En transposant l’histoire de Monsieur Perrichon, le personnage emblématique de Eugène Labiche, au XXI ème siècle, Gérard Sibleyras prenait le risque que les personnages ou les situations aient pris un coup de vieux.
Il n’en est rien: Perrichon, riche homme d’affaires vaniteux, assoiffé de reconnaissance sociale et assez sot, se révèle intemporel, et ses rapports aux autres entièrement d’actualité.
Au lieu de séjourner près de la Mer de Glace, le voici en famille sur une plage de Saint Barth. Sa fille est courtisée par deux jeunes gens. L’un, honnête et sincère, sauve Perrichon d’un accident de planche à voile, l’autre, flatteur et roué, s’arrange pour être secouru lors d’une plongée sous-marine. Et Perrichon de repousser le premier, témoin de ses faiblesses, pour s’enticher du second qui l’a transformé en héros. Rien que de très humain dans tout cela.
Le texte, plein de drôlerie, est irrésistible dans les situations cocasses. On y retrouve des clins d’oeil à Labiche dans des apartés appuyés. On rit beaucoup, surtout à l’arrivée d’un juge égaré – fantastique Jean-Luc Porraz- qui bouscule les événements.
Philippe Uchan signe une mise en scène enlevée, dans un décor plaisant et coloré de Charlie Mangel.
La distribution est irréprochable: Christiane Bopp, délicieuse et écervelée Madame Perrichon, Linda Massoz, espiègle à souhait, Arthur Fenwick et Charles Templon, drôles et efficaces, et enfin Gilles Gaston-Dreyfus, éblouissant Jérôme Perrichon. Frôlant la caricature, tonitruant et autoritaire, il reste touchant dans sa naïveté et sa mauvaise foi.
L’autre soir, au théâtre La Bruyère, nous avons fait un beau voyage.
Michèle Valmont
Théâtre La Bruyère: 01 48 74 76 99