par Misette Godard
reprint Le Sauvage, août 1979
Elle est en réalité une courge d’été que l’on cueille avant le terme de sa croissance. Mais si la courge était connue des Grecs et appréciée des Romains, la mode de la courgette est assez récente.
Le nom de courgette évoque la ratatouille niçoise et la tradition provençale en général. Mais les auteurs qui sont soucieux de faire remonter la tradition assez loin dans le temps l’ignorent. Pas de courgettes chez le docteur Raoux de Toulon[1], ni chez René Jouveau d’Aix-en-Provence[2], mais des courges, oui. Peut-être la courgette est-elle provençale comme l’est la tomate qui a d’abord été cultivée dans le Midi, puis imposée à Paris après la Révolution, au grand scandale des adeptes de la « vraie cuisine française ».
Mais si l’on accepte qu’une tradition peut être relativement récente, la courgette est bien du Midi puisqu’elle nous a donné la ratatouille niçoise et le gratin de courgettes à la vauclusienne. Cette dernière recette me semble d’ailleurs directement issue du tian de courges à la vauclusienne. Le mot « tian » est le nom provençal du plat en terre dans lequel on cuit ces gratins.
On choisit de préférence une courgette petite, luisante et ferme, sans graines et avec une peau tendre. Mais ce fruit se mange dès la fleur et jusqu’à la taille d’une courge quand il est oublié dans les champs. Dans ce dernier cas, la courgette est vendue peu chère ou même parfois donnée par les paysans. Si la courgette est aimée petite, c’est parce qu’alors elle peut être mangée entièrement, en gardant la peau (qui cependant peut donner une légère amertume au plat). L’absence de graines permet de la couper en tranches que l’on frit ou que l’on trempe dans une pâte à beignets avant la friture. On peut aussi la manger crue, émincée, en salade bien relevée, agrémentée de fines herbes.
Ayant atteint la taille moyenne, la courgette se mange surtout farcie. Comme on l’évide, les graines ne sont plus à redouter.
Oubliée dans le champ et très grosse, elle se farcit aussi. Un de mes amis peintre régale de grandes tablées avec deux courgettes — qui sont devenues des courges — données par des voisins. Il les farcit avec tous les restes de la maison : riz, ratatouille, gigot, daube et du pain rassis trempé dans du lait. On peut aussi essayer de sécher ces grosses courgettes, comme on le fait pour les coloquintes, et les inclure dans des natures mortes qui décoreront la maison en hiver.
En fleur, la courgette est excellente en beignets. On peut aussi la farcir et la cuire dans du bouillon. La fleur de courgette est une grande fleur d’un beau jaune doré à cinq pétales soudés à la base.
Misette Godard
[1] Essai de cuisine et gastronomie provençales à Toulon, Dr Raoux, Imprimerie commerciale du Petit Var, Toulon, 1931.
[2] La cuisine provençale de tradition populaire, René Jouveau, en vente chez l’auteur, 28 rue Maréchal-Joffre 13100 Aix-en-Provence.