L’agro-écolo Pierre Rabhi fait école

24 mars 2013,

 par Marc Ambroise-RenduUnknown

   Le personnage de Pierre Rabhi, cet Algérien de culture française devenu le prophète de l’agro-écologie, a été suffisamment médiatisé pour qu’on ait dans l’œil la silhouette et le visage de ce Gandhi de la non-violence à l’égard de la planète. Mais on connait moins les initiatives qu’il a suscitées et dans des domaines qui n’ont parfois qu’un lointain rapport avec sa spécialité… C’est cette lacune que Marie-Dominique Dhelsing a voulu combler en réalisant un documentaire d’une heure et demi. Il sera visible sur les écrans français à partir du mercredi mars 2013.
On en sort un peu héberlué par les gros plans répétés sur le visage du septuagénaire buriné mais aussi par sa verdeur intellectuelle. C’est à 24 ans que ce garçon a découvert l’agriculture à base de chimie, ses périls et ses alternatives. Alors qu’à l’époque tout le monde filait à la ville, lui osa se lancer avec sa femme dans l’exploitation du mas de Montchamp perché dans les Cévennes au milieu des chênes rabougris, des buis et des genévriers. Sans électricité et avec 30 mètres cube d’eau pour toute l’année. Il y a vécu  – et y vit encore – des fromages de ses chèvres, des fruits de son verger et des légumes de son potager. Sobrement on s’en doute. Mais il a démontré que l’agriculture sans intrants massifs peut nourrir une famille.
Pierre Rabhi a bien d’autres talents. Celui de parler par exemple. Pour  convaincre il sait trouver la formule et trousser la parabole. Sa plus habituelle est celle du colibri, minuscule mais inlassable volatile qui finit par triompher de difficultés apparemment insurmontables. Rabhi n’est pas seulement pittoresque il est émouvant et persuasif. Alors, depuis  une trentaine d’années, il est devenu le frère prêcheur de l’agro-biologie et de la sobriété heureuse. Il sait écrire également : d’où une dizaine de bouquins. Enfin il voyage a travers le monde notamment en Afrique ou l’agro-ecologie a conquis certains villages du Burkina Faso. Dopé par le culot des utopistes, Rabhi  est devenu expert de l’ONU . Il s’est même présenté aux présidentielles françaises de 2002 . Sans parler des associations qu’il sème a tout vent et qui parfois prospèrent comme   Colibri (60.000 adhérents s’il vous plait !).
Ses émules sont aussi divers et surprenants que leur inspirateur. Les séquences de Marie-Dominique Dhelsing nous découvrent le centre des Amanins, dans la Drôme. D’abord un mas entièrement reconstruit selon des normes écolo par une bande de volontaires managés par l’ancien entrepreneur Michel Valentin. Ensuite une coopérative qui pratique l’agriculture et l’élevage bio depuis 2005. Mais aussi une école accueillant les enfants du coin en leur proposant une pédagogie sortant des sentiers battus. Et bientôt un collège du même tabac. Enfin un centre de vacances recevant des particuliers souhaitant s’initier à toute ces nouveautés. Mais le voyage au pays de Rabhistes n’est pas terminé. Il nous emmène chez les bonnes sœurs orthodoxes du monastère de Solan (Gard) qui cultivent leurs 60 hectares en bio et qui font école jusque en Roumanie dans d’autres moustiers. Puis la caméra nous rapatrie en Ardèche, au hameau des Buis, entièrement édifié en auto-construction. Il y a là une école style Freinet et une vingtaine de résidences à ossature bois, murs de terre et toitures végétalisées. Avec, en prime, une ferme assurant l’autonomie alimentaire. Devise : « nourris-toi toi-même »  Et hop, nous voici déjà en Thailande où un jeune français, Tristan Lecomte, inspiré par le sage des Cévennes, cultive le riz mais en dehors des rizières et veut replanter pas moins de 400.000 hectares de forêt. Héberlués par cette ambition on nous ramène dans le Morbihan où Rabhi a conquis Constance de Polignac. Elle s’inspire de ses idées pour gérer son château de Kerbastre et les terres qui l’environnent: la bagatelle de 180 hectares. Après ce périple endiablé on est plutôt rassuré sur l’avenir de notre pauvre monde. Si tant de gens si dissemblables ont été conquis par Pierre Rabhi tout est encore possible. Contre la morosité faites-vous prescrire l’heure et demi du documentaire de Marie Dominique Dhelsing. Ca vaut tous les tranquillisants.

Marc Ambroise-Rendu

« Pierre Rabhi, Au nom de la terre » , un film de Marie-Dominique Dhelsing , documentaire, 1h38. Sortie en salle : mercredi 27 mars 2013