Entrevue avec Pierre Lieutaghi, par Alain Hervé, publiée sur 10 pages dans le numéro 20 du Sauvage d’avril 1975.
Hommage illustré par Daniel Maja. Une partie des dessins qui l’illustrent ont paru dans le livre: Le petit Thoreau illustré aux éditions du Ruisseau (2021)
(Vous pouvez agrandir les images en cliquant dessus)
CONVERSATION AVEC UN BOTANISTE
Pierre Lieutaghi, faisons connaissance, qui êtes-vous ?
J’ai trente-cinq ans, je vis ici en haute Provence depuis neuf ans. A Paris, où j’habitais auparavant, j’avais fait des ateliers d’art. J’étais peintre. Je suis né en Bretagne, j’y ai vécu quinze ans. Je suis Breton par ma mère, Chinois par mon père. J’ai pris goût à la nature là-bas, grâce sans doute à une tendance native et à des rencontres, des instituteurs qui mettaient déjà l’accent sur les problèmes de la protection-pollution de la nature. J’ai eu un prof à Quimper qui s’appelait Michel-Hervé Julien. Il a lancé l’idée des parcs nationaux en France. Il était à l’époque professeur de musique et se passionnait pour la protection de la nature. Alors que le professeur de sciences naturelles ne s’intéressait pas tellement à ces questions. Lui, le prof de musique, nous emmenait faire des promenades au bord de la mer, le dimanche, et nous apprenait à baguer les oiseaux. Il était ornithologue amateur. Plus tard, il est entré au Muséum de Paris. Il est mort beaucoup trop tôt, malheureusement.
Comment naît votre intérêt pour les plantes ?
Je m’y suis intéressé après les oiseaux. Vers 1960, j’ai eu un coup de foudre, sans doute à cause d’un problème de santé. Je croyais que je ne pourrais plus courir la campagne et j’ai pensé que les plantes seraient plus accessibles. C’est venu assez brutalement. J’ai acheté une flore de Bonnier, j’avais vingt et un ans. J’ai passé tout mon été en Bretagne à étudier les plantes, puis j’ai monté un petit herbier. Ça a commencé comme ça. Je me suis mis à faire de la botanique en amateur et, à côté de cela, je faisais de la peinture. A l’époque, je faisais autant de botanique que de peinture. Dès que j’étais à la campagne, je ramassais des plantes. En même temps, je lisais des bouquins sur l’écologie. En fait, l’écologie a récupéré tous ceux qui s’occupaient de sciences naturelles, Les gens qui étaient botanistes ont fait de l’écologie végétale, les zoologistes se sont mis à faire de l’écologie animale, Ils s’appelaient naturalistes, maintenant ils se donnent le nom d’écologistes ; c’est un terme plus vaste qui englobe davantage d’éléments, et qui pose mieux son spécialiste. Et puis je me suis intéressé aussi aux plantes médicinales.