Une heure au Jardin des Plantes

8 mars 2011,

En entrant dans le Jardin des Plantes par le numéro 10 de la rue Buffon, un cerisier d’hiver florissant, aux tons rosés, vous accueille et vous salue joyeusement. Quelques pas de plus et c’est un cerisier de l’Oregon, tout blanc, éclatant, qui vous invite à prolonger la balade. Ce blanc est une fête, une célébration.

En se laissant aller, inspiré par les plantes elles-mêmes, celles-ci nous offrent une visite guidée. On passe d’abord devant les promesses des deux grands cerisiers du Japon qui laissent présager, par la densité de leurs bourgeons, de crouler sous le poids de leurs prochaines fleurs. Plus loin, un splendide pêcher rappelle les fleurs les plus exotiques que l’on trouve sur les planches issues des grandes expéditions naturalistes. Ce pêcher commun viendrait de Surinam ou de Cypango, d’un pays poétique où les fleurs des péchers ne laissent pas place au fruit, où la beauté des fleurs est la finalité ultime de la plante, comme une adresse, comme une offrande au promeneur. A côté de ce pêcher, les abricotiers bourgeonnant sont plus indécis, ne montrant timidement que quelques fleurs. Quelques pavots des Alpes sortent également avec courage, en éclaireur dans le froid tandis que la majorité des coquelicots préfèrent encore rester enveloppés en eux-mêmes. A un dizaine de pas, une corneille travaille avec acharnement un pied de lin de Nouvelle-Zélande, donnant sans modération coups de pattes et coups de bec. Cherche-t-elle de la nourriture ? L’opération dure une petite dizaine de minutes avant d’être interrompue par deux garnements qui se courent après. Le soleil descend rapidement en cette vivante fin d’hiver.

Les corneilles pullulent dans le parc, chassant les pigeons lorsqu’ils ne sont pas, à leur avis, perchés au bon endroit. En levant un peu les yeux, il ne faut pas attendre longtemps avant de voir des goélands argentés rôdant aux abords des berges de la Seine, des pies, et encore des corneilles. Une mouette rieuse, la tête sombre, sans un seul battement d’ail, traverse l’allée principale comme un coup de vent. Une corneille, encore en activité, se pose sur le sommet d’un arbre immense, une grande brindille dans le bec. En continuant de longer les arbres aux noms encyclopédiques, on peut apercevoir un menu morceau de binturong, petit mammifère d’Asie, qui doit dormir. Juste à côté, trois imbéciles se moquent copieusement de ses voisins, un couple de petits pandas à la démarche lente mais précise, au poile soyeux et ambré et dont le caractère paraît être d’une douceur égale au miel du Yémen. Au même moment résonne le chant si caractéristique des deux mésanges bleues qu’on ne verra qu’avec peine et patience.

Après avoir aperçu un pinson des arbres au loin, trois colverts les pattes dans l’eau, et quelques mésanges charbonnières, l’une d’elles faisant méticuleusement sa toilette, c’est un gang de sept étourneaux sansonnets fouillant dans un carré l’herbe sous l’œil des éternelles corneilles. Chassés par ces sombres oiseaux, les sept compères réapparaitront aussitôt. En regagnant tranquillement la sortie, les allées me conduisent jusqu’à une viorne. Le rose pâle de ses fleurs se densifie à mesure qu’il se rapproche du zénith. Dans cette viorne, des dizaines de moineaux gras comme des moines pépient à n’en plus finir. Au pied de celle-ci, trois autres voyous d’étourneaux se partagent des miettes avec une gallinule poule d’eau dont on se demande bien ce qu’elle peut faire ici. Au passage des cris d’une poussette, les trois compères regagnent un grand platane tout nu qui devient mélodieusement grinçant.

Nous sommes le vendredi 4 mars après-midi, et le printemps montre déjà le bout de son nez.

Hadrien Gens