur la nécessité de réduire l’empreinte environnementale de l’agriculture et de lutter contre la pandémie d’obésité, mais ces problèmes ne doivent pas être pris en compte de façon isolée : ces deux problèmes sont les résultats d’un système alimentaire dysfonctionnel qui encourage la surconsommation de calories, le gaspillage excessif et l’externalisation des coûts sur l’environnement et la santé. Une focalisation myope continue sur la productivité agricole risque de perpétuer ces problèmes : le paradoxe de la productivité signifie que l’augmentation de l’efficacité agricole entraîne l’inefficacité du système du fait de l’augmentation des déchets, des coûts environnementaux, ou encore des dépenses de santé. Un défi pour le développement mondial est de s’efforcer de « nourrir un monde de 7 à 10 milliards » d’humains sans créer plus de problèmes que cela n’en résoudra. En plus d’être insoutenable, c’est injuste parce que les plus pauvres (foyers ou pays) en payeront proportionnellement des coûts plus élevés en termes de santé et d’environnement. Il est temps de changer le récit pour permettre aux gens de comprendre et d’investir dans leur nutrition pour une vie saine, en consommant des aliments produits par un système alimentaire durable. Dans un monde aux ressources finies et au capital naturel déjà très dégradé, il est urgent de ne plus se concentrer sur la productivité agricole en tant qu’indicateur de résultats des besoins de la société mais de considérer la productivité systémique en analysant le nombre de personnes nourries sainement et durablement par unité d’intrant.

La fée électricité

23 novembre 2021,

Nous avons lu sur le site de notre consœur The Conversation un article du sociologue Alain Gras dénonçant la sacralisation de l’électricité dans les perspectives de transition énergétique. Un extrait de cet article (intitulé L’électricité, ce mensonge phénoménal) vous donne le message :

Le mythe de la pureté électrique
La fée électricité se présente revêtue de probité candide, dirait le poète, puisqu’elle ne provoque aucune nuisance lorsqu’elle délivre sa magie par simple clic sur le bouton interrupteur. Les usagers savent, plus ou moins, que cette force « courante » n’est pas une énergie, qu’elle ne fait que transférer la puissance d’une autre, bien réelle, matière fossile ou éléments naturels ; mais ils l’oublient devant le prodige.

Délocaliser les effets nocifs
La mise en avant de la pureté électrique repose en effet sur l’effacement du second principe de la thermodynamique : « toute transformation du système entraîne une augmentation de l’entropie globale ». Les déchets sont ici relégués au second plan ; la production, les nuisances, rendues invisibles.
Le génial inventeur et entrepreneur avisé, Thomas Edison, fut le premier à avoir trouvé là un argument publicitaire imparable dans les années 1881. Il équipa dans la rue la plus chic de New York, Pearl Street, un millier d’intérieurs avec ses nouvelles ampoules à incandescence sous vide. Le succès fut immédiat : à la place de la lumière du gaz, qui salissait les intérieurs bourgeois, cette innovation gardait frais tableaux et tapisseries. Mais, à quelques kilomètres de là, deux centrales à charbons rejetaient 5 tonnes de scories par jour dans l’Hudson River.
Ce modèle de délocalisation des effets nocifs, inscrit si profondément dans notre mode de vie, nous empêche de voir que bien des vertus électriques relèvent à la catégorie « fake news ».
Fin de citation.
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Aventures en permaculture – 35, Le compost

22 novembre 2021,

Cette semaine j’ai téléchargé un guide gratuit sur le sujet du compost, offert par Permaculture Design (1) et par la suite j’ai assisté à distance à une conférence de la SCAH (2) sur le sujet, qui s’inspirait de ce guide. La présentation qui dans les deux cas se veut assez complète ne mentionne pas ma méthode favorite de compostage, ce qui me donne l’occasion d’un 35e épisode de mes aventures. Quand je fais visiter mon jardin, il y a toujours une pause didactique à côté du tas de compost. C’est en particulier pour moi l’occasion de répéter un conseil : mettez de la terre, il n’y en a jamais trop sur le compost.
Ce conseil mérite explication et précisions.

Fig. 1. En juin, les pépins des courges mangées l’année précédente ont germé. Le tas de compost est maintenu par des palettes.

Les débuts
Quand j’ai commencé à jardiner, il y a environ 50 ans, j’ai trouvé dans une publication (dont j’ai perdu la référence) la recette de compostage suivante.
1 – Creusez une tranchée peu profonde en mettant la terre sur le côté
2 – Remplissez la tranchée avec vos épluchures et déchets végétaux divers
3 – Remettez la terre par dessus, la nature se chargera du reste.
J’ai suivi à la lettre ces instructions lors de mes premiers essais. Maintenant je préfère un tas délimité par 3 palettes (voir Fig. 1) ou plutôt deux tas côte à côte, un pour l’année en cours et un de l’année précédente. Cela prend moins de place que la tranchée de mes débuts, et facilite le ramassage du produit final, une terre riche et fertile. Sur le tas photographié au mois de juin (Fig. 1), on voit pousser les plants issus des pépins des courges que nous avons mangé l’année précédente. Sur la Figure 2 prise en juillet de l’autre côté de la clôture, on voit que les courges étaient des potimarrons.
La principale précaution est de veiller à ce que le compost ne se dessèche pas, à installer dans le coin du jardin le plus à l’ombre qu’il est possible. Cette méthode est parfois qualifiée de compostage « à froid » mais on peut trouver par places des paquets de vers thermophiles (Eisenia) reconnaissables à leur pigmentation en anneaux d’un rouge plus soutenu. Les deux principaux avantages qui me font préférer ce compostage sont qu’il n’y a pas besoin de remuer pour aérer le tas et d’autre part que le produit final est bien plus stable et durable (de nombreux mois) que le compost obtenu avec les seules matières organiques (qui lui ne dure parfois que quelques semaines avant de perdre une grande partie de son pouvoir fertilisant).
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Lavez-vous bien les mains et tout ira bien

8 novembre 2021,


Dessin de Graeme MacKay © https://mackaycartoons.net/2020/03/18/wednesday-march-11-2020/

Pour celles et ceux qui ne lisent pas l’anglais : La vague du covid-19 nous cache le tsunami multiple dans lequel le changement climatique nous cache l’effondrement de la biodiversité

Pourquoi il faut une révolution verte

7 novembre 2021,

Cet article publié il y a 2 mois sur AOC media, nous est apparu d’une actualité encore plus pressante que lors de sa parution. La Rédaction

Face à la toute-urgence écologique : la révolution verte par Alain Lipietz

Un été de révélations ! Apocalypse, en grec…  Des canicules insoutenables, du Canada à la Sibérie, déclenchent des incendies gigantesques. Une partie de l’Allemagne et de la Belgique est ravagée par des inondations sans précédent historique. La Turquie, la Grèce, la Kabylie, partent en fumée. Puis la Chine, l’Inde, le Japon, et à nouveau la Turquie, connaissent des inondations dévastatrices.  Ces « évènements extrêmes » signent le basculement du climat, annoncé depuis plus de trente ans : conséquence des émissions humaines de gaz à effet de serre. Le 9 aout, les experts du GIEC publient leur 6e Rapport [1]. Il annonce l’accélération de ces évènements. Mais, pour la première fois depuis leur premier rapport (1990), la réalité semble dépasser leurs pronostics.  Il ne s’agit plus de mettre en garde contre des évènements extrêmes dans le futur, mais de les expliquer en direct. On ne se demande plus si la Plaine du Var ou la forêt de Fontainebleau connaitront de pareilles catastrophes, mais quand. Pour le Var : quelques jours après. Nous sommes entrés dans la toute-urgence climatique.

Cet été d’apocalypse s’inscrit dans une catastrophe d’une immense ampleur, qui a contraint l’économie mondiale à se mettre en pause pendant un an et abandonner tous les dogmes de la rigueur monétaire et budgétaire : la pandémie de la Covid, survenue, semble-t-il, comme une de ces paniques frappant la Bourse de manière inattendue : un « cygne noir ».
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Bourg sur Inter

1 novembre 2021,

Trois livres de l’auteur

Ce matin sur France-Inter, actualité COP oblige, l’invité était Dominique Bourg, philosophe qui n’a pas peur de s’engager dans la vie politique. Interview courte et brillante, que nous vous invitons à écouter ou ré-écouter : https://www.dailymotion.com/video/x8583z1
Le Sauvage

Déméter

30 octobre 2021,

Illustration tirée d’un article de Reporterre du 22 février 2020

Deux ans après sa création, la cellule Demeter de la gendarmerie fait toujours polémique

Associations environnementales sous pression, journaliste menacée, lycées agricoles sous influence… La cellule Demeter censée protéger les agriculteurs est accusée par des associations d’étouffer tout débat autour du modèle agricole intensif.

Jamais je n’aurais imaginé vivre une chose pareille en France. On cherche à intimider les associations comme la nôtre.” Henri Plandé, président de l’association Alerte Pesticides de Haute-Gironde alerte depuis qu’il a reçu la visite de gendarmes à son domicile. En février 2020, il a organisé un débat à propos des pesticides, en Nouvelle Aquitaine. Cette initiative lui a valu plusieurs appels de la gendarmerie, qui souhaitait “avoir des informations” sur le contenu de la réunion et ses participants, avant de finalement lui rendre visite. “Ils portaient leurs armes et leurs gilets pare-balles, c’était hallucinant” se souvient-il.
À l’origine de cette visite, la cellule Demeter (du nom de la déesse grecque des moissons) créée en 2019 par le ministre de l’Intérieur de l’époque Christophe Castaner. Ce dispositif, qui a officiellement pour but de lutter contre les atteintes agricoles, s’appuie sur une convention de partenariat passée entre le ministère de l’Intérieur, la Direction générale de la gendarmerie nationale et les deux principaux syndicats agricoles : la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs (JA). Mais d’autres syndicats qui en sont exclus, y voient une tentative d’étouffer tout débat sur le modèle agricole intensif, sous couvert de lutter contre un présumé « agribashing ».
Une des craintes exprimées : c’est de voir les agriculteurs confortés par la gendarmerie dans leur opposition à certaines associations écologistes. “C’est comme si désormais les associations devaient la boucler », estime Maryse Arditi, la présidente de l’association écologiste ECCLA, qui a été qualifiée de “collabo à la solde de la nazi-écologie” par le Syndicat des viticulteurs de l’Aude pour avoir pris position contre le traitement phytosanitaire par voie aérienne. À la demande d’un agriculteur mécontent, une journaliste allemande Bettina Kaps a, elle, été contrainte par des gendarmes à effacer un enregistrement qu’elle avait réalisé dans le cadre d’un reportage.
Enfin, autre évolution qui inquiète des acteurs de l’éducation nationale : des gendarmes, aux côtés de membres des JA sont intervenus dans un lycée agricole pour évoquer “l’agribashing“. Une rencontre qui a eu lieu alors que les JA sont par ailleurs intervenus pour s’opposer à une journée sans viande dans un lycée agricole du Morbihan, et interdire un débat sur le bien-être animal.
Lire l’enquête :
Les opposants à l’agriculture intensive dans le viseur de la cellule Demeter, une enquête de Benoît Collombat, de la cellule investigation de Radio France.
ou écouter le podcast.

Aventures en permaculture – 34, Biodiversité et pesticides

20 octobre 2021,

Mes aventures me conduisent parfois à vous recommander des livres. Je préfère les écrits aux YouTube mais pour une fois je vais vous recommander une vidéo à voir absolument. Il s’agit d’une conférence TEDx sur la biodiversité par Pierre-Henri Gouyon, biologiste de renom. Tout y est, y compris des références de livres si vous voulez creuser le sujet. C’est clair, bref mais complet. C’est particulièrement important car si la notion de changement climatique semble en train de gagner contre ses détracteurs, peut-être trop tard d’ailleurs, la notion de protection de la biodiversité peine encore à sortir des milieux écolos et naturalistes.
Apiculteur amateur j’ai directement assisté au syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles. Un phénomène qui a commencé aux USA avec l’introduction des néonicotinoïdes. Vous avez une belle ruche pleine de miel qui se réveille à la fin de l’hiver, il n’y a pas encore de frelons et le varroa n’est pas trop présent mais le nombre des abeilles diminue progressivement. Il n’y a pas d’essaimage mais vous vous retrouvez avec une ruche vide d’abeilles, pas de cadavres, du miel en abondance. Les abeilles n’ont pas su retrouver le chemin de la ruche.

Et moi qui voudrais des courges butternut pour mes soupes, j’ai pu constater depuis plusieurs années maintenant que si je ne féconde pas les fleurs femelles à la main, je n’ai pas de courges. Je me demande comment font (ou vont faire) les producteurs professionnels. J’ai lu plusieurs fois qu’un tiers du poids de nos fruits et légumes dépendait de la pollinisation par les insectes. En ce qui me concerne c’est déjà plus du tiers.

Ghislain Nicaise

Pendant la Covid-19 (6 : le bilan du CNRS)

16 octobre 2021,

Communication scientifique en situation de crise sanitaire : profusion, richesse et dérives
21 sept 2021
Alors qu’en France métropolitaine on ne relève pas d’indice d’une quatrième vague épidémique, le CNRS, par la voix de son comité d’éthique (COMETS), s’exprime publiquement mais assez discrètement sur la communication scientifique au cours de ces (presque) deux années. Le résumé que nous reproduisons ci-dessous est d’une lecture un peu austère mais ne doit pas vous empêcher de parcourir l’Avis dans son entièreté (PDF, 1Mo). Ceci particulièrement si vous vous posez des questions sur l’épidémie que nous venons de vivre et sur son traitement inhabituel par la plupart des gouvernements mondiaux. Enfin on peut noter que la personne qui a coordonné le rapport est une directrice de recherche émérite qui a une compétence sur les virus, attestée par ses publications sur les phages (ces virus qui détruisent les bactéries).

“RÉSUMÉ : Le COMETS traite, dans cet avis, des multiples formes prises par la communication scientifique dans le contexte de la crise sanitaire provoquée par la pandémie de COVID-19, due au SARS-CoV-2.
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