Apollinaire, subjugué par le talent unique du peintre employé d’octroi, lui a rédigé une épitaphe grandiose gravée sur sa tombe à Laval.
Gentil Rousseau nous te saluons… Nous t’apporterons des pinceaux, des couleurs, des toiles.
Afin que tes loisirs sacrés dans la lumière réelle.
Tu les consacres à peindre comme tu tiras mon portrait.
On a connu un Apollinaire mieux inspiré mais l’intention y est.
Cet illuminé de Douanier n’a pas eu une vie facile, marié trois fois, veuf deux fois, fabriquant des enfants à la chaîne, il les a presque tous perdus.
Mais il a peint et peint avec obstination, ne suivant aucune école de son époque.
Simplet dans son expression, il a persévéré dans une seule manière, la sienne. Brute. On reste confondu devant la puissance exubérante de ses jungles et de son évocation sanglante de la guerre. Tout sauf naïf cet art laborieux, obstiné, aveugle.
On pense bien sûr au facteur Cheval son contemporain. Avaient ils eu connaissance de ce qu’ils faisaient l’un et l’autre ?
Probablement pas. L’histoire de l’art dit moderne n’est pas prête de les digérer.
Ils sont grands à part, ailleurs. Où ?
S’adressant à Picasso, Rousseau lui disait qu’il était le représentant de la tradition égyptienne tandis que lui–même était le peintre moderne.
L’exposition du Musée d’Orsay qui lui rend hommage est très complète et très réussie mais pourquoi vouloir le confronter avec ses contemporains Gauguin, Picasso, Denis, Cezanne… ? Rousseau naviguait solitaire dans un autre monde. L’intitulé de « l’innocence archaïque » pour titrer l’exposition de Rousseau me paraît sous estimer grandement la trajectoire hallucinée du peintre. A ne surtout pas manquer avant le 17 juillet.
A.H.