Aventures en permaculture – 16, LA HAIE

16 août 2013,

par Ghislain Nicaise

16- La haie (d’après La Gazette des Jardins n° 97, mai-juin 2011)

Il faut planter une haie

Depuis le début de notre acquisition d’un terrain dans cette moyenne montagne, j’ai fait le projet de planter une haie vive. Le seul mot de haie évoque tout un cortège de vertus écologiques. Cela fait trente ans au moins que j’ai lu, et retenu, que le remembrement dans l’ouest de la France avait, en faisant disparaître les haies, entraîné de multiples inconvénients, pour les vaches, pour la biodiversité pour la régulation de l’eau… en bref la haie ce n’est que du bien. 

Notre terrain n’est pas dans situé dans un pays de bocage. Il y a la forêt et les prairies, qui étaient il y a moins d’une génération des champs cultivés. Ce n’est pas une prairie naturelle riche en fleurs variées mais plutôt une culture de chiendent avec un peu de psoralée bitumineuse en saison (Bituminaria bituminosa) et quelques plateaux de tallage de fétuque faux-roseau (Festuca arundinacea). Si on arrête de faucher les prairies, la forêt s’y réinstalle, d’abord des ronces et des prunelliers puis des pins, puis des chênes. Notre prairie, qui porte encore les sillons d’un dernier labour, descend en pente jusqu’à la route. Je décide de planter une haie en bas de la pente, le long de cette route. Je ne sais pas si elle découragera les chasseurs de mûres, de champignons et de gibier d’envahir notre terrain mais elle apportera de la biodiversité.

Pour la biodiversité

Des chercheurs ont trouvé qu’en plantant une haie on bénéficiait d’une augmentation favorable de la biodiversité jusqu’à une dizaine d’espèces. Je comprends que le critère a été l’enrichissement en espèces entomophages et qu’au delà on favorise aussi des espèces phytophages. Ces mots tirés du grec ne doivent pas effrayer, en clair une dizaine d’espèce végétales dans la haie suffisent pour abriter les insectes utiles qui mangeront les insectes nuisibles ; au delà il semble que les insectes nuisibles soient avantagés. Je ne sais pas si ce travail est généralisable à toutes les situations, ce serait même surprenant.

Pour le miel d’acacia à venir

Tout le long de la route entre la Mescla et le col de Saint Raphael on trouve facilement des (faux) acacias, qu’il est plus botanique de nommer robiniers (Robinia pseudacacia). En bonne Fabacée, c’est une espèce pionnière qui trouve peu de concurrence dans les talus pauvres en azote, remblayés par le terrassement de la route. Ignorance n’est pas vice dit l’adage : évitant de me renseigner pour savoir si j’avais le droit d’en prélever, armé de ma fourche bêche à dents pointues, j’en retire une demi-douzaine que je repique en pots. Cet arbre d’Amérique du Nord, bien acclimaté chez nous, a plein d’avantages et figure dans tous les manuels de permaculture que j’ai pu feuilleter : à part la fixation d’azote, c’est une espèce épineuse, mellifère, dont les fleurs sont comestibles et le bois quasiment imputrescible, idéal pour faire des piquets. Son inconvénient signalé est qu’il drageonne mais pour le moment je n’ai pas eu à faire face à ce problème. Enfin, je les souhaite le plus loin possible de la maison car leur pollen très allergène me donne le rhume des foins.

Pour la fixation d’azote

A part le robinier, j’essaye l’aulne de Corse (Alnus cordata) mieux adapté à la sécheresse que l’aulne continental. J’en ai fait mourir deux en deux ans, de deux pépinières différentes. Comme pour beaucoup d’arbres ici, il semble qu’il faille surmonter les premières années difficiles. Cela ne veut pas dire que je ne pourrais pas implanter cet aulne mais j’y renonce, au moins provisoirement. Je me console avec une bouture d’un goumi (Eleagnus sp.) qui pousse chez  nous de manière très volontaire et je projette de planter un autre Eleagnus. Cette autre espèce, Eleagnus ebbingei, de culture facile, est de plus en plus utilisée pour former des haies dans les espaces publics et mon voisin Bertrand m’en a signalé à Puget-Théniers, qu’il a remarqués pour leurs fruits plus savoureux et sucrés que la moyenne.

Pour les papillons

Le prunellier (Prunus spinosa) s’impose (1). Il est encore plus adapté et encore plus facile à prélever que le robinier car très abondant en lisière de notre forêt. Il est épineux à souhait. Ses fruits sont utilisables bien que je n’en fasse pas grand cas et on peut le greffer avec des fruitiers de la même famille des Rosacées comme pruniers, abricotiers et pêchers. ImageJ=1.38xC’est l’hôte de deux papillons en voie de disparition le flambé  (Iphiclides podalirius- Fig. ci-dessus) et le gazé (Aporia crataegi) si l’on en croit Wikipedia, ainsi que le bronzé Strymonidia (1). En tous cas les flambés sont fréquents en juillet à butiner notre bordure de lavande. Le prunellier se propage en émettant de longues racines traçantes qui j’espère profiteront de la tranchée pour aller là où je le souhaite.  Pour le moment, sur trois plants, il n’y en a qu’un qui ait vraiment repris et il lui a fallu deux ans pour cela.

Pour les petits fruits

J’y ajoute trois autres espèces prélevées sur le terrain, également épineuses : l’aubépine (Crataegus monogyna), dont on me dit qu’elle se bouture facilement, la ronce (Rubus sp., qui héberge le nacré Brenthis daphne – Fig. ci-joint) et l’églantine (Rosa canina). Mes essais de ramener des graines d’ajonc deImageJ=1.38x Bretagne ont tourné court: aucune germination. J’ai fini par en acheter deux plants qui ont repris bien plus facilement que l’églantier ou les prunelliers locaux. Je garde mes plants d’argousier (Hippophae rhamnoides) pour le verger qui avoisine la maison. Je découvre dans mes lectures que certaines espèces d’aubépine exotiques, résistantes au froid, donnent des fruits comestibles et même réputés délicieux et j’achète par correspondance un plant de Crataegus arnoldiana, découvrant avec plaisir à la livraison qu’il semble sain et vigoureux. J’avais eu initialement l’intention de le mettre près de la maison mais le manque d’emplacements prêts pour la plantation m’a incité à l’intégrer dans la haie. J’ai obtenu des fruits au bout de deux ans, c’est comestible, sucré. Stimulé par une réclame pour des compléments alimentaires vue dans une pharmacie, j’ai noté dans ma liste l’azérolier (Crataegus azarolus) pour des plantations futures. J’ai un peu honte de l’écrire mais pour le moment mes essais de plantation de ronce ont échoué alors qu’elles prospèrent à quelques mètres de l’autre côté de la route.

Les bambous

Le bambou sert à de multiples usages, y compris à faire une barrière difficile à franchir. Je ne savais pas où mettre les plants récupérés chez un ami, j’ajoute donc deux pots de bambous à la place des échecs d’aulnes. Je les baptise Phyllostachys aurea mais ne suis pas vraiment certain de leur identification.

(à suivre)

(1) Ph. Thelliez, 2009 Les sales haies de la peur, La Gazette des jardins n°88.