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Je n’y ai pas plus pensé qu’à mourir

12 juin 2015,

deuilpar Ghislain Nicaise

Hier au téléphone mon meilleur ami m’a appris la mort de sa jeune soeur et je n’ai pas su quoi dire. Je n’ai pas pleuré comme je l’ai fait pour des amis le 7 janvier dernier mais, comme on dit, j’avais mal pour lui. Je suis mauvais pour les condoléances, tous les mots prononcés dans ces circonstances me semblent vains.

Une issue pour moi est d’intellectualiser l’émotion et de réfléchir sur la mort. Pourquoi n’ai-je pas pleuré ? Parce que mon lien avec cette personne était indirect ? Peut-être aussi parce que cette fin était attendue depuis de longs mois ? Quand ma mère est morte, mon deuil était dilué sur de nombreuses semaines depuis qu’elle avait perdu la conscience, je ne sentais aucun besoin d’évacuer un trop-plein d’émotion. La mort de mon père m’avait bien plus affecté : la veille il était en possession de toutes ses facultés mentales et le lendemain (suite…)

Cher Julian Barnes

26 février 2010,

Paris fin février 2010

Cher Julian Barnes

Je suis un de vos vieux lecteurs silencieux mais votre « Rien à craindre » me contraint à vous adresser.

Je l’ai déjà lu plusieurs fois et l’ai offert autant. Je le déguste maintenant en anglais. Il est posé sur le rebord de la fenêtre de ma salle de bain et chaque matin, assis sur le trône, j’en relis un passage. C’est mon bréviaire et mon livre d’heures.

Je suis en perfusion Barnes.

C’est je crois ce que vous avez écrit de mieux depuis que vous courez derrière Flaubert et Renard entre autres.

C’est certainement le meilleur livre que j’ai lu cette année 2009.

Assez de fleurs. Maintenant quelques curiosités insatisfaites. Vous ne traitez pas du fait que l’on meurt les yeux ouverts. Est ce pour voir le vide ? Vous ne traitez pas de la mort de l’humanité. Qui menace.

Et puis on pourrait prétendre que la mort n’existe pas, c’est la vie qui existe. Alors pourquoi en tant parler ? Et bien parce que la mort donne une sacrée saveur à la vie. Elle constitue un suspense qui ne s’use pas et pour chacun de nous.

Personnellement je ne crois pas à la mort parce que je crois à la tête de veau et à d’autres détails importants de l’existence.

Je dois dire que je redoute d’avoir froid, d’avoir faim, de souffrir, je ne redoute pas de mourir. J’y pense chaque fois que j’ouvre mon lit le soir. Je pourrai ne pas avoir à faire mon lit demain matin. Je n’aurai pas non plus à téléphoner à l’électricien, ce que je remets depuis une semaine.

Et surtout, jouissance phénoménale, perverse, asociale, politiquement incorrecte, moralement détestable : je n’aurai plus à payer mes impôts. Chaque fois que j’en paie je me dis en ricanant, c’est peut-être la dernière fois qu’ils me baisent. La prochaine fois c’est moi qui les baise, je ne serai plus là. Je serai irrattrapable, réfugié dans le non être.

Et le non être devient ainsi un séjour délectable.

« Rien à craindre »,…le pire est déjà passé quand on meurt.

Avec toute mon admiration et ma sympathie.

Alain HERVE