Le témoignage d’un agriculteur

20 février 2024,

La rédaction du Sauvage remercie vivement Jérôme Caillé de nous avoir permis de publier son témoignage. Prenez la peine de le lire entièrement :

Je vous tends la main, pour que vous nous releviez !

Au travers de ce témoignage, j’ai décidé depuis le cœur du système, en toute transparence, de vous partager mon témoignage à travers le fil de l’histoire d’une exploitation, pour vous aider à comprendre le malaise qui touche les agriculteurs bios, et vous faire réaliser que vous avez des moyens, et de nombreux intérêts, à participer à la sauvegarde et à la relance de LA BIO, agriculture décriée, mais d’avenir, car la plus aboutie de tous les modèles agricoles, la plus avancée en terme de transition environnementale, et la plus respectueuse du vivant et de tout ce qui l’entoure, dont vous. Les producteurs bios ont fait le travail que vous, citoyens attendiez de nous mais il a été sapé. Vous allez comprendre, et j’espère que vous allez nous aider à relever les défis.

AGRICULTURE BIO, d’où viens-tu, que fais-tu, où vas-tu ?

Je me suis installé en 2002, sur une ferme de 100 hectares, hors cadre familial, aux sources de la Sèvre Nantaise, dans les Deux-Sèvres, en grande culture conventionnelle, j’ai converti l’exploitation en AB en 2011, après avoir « subi » les conséquences de la crise de 2008-2009, où mes charges d’exploitation avaient été supérieures à mes produits. A l’époque, je trouvais qu’on marchait sur la tête de devoir produire aux prix des cours mondiaux, avec des normes européennes, et une sur-règlementation française : il était impossible dans ce contexte de réussir sans changer de modèle, pour ne plus autant dépendre de ce que des financiers ou la météo, et leurs conséquences à l’autre bout de la planète, impactaient sur mes choix professionnels, mais aussi sur ma santé et/ou celle de mes enfants. Ah oui, je n’ai pas précisé, je suis marié et nous avons contribué au « réarmement démographique », avec 4 enfants.

Sur la ferme, dès 2009, j’ai créé un premier atelier de diversification avec la production sur une petite surface de 200 m² d’énergie photovoltaïque, sur un toit de bâtiment tout juste construit : à l’époque, c’était innovant, aujourd’hui c’est courant.

En 2012, j’ai encore diversifié avec le développement d’un atelier « volailles de chair biologique » (1 premier bâtiment), en cohérence avec les cultures qui étaient bio : il y a une synergie forte entre les productions animales et végétales, et cela m’a permis d’être plus résilient, de reposer mon modèle sur 3 productions. En 2017, suite aux travaux de mise en place de la loi EGALIM, et aux réflexions auxquelles j’ai participé, j’ai voulu croire qu’on allait enfin reconnaître notre travail, et j’ai même continué à développer mon élevage, en construisant deux bâtiments, et j’ai employé un salarié en CDI. Ma ferme de 100 ha allait permettre à deux familles d’en vivre, et à moi de prendre des vacances de temps en temps, pour couper. Enfin c’est ce que j’espérais… Si je tire le bilan : en 10 ans d’activité cumulée, j’ai produit et vendu 4.108.350 € de matières premières agricoles (volailles, céréales, énergie), la ferme a permis de rémunérer un salarié à plein temps depuis 6 ans, et de nombreuses autres personnes, qui gravitent dans les services nécessaires à mon exploitation (vétérinaires, assureurs, banquiers, certificateurs, employés d’administrations, d’associations, auditeurs, journalistes, mécaniciens, salariés de coopérative, salariés d’outils de transformation, transporteurs, comptables, agents MSA, agents de l’État, artisans… avec des salaires allant du SMIC à beaucoup beaucoup plus : il en passe du monde sur une ferme !). Car oui, dois-je le rappeler, un agriculteur est à la base de la chaîne des travailleurs. Derrière chaque agriculteur, ce sont 10 emplois assurés dans son entourage, et si vous n’êtes pas de ces 10 , vous êtes peut-être parmi les milliers qui dépendent de ces 10 là. Et moi l’exploitant (ou l’exploité diraient certains), ce travail m’a apporté 118.324 € (en cumulant les 10 années de résultats), soit un salaire moyen de 986 € nets par mois (et oui, les patrons gagnent parfois moins que les salariés ; en 2023, je suis passé en revenu négatif, difficile à concevoir n’est-ce pas ? Mes bâtiments à volailles ont été vides la moitié du temps, je suis en plein amortissement, j’ai encore 420.000 € d’emprunts à rembourser, et je précise que je travaille au moins 50 heures par semaine, en semaine de 7 jours pas de 4). D’ailleurs ça ne vous étonnera pas que nous soyons la branche professionnelle qui perçoive les plus petites retraites si on se compare aux autres catégories socio-professionnelles, et ce ne sera pas suffisant de ne prendre que mes 25 meilleures années de carrière, puisque je cotise proportionnellement à ce que je gagne et percevrai en fonction de ce que j’aurai cotisé : notre modèle est ainsi fait que si on est des gagne-petit toute sa vie, on le reste aussi jusqu’à sa mort. A ceux qui me diront, vous aurez un capital que vous allez vendre – votre exploitation-, je réponds que ça n’arrive que si on est encore en vie et que si l’exploitation est reprise, c’est donc sous conditions non maîtrisées. Comment motiver des jeunes à nous rejoindre, investir des centaines de milliers d’euros, pour un salaire en deçà du minimum et les contraintes qui vont avec pour les 15 prochaines années ?).

Alors, me direz-vous, j’aurai dû changer de direction ou de travail si je voulais une meilleure rémunération ? J’aurais pu, mais c’est mal comprendre notre métier. Il y a certes un côté « passion » qui fait qu’on s’accroche à ce métier, mais avant tout, c’est surtout que lorsqu’on se lance dans ce métier, on y engage tout ce qu’on possède, matériellement et personnellement. La plupart du temps, les biens personnels, comme notre maison, nous servent de caution pour obtenir des prêts nécessaires à notre activité, voire parfois, le salaire du conjoint. On se lève en pensant à ses cultures, ses animaux, la météo, jusqu’au soir. C’est comme avec des enfants, on n’a pas de répit. On ne se désengage pas facilement, c’est en partie ce qui explique pourquoi un agriculteur se suicide tous les deux jours, il est difficile de trouver des issues. On a tout le temps quelques prêts sur le dos qui rendent complexe tout arrêt d’activité non préparé.

Rassurez-vous, j’assume mes choix de cette vie mais j’ai conscience que j’y ai entraîné ma famille, et parfois d’autres familles d’agriculteurs qui se sont lancées sur le même modèle.

Nous sommes propriétaires de notre maison, des bâtiments de l’exploitation (mais pas du foncier cultivé), nous faisons tout notre possible pour permettre à nos enfants d’accéder aux écoles qui les intéressent, à des activités sportives, à des loisirs, à la culture…

Nous n’avons rien fait pour les pousser dans mon métier. Pourtant 2 d’entre eux ont choisi de passer un BTS ACSE (Analyse et Conduite des Systèmes d’Exploitation Agricole), 1 est en lycée agricole, la dernière voudrait être vétérinaire. Ils aiment la ruralité, comme nous l’avons aimée avant eux, et comme nous avons dû leur transmettre notre passion… nous assumons.

Cette ruralité, elle est parfois difficile, mais il y a de la solidarité, de l’humanité, de l’entraide, on y retrouve encore des gens qui se parlent et s’écoutent. Pourtant il nous faut faire 25 km pour consulter un médecin (enfin pour le moment, on n’en a même plus), 60 km pour un dentiste ou un ophtalmo, nous n’avons pas de garagiste à moins de 12 km et nous dépendons pourtant des voitures pour tous nos trajets (pas de bus, ni métro, la gare la plus proche pour TGV est à 75 km, juste le ramassage scolaire pour le collège en car qui ne passe pas trop loin), il nous reste une école sur la commune, un tissu associatif très développé, il y a du travail et le prix des maisons reste accessible. Pour les urgences, il y a un cabinet vétérinaire à 8 km ou un hôpital à 30 km (ça peut sembler surprenant, mais il est plus facile d’avoir un RDV avec un vétérinaire qu’avec un médecin). Jusqu’à l’année dernière nous étions 3 à faire de la natation en club, mais le centre aquatique le plus proche a fermé (réduction du budget énergie de la Communauté de Commune), et le plus proche est désormais à 25 km, nous avons arrêté la natation, difficile de faire une heure de trajet en voiture pour une heure de sport, surtout l’hiver, alors nous avons renoncé : comprenez par ce témoignage qu’on se sent incompris de ceux qui inventent des lois ou des règles, déconnectées de la réalité comme nous le sommes parfois avec notre internet (encore ADSL) et nos zones blanches de téléphonie mobile : c’est tout un monde rural qui s’est senti derrière nous en janvier dernier, ils partagent aussi cette demande de reconnaissance, celle de la France profonde.

L’agriculture biologique, elle n’est pas venue par idéologie, mais je suis tombé dedans – je remercie ma femme de m’avoir un peu poussé – et malgré la crise que traverse ce secteur, je n’ai aucun regret. Tant de personnes de notre entourage sont atteints de Parkinson, d’Alzheimer, de cancers et autre trucs pas cools qui arrivent parce qu’au siècle dernier, on n’a pas fait trop attention à ce qu’on mettait dans l’air, les sols, les animaux pour produire et nourrir « à bas coûts » notre population. Et quelle leçon en est tirée aujourd’hui ? Ouvrez-les yeux, regardez, et si vous ne trouvez pas de cas comme ceux que je vous donne en exemple, vous avez de la chance mais statistiquement le risque d’être le prochain à trouver un truc qui ne va pas.

La nature nous rattrape, et les effets cocktails se feront ressentir certainement sur plusieurs générations (pour exemple, on retrouve des quantités anormales d’atrazine, produit pourtant interdit depuis 20 ans, dans de nombreux captages d’eau potable) et des millions d’euros sont nécessaires pour potabiliser l’eau, alors que, il n’est plus possible pour ceux qui ont fait ce choix de ne plus utiliser de produits dangereux de vivre de leur travail, cherchez l’erreur !

Notre conscience s’est éveillée après le Grenelle de l’environnement (pour moi avec la naissance de mes enfants), l’accès à l’information sur la pollution de l’eau, l’impact que nous induisons dans l’alimentation de par notre manière de produire, notre empreinte environnementale. Et pour moi en agriculture, le souhait de diminuer les traitements, les produits phytopharmaceutiques, d’agir positivement en ayant en tête ce que j’allais laisser comme héritage environnemental à mes enfants, la bio est venue comme une solution. Et puis la bio, j’ai compris qu’on pouvait en vivre, j’ai relevé le défi de l’adaptation.

Les volailles peuvent sortir librement.

Le plan Ecophyto issu de cette prise de conscience collective fixait des objectifs à atteindre pour remettre l’agriculture sur la bonne voie, celle de la transition, et j’ai fait partie des premières fermes Dephy. Malheureusement, là encore à millions d’euros investis dans plusieurs plans nationaux, l’objectif a plusieurs fois été repoussé et révisé, il ne sera encore une fois pas atteint. Pourtant les bios ont contribué largement à faire baisser les IFT (Indices de Fréquence de Traitement), puisque la plupart d’entre nous étions dans les groupes Dephy, nos données ont alimenté les statistiques pour les calculs de suivi des plans, en même temps que nous avons doublé en France la surface en AB.

La loi EGALIM a aussi été construite dans un but louable : améliorer la qualité de l’alimentation (20 % de bio dans les cantines et la restauration, 30 % d’autres produits de qualité, à minima), rémunérer au juste prix les agriculteurs en garantissant que la Matière Première Agricole ne soit plus la variable d’ajustement du prix dans les négociations avec les distributeurs, et là encore, force est de constater que ça ne fonctionne pas, et je crains que nos dirigeants ne prennent pas suffisamment rapidement les bonnes décisions pour que cette loi soit intégralement appliquée.

Quant à cette annonce de faire une pause dans les objectifs environnementaux : complètement décalée. Certains disaient qu’on marchait sur la tête avant cela, et symboliquement retournaient les panneaux de leurs villages pour le faire comprendre à nos concitoyens, mais là j’avoue que je suis très surpris et ne comprends pas cette décision, perçue comme un retour en arrière, comme si l’écologie n’était pas compatible avec l’agriculture. Je vous assure qu’elle l’est, les 2 sont indissociables. Et avons-nous le choix, franchement ? La majorité des agriculteurs ne sont pas contre l’évolution des pratiques, seulement du coût que ça impacte sur notre revenu. Nous sommes assis sur la branche que d’autres scient à notre place, les normes s’accumulent, génèrent pour nous des dépenses, mais nous n’avons rien pour compenser ces dépenses. Ce que nous demandons, c’est de pouvoir nous projeter et des garanties que les investissements que nous allons devoir réaliser, le fruit de notre travail nous permettra d’y faire face. C’est seulement avec ces garanties que nous relancerons la dynamique des installations, très simple à comprendre.

Le cri d’alerte du monde agricole, c’est que les ruraux que nous sommes, se demandent comment continuer à faire confiance à ceux qui nous dirigent, ceux que nous nourrissons, ceux qui ont un salaire quand nous nous sacrifions notre rémunération ? Quand est-ce qu’on va demander à nos élus d’être un peu plus responsables de leurs choix politiques et des conséquences que ces décisions vont avoir dans le futur ?

Sur le malaise des agriculteurs qui sont descendus avec leur tracteurs sur les routes de France, on a pu entendre ça et là, l’accumulation des normes, la pression administrative, les taxes sur le GNR… mais ce ne sont là que des éléments qui n’ont qu’un seul point commun : la juste rémunération de ceux dont le travail est de nourrir, mais qui sont descendus vous dire qu’ils sont en train de mourir.

Il n’a jamais été question de remettre en cause les exigences environnementales, elles sont nécessaires pour garantir une qualité d’air, d’eau, d’alimentation, de santé à tous, concitoyens : ce serait ne pas reconnaître les résultats des études faites par nos scientifiques, nos instituts de recherche, depuis des décennies, sur ces sujets, de faire croire le contraire. Mais il y a un coût, que seule la matière première agricole ne peut et ne doit supporter. Produire dans ces conditions ne doit ni se faire au détriment de ceux qui le font, ni être perverti par l’importation massive de produits qui ne sont pas autorisés à être produits ici : n’importons pas ce que vous ne voulez pas que nous produisions.

Certes ce sont des contraintes pour nous, que chacun supporte plus ou moins, mais ce ne serait pas un problème si nous avions les moyens de déléguer les travaux qui nous sont pénibles. Avec ce métier, je suis éleveur et agronome, mais je dois aussi être un peu DRH, électricien, informaticien, un peu (voire beaucoup) gestionnaire, mécano, conducteur, bricoleur, vendeur, acheteur, négociateur, soudeur, bûcheron, secrétaire, je suis décideur, tailleur, soigneur, nutritionniste… : JE SUIS AGRICULTEUR.

Un certain nombre de ces travaux pourraient être délégués à des structures externes, cela générerait de l’emploi en milieu rural, ce qui nous permettrait peut-être de revitaliser nos territoires, ce n’est qu’une question de moyens que nous, seuls, n’avons pas. A quand un vrai plan AGRICULTURE ET RURALITÉ ? Que fait notre gouvernement, quand viendra-t-il nous rendre visite ? Les portes de ma ferme vous sont ouvertes, je peux vous prendre une semaine en stage si ça peut vous permettre de comprendre notre réalité, c’est le meilleur moyen.

Nous vous demandons un peu de reconnaissance, il n’est pas inutile de vous rappeler notre rôle, et de reconnaître les atouts de notre existence pour votre alimentation et des territoires vivants. Certains slogans sur les tracteurs de nos collègues européens disaient : No Farmer, No Food, No Future ! Rien de plus à dire.

Qu’est-ce que les agriculteurs bios font pour que ça change ?

D’abord, rappelons qu’avant cette crise violente, nous avions engagé des moyens et de l’énergie pour répondre à la demande croissante de produits bios français, en cohérence avec les lignes politiques écrites par la France et par l’Europe. Il nous a manqué de bien installer les sécurités, et de communiquer sur les bienfaits pour tous, de notre modèle agri-alimentaire.

Nous nous serrons la ceinture dans nos exploitations, et nous consacrons de l’énergie à tirer les filières biologiques de l’ornière dans laquelle elles ont basculé. La faute à la diminution du pouvoir d’achat des consommateurs, mais pas que, et, sans chercher des responsables, nous cherchons les solutions. Nous voulons sauver nos fermes, mais parce que nous voulons sauver votre alimentation et restons persuadés que notre modèle est le bon : celui qui a fait la transition environnementale nécessaire à l’ensemble des attentes sociétales, en toute conscience qu’il sera perfectible, qu’il évoluera.

En février dernier à Paris, en septembre dernier à Valence, tout au long de 2023, nous sommes allés à la rencontre de notre Ministre de l’Agriculture, nous avons demandé de rencontrer des élus du gouvernement, qui nous annonce aider la Bio à grands moyens. Mais il est où le plan de sauvegarde, il y a quoi dedans ?

Le 18 octobre dernier, en équipe, un groupe de travail s’est réuni à l’Assemblée Nationale et a construit une proposition de loi pour le projet de loi de finances, après que différents députés de tous bords aient pu échanger avec les représentants français de l’AB dont j’ai fait partie : mais la bio n’a jamais été une priorité, et un 49-3 a balayé d’un revers de manche ce plan de soutien de 271 millions d’euros que nous, professionnels de la Bio avions réussi à chiffrer au niveau des pertes de la seule année de 2023 pour l’amont agricole.

Le 14 décembre, ce même groupe de travail a été convié au Ministère de l’Alimentation et de la Souveraineté Alimentaire : il en est sorti une liste de travail avec 5 sujets à regarder ensemble pour sortir de cette crise par le haut (si vous me le demandez, je peux vous envoyer le compte rendu de cette rencontre et le détail des mesures) : ça fait 2 mois que l’hémorragie est chiffrée et annoncée, le chiffre est même passé à 300 millions d’euros : seule une aide à la trésorerie a été proposée (50 millions d’euros, l’effet du chiffre, mais ça ne représenterait que 833 €/exploitation Bio) : là encore, le plan n’est pas à la hauteur des enjeux et des risques que cela va engendrer. Nous avons besoin de projection, aucun entrepreneur ne peut développer son entreprise ou piloter ses activités sans cela : quel est le cap, et quels moyens seront mis ? Est-ce qu’on sera tous d’accord que ça suffira ?

Le 25 janvier, nous avons déplacé un groupe d’élus, parlementaires, députés, dans une ferme bio de la Région Parisienne, pour échanger sur notre crise : à part une prise de conscience des personnes présentes, toujours pas d’annonce de faite.

Des haies entre les parcours de Jérôme Caillé

Parallèlement, nous travaillons sur le Plan Ambition Bio 2027 avec le MASA, et sur le Projet Bio 2040 avec le MTE (Ministère de la Transition Écologique) : tout ce travail de réflexion ne fait plus sens, nous l’avons fait savoir aux différents participants et instigateurs de ces sujets. La question est de savoir comment nous allons passer l’année 2024. Les filières bio, de la fourche à la fourchette sont impactées. Pour reprendre une célèbre citation, « notre maison brûle et nous regardons ailleurs ».

Beaucoup de producteurs bios sont très déçus des annonces, et nous vous l’exprimons. Remarquez que beaucoup de ceux qui ont été interviewés fin janvier sur les barrages étaient des bios, ils sont rentrés frustrés, mais en laissant un peu de temps au gouvernement afin de travailler un plan. Pour le moment, on ne s’y retrouve pas. Demain, nous serons de nouveau dans la rue.

Le 9 février, une réunion au MASA sur la définition de critères pour l’accès à une aide à la trésorerie n’a abouti à rien : les interlocuteurs ont changé depuis le 14 décembre, la méthode de diviser pour mieux régner s’est appliquée, c’est décourageant. Les producteurs commencent à se désengager de l’agriculture biologique, ils se dé-convertissent. Et ce sera trop tard quand il sortira une statistique fiable sur ce qui se passe. Toutes ces surfaces qui ont bénéficié de fonds pour être converties, quel gâchis d’argent public. Et puis c’est toute une filière qui va se retrouver avec le deuxième genou à terre. Sans compter que nous ne prenons pas le bon chemin pour respecter l’engagement de l’État français dans le PSN ni au niveau Européen. Des agriculteurs vont arrêter, ou pire…

En tant que citoyens et consommateurs, vous avez un grand pouvoir : celui de nous aider maintenant, ça vous aidera dans l’avenir. Investissez-vous, soyez nos supporters, tout le monde a à y gagner !

Il est également de votre responsabilité d’alerter notre gouvernement que la pression monte et que ce seront d’abord les territoires ruraux qui vont pâtir de ce qui va suivre. PARIS sera peut-être protégé, mais nos provinces… Quelqu’un va-t-il enfin tirer la sonnette d’alarme et agir ?

Vous tous, élus, fonctionnaires, citoyens, aidez-nous, il en va de l’intérêt général : soyez le consommateur de notre agriculture. Ne laissez pas se creuser le fossé entre urbains et ruraux, et consommez bio, c’est bon pour vous, c’est bon pour nous et ce sera pour les générations futures ! A chaque fois que vous allez dans un restaurant, un magasin, demandez des produits bios, demandez si la loi Egalim est respectée (20 % de bio dans tous les restaurants et cantines y compris à votre travail, et si la part du produit payée au producteur couvre bien les coûts de production), interrogez les responsables des cantines, les élus de vos communes, dites stop au bio-bashing avec nous, redonnons à LA BIO la place qu’elle mérite.

N’y-a-t-il qu’en installant nos tracteurs sur les autoroutes que nous pouvons faire réagir ?

Vous êtes des milliers à dépendre de nous pour votre alimentation, demain des millions. Nous sommes des milliers à dépendre de vous pour la survie de nos exploitations, demain quelques centaines si rien n’est fait : vous pouvez nous aider en consacrant une plus grande part de votre budget à l’achat de produits bios, et en faisant les bons choix ne nécessitant pas forcément plus de budget, mais moins de produits transformés. Ou seulement nous partager un peu de votre énergie pour nous défendre, nous soutenir (un petit mot de soutien d’un consommateur, c’est parfois rien, mais qu’est ce que ça aide dans notre quotidien en ces temps difficiles). Nous avons besoin de la somme de chaque acte individuel, vous détenez un grand pouvoir.

Jérôme CAILLÉ,  Agriculteur Bio Engagé