Il est temps de creuser cette notion de contagion, qui était en arrière plan lors de mon premier billet « c’est sérieux » et lors du second sur les masques. Vous sentez bien que c’est important.
J’avais exposé les chiffres de surmortalité totale (pour l’année 2020 comparée aux années précédentes) parce qu’ils sont moins sujet à controverse mais on peut quand même estimer le taux de mortalité des personnes qui ont été contaminées. Pour la scientifique en chef de l’OMS, la pédiatre Soumya Swaminathan, la plupart des études estiment ce taux à environ 0,6%, pour Axel Kahn la fourchette va de 0,2 à 1,5 %, à Marseille selon Didier Raoult c’est 0,7 %. Le risque à première vue n’est pas impressionnant. Une amie qui trouve qu’on ne devrait pas prendre de mesure autoritaire avec la Covid-19 m’a envoyé une récapitulation de la mortalité annuelle mondiale par malaria (plus de 300 000), accidents de la route (plus d’un million) cancer (plus de 3 millions) etc…pour souligner que la Covid avait fait bien peu de morts. Mais l’épidémie n’est pas finie à l’échelle de la planète. Si toute la population mondiale était concernée par la contagion avec la même mortalité qu’à Marseille, le nombre de morts serait de 7500 M x 7 /1000 soit quand même plus de 50 millions (*).
On voit pourquoi il est intéressant d’éviter la contagion, même si ce sont surtout des vieux comme moi qui meurent de cette maladie et que l’espèce humaine est moins menacée par le coronavirus que par le réchauffement climatique (1).
Nous avons vu que les masques pouvaient être utiles pour arrêter les gouttelettes de salive contenant des virus (2) mais cela laisse plein de questions ouvertes. Il est possible (mais pas certain) que les particules infectieuses puissent subsister des heures en aérosol, en d’autres termes elles sont si légères qu’elles peuvent rester en suspension dans l’air. Elles peuvent donc s’accumuler dans un local clos et cela doit être rapproché d’une autre caractéristique très probable : la quantité de virus ingéré a une influence sur la gravité des symptômes.
Un facteur important est la capacité des particules virales à garder leur pouvoir infectieux lorsqu’elles sortent du corps et ce facteur n’est pas directement révélé par les méthodes de suivi de l’infection.
Ces méthodes commencent à être connues du grand public mais en y réfléchissant, j’ai besoin pour moi d’éclaircir des zones d’ombres. Il y a :
La détection de l’ARN viral par RT-PCR.
C’est la méthode que l’on pratique habituellement en prélevant avec une longue tige enfoncée dans une narine pour savoir si les muqueuses respiratoires sont infectées. C’est une méthode relativement coûteuse qui identifie très bien l’ARN du SARS-CoV-2 si le kit de test n‘est pas défectueux, mais elle dépend du prélèvement, lieu et date. Elle ne vous dira pas si vous avez des virus dans les cellules intestinales par exemple (« faux négatif »). On estime qu’il y aurait 20 à 30 % de faux négatifs. D’autre part dans le cas de prélèvement sur des surfaces contaminées, elle ne vous dira pas si l’ARN du virus est encore emballé dans son enveloppe (« faux positif »). L’enveloppe du virus lui est indispensable pour rentrer dans nos cellules (3). Enfin il semble que ce test montre la présence du virus surtout au début de l’infection mais qu’il peut s’avérer négatif alors que vous êtes encore contagieux.
On peut aussi détecter la présence de virus par ses protéines (au lieu de son ARN), c’est plus rapide et moins cher mais le pourcentage de faux négatifs est encore plus élevé.
J’ai choisi de ne pas détailler les tests salivaires ou autres et de m’en tenir aux deux principales méthodes utilisées à ce jour, RT-PCR d’une part et recherche d’anticorps de l’autre.
Les tests sérologiques.
Il est rapide et relativement peu coûteux de détecter la présence d’anticorps contre le SARS-CoV-2 dans votre sang. L’information est vraiment différente de celle obtenue par le test RT-PCR. Dans le cas d’un test sérologique positif, on sait que vous avez rencontré le virus mais on ne sait pas si vous êtes malade, ni si vous êtes contagieux. Malheureusement on n’est pas complètement certain que vous ne pouvez pas attraper la Covid-19 une seconde fois. Par analogie avec d’autres maladies virales respiratoires, on peut espérer une immunité pour l’année en cours. Si le test est négatif vous êtes soit pendant la première semaine d’infection par le coronavirus soit dans le cas de la population du globe avant l’épidémie. L’utilité de ce test, auquel je me suis soumis, est surtout pour les autorités sanitaires de surveiller la progression de l’épidémie dans la population, secondairement de venir en contrôle d’une RT-PCR négative alors que la personne présente des symptômes. Pourquoi surveiller la progression de l’épidémie me direz vous ? La principale réponse réside dans le taux de personnes immunisées à partir duquel l’épidémie ne progresse plus, de l’ordre de 50 à 70 % de la population.
Une information plus détaillée sur les tests sérologiques m’a paru très bien faite sur le site de Que Choisir.
Pour terminer cet épisode de « Pendant la Covid » je voudrais faire le point de mes lectures sur la saisonnalité de l’épidémie. Tout le monde a pu constater que pour d’autres affections virales respiratoires l’été apportait un répit. Dans nos pays la grippe ou le simple rhume sont des maladies d’hiver. Ce qui m’a vraiment appris quelque chose ce sont les études qui prouvent que c’est la sécheresse de l’air plus encore que le froid qui rend nos muqueuses respiratoires plus vulnérables en hiver. Pour le sens commun l’hiver est humide mais pour la physique, la capacité de l’air à se charger en vapeur d’eau augmente avec la température. L’hiver non seulement l’air extérieur apporte relativement peu d’humidité mais nous en diminuons encore la concentration relative dans nos espaces chauffés (espaces clos par ailleurs favorables à l’accumulation de particules virales) et nos muqueuses respiratoires n’arrivent plus à faire le tapis roulant de mucus pour lesquelles elles sont si bien équipées. La revue de Moriyama et al.(4) cite 5 études qui montrent que l’humidité entretenue autour du nez par les masques est un facteur favorable contre l’infection. Je connaissais l’existence des humidificateurs accrochés aux radiateurs mais j’en ignorais la réelle utilité.
Ghislain Nicaise
(1) Est-il besoin de rappeler que la diminution de l’activité économique est le seul moyen éprouvé pour que nous tenions nos engagements sur la question climatique ?
(2) Bien que je trouve stimulante la vision des virions comme de simples spores disséminées par l’être vivant « virus » qui serait la cellule infectée (la virocell de Patrick Forterre), je conserverai l’usage qui veut que l’on nomme virus les virions.
(3) L’ARN seul, qui est plus résistant que son enveloppe n’a pas de pouvoir infectieux. D’où l’incertitude sur la sécurité des surfaces et l’utilité de se laver les mains par précaution. On peut noter en passant que l’enveloppe virale est en partie lipidique (matière grasse) c’est pourquoi se laver les mains au savon est efficace pour inactiver le virus. Il semble par contre inapproprié pour ne pas dire plus d’asperger les rues à l’eau de Javel comme cela a été ordonné par certaines municipalités.
(4) Moriyama et al. 2020. Seasonality of respiratory viral infections. Annu Rev Virol 7, 2,1-2,19
(peut-être à suivre ?)
(*) Note ajoutée le 13 septembre à 8h30 : Plusieurs personnes m’ont repris à juste titre à ce sujet. Ces chiffres font peur inutilement dans la mesure où la totalité de la population ne sera jamais concernée par la contagion. L’immunité de groupe interviendra avant, du fait que les personnes immunisées font barrage à la propagation de l’épidémie. Cette immunité pourrait intervenir à partir d’un pourcentage de 60 % de la population ayant rencontré le virus ou même moins. Il est même constaté que certaines épidémies se sont arrêtées sans que l’on sache pourquoi, bien avant qu’une part significative de la population n’ait été contaminée.
Sur l’immunité de groupe, voir la mise au point très claire sur le site de France Culture.