Archives d’un auteur

Retour sur le rapport Meadows

28 juin 2023,

J’ai découvert hier un site internet que j’ai trouvé riche et intéressant, il s’intitule Et vous n’avez encore rien vu. Critique de la science et du scientisme ordinaire.
Ce n’est pas jeter le discrédit sur ce site que de relever mes désaccords avec un article d’Arnaud Milanese daté du 18 juin 2023 et intitulé « Le rapport Meadows, 2023 ou les limites des Limites de la croissance ». Arnaud Milanese (AM) est philosophe et Maitre de Conférences à l’école Normale Supérieure de Lyon, il a choisi de dénoncer l’idéologie sous-jacente au rapport Meadows, un peu comme si ce rapport était le manifeste d’un mouvement d’écologie politique. Pour moi l’essentiel de ce rapport réside plutôt dans son aspect réfutable, que l’on peut ainsi qualifier de scientifique. Les auteur-es (la principale étant Dana Meadows, aujourd’hui décédée) ont fait des prédictions basées sur l’utilisation du modèle informatique World3. Ce modèle était cohérent avec les données quantitatives choisies, de 1900 à 1970, données sur les ressources non renouvelables, la nourriture, les services, la production industrielle, la pollution, la population. Le rapport Meadows exposait les prédictions du modèle pour ces différentes données jusqu’à la fin du XXIe siècle. Ce qui a réellement une grande force est la prédiction d’un déclin rapide de la population mondiale à partir de 2030 (Fig. 1).

Fig 1. Réexamen du modèle World3 publié initialement par Meadows et al en 1972. Ce modèle permettait d’intégrer les relations entre population et ressources, nourriture, services, production industrielle et pollution de 1900 à 1970. Ses prédictions jusqu’en 2100 sont en pointillés. La comparaison entre prédiction et réalité a été figurée sur ce graphique par Linda Eckstein- pour la revue en ligne du Smithsonian Institute – à partir des données publiées par G. Turner pour la période 1970-2000 (en traits pleins). Cette mise à l’épreuve du modèle conforte la prévision d’un effondrement prochain du système économique sans même que la crise écosystémique globale soit prise en compte. (suite…)

Aventures en permaculture – 36, Cultiver la forêt ?

14 janvier 2023,

Trois réponses différentes à notre besoin de forêt : 1- laisser la forêt primaire se reconstituer naturellement, 2 – hâter la formation d’îlots de forêt primaire (Miyawaki), 3 – inventer des forêts nourricières

Le 11 janvier au soir j’ai participé à distance à une conférence organisée par la société Permafforest. L’objet en était la promotion de stages de formation pour la mise en place de « microforêts Miyawaki ». L’ambition de ces plantations est de recréer sur une variété de surfaces à partir de 100 m2, en 20 à 30 ans, une forêt primaire ou plutôt un peuplement d’arbres qui s’en rapproche. Des chercheurs ont fait remarquer que le terme de bosquet serait plus approprié que celui de forêt. Les anglophones parlent de tinyforest.
Je me suis senti concerné à double titre, d’abord ces entrepreneuses et entrepreneurs se réclament de la permaculture, ensuite je suis membre de l’Association Francis Hallé pour La forêt primaire. Le Sauvage a eu l’occasion de saluer cette association, elle aura bientôt 4 ans. L’association Francis Hallé a pour but de préserver un espace naturel de toute intervention humaine pour laisser se recréer spontanément une forêt primaire en Europe de l’Ouest sur environ 70 000 hectares (1). L’arrivée à l’équilibre pourrait prendre 800 ans mais on considère que l’essentiel du développement devrait se faire en 200 ans, ce qui est déjà long à l’échelle d’une vie humaine.
Les deux approches sont diamétralement opposées mais pas nécessairement incompatibles, avec chacune sa part de science botanique et sa part de nouveauté. Toutes les deux traduisent la prise de conscience de l’utilité de la biodiversité et du fait que l’humanité est allée bien trop loin dans la déforestation. (suite…)

Qui aurait pu prédire ?

6 janvier 2023,

Tweetinades@tintinades.4 jan 2023

Qui aurait pu prédire la crise climatique aux effets spectaculaires encore cet été en France ? La phrase pour le moins étonnante d’Emmanuel Macron a été commentée et reprise par la plupart des médias.

Cette phrase du Président, même remise dans son contexte puisqu’il faisait allusion aux évènement précis de l’été dernier, me fait irrésistiblement penser à « la prédiction est difficile surtout en ce qui concerne l’avenir » phrase attribuée à de nombreuses célébrités dont un prix Nobel de physique (Niels Bohr) un président des Etats-Unis (George Bush jr) et l’humoriste Pierre Dac.
On se souvient encore de la phrase de Jacques Chirac prononcée en 2002 « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Un autre président français, en 2010 a déclaré :  Je voudrais dire un mot de toutes ces questions d’environnement, parce que là aussi, ça commence à bien faire. Ce même président Nicolas Sarkozy avait organisé le Grenelle de l’environnement fin 2007 dont on peut estimer que l’issue n’a pas été à la hauteur des enjeux abordés et de la qualité des débats. L’Histoire bégaye, ainsi douze années et deux présidents plus tard, la Convention Citoyenne pour le Climat a fait un travail aussi remarquable que le mépris qui a accueilli ses recommandations. Une des mesures phares proposées par cette convention, ne nécessitant pas d’impôt supplémentaire, aux économies d’énergie et de CO2 garanties, la limitation de vitesse sur route à 110 km/h n’a toujours pas été discutée par nos élus. Cette mesure est appliquée dans mon département (le 06) depuis juillet 2009 sur décision préfectorale sans qu’il y ait eu de révolte des automobilistes, elle représente pour moi un symbole, celui de l’inconscience des décideurs.

Le Sauvage devait-il apporter son grain de sel ?
Pour ma part, je crois que la phrase de Macron n’est pas une bévue, elle veut rassembler non les climato-sceptiques déclaré.es, ce n’est plus dans l’air du temps, mais les climato-inertes, les personnes qui pour des raisons diverses veulent coller au « business as usual », qui se réfugient dans le déni. L’enjeu était d’évacuer les constatations les plus alarmantes en les qualifiant de spectacle.
Ghislain Nicaise

Cultiver l’eau

29 novembre 2022,

Climat, sécheresse, arbres, lierre, sol vivant, désertification, agroforesterie, bocage, permaculture… Une récapitulation de tout ce qu’il faut savoir pour comprendre ce qui se passe.

Cultiver l’eau est devenu une priorité. La semaine dernière j’ai suivi des camions chargés de bouteilles d’eau qui amenaient de quoi boire aux villages du moyen pays niçois, en novembre, du jamais vu !

Chargez ici une étude gratuite fort bien rédigée et bien illustrée.

 

 

8 milliards

24 novembre 2022,

Sous le titre « Alerte surpopulation. Le combat de Démographie Responsable » vient de paraitre aux éditions Edilivre un livre de Michel Sourrouille dont les droits seront reversés à l’association mentionnée dans le titre. « Démographie responsable » est une association écologiste et décroissante qui milite pour la stabilisation puis la lente diminution de la population humaine. Ce mouvement estime qu’une décroissance voulue de la population est préférable à une décroissance subie.

Les fidèles du Sauvage se souviennent peut-être avoir vu passer il y a presque 9 ans un livre multi-auteurs sur le même sujet, coordonné par Michel Sourrouille. Il ne s’agit pas avec ce nouvel ouvrage d’une simple remise à jour mais d’une étude plus cohérente de 214 pages fort bien documentée. Les 155 références permettront aux personnes intéressées de creuser le sujet mais l’auteur a fait une large place aux citations, qu’elles aillent dans le sens de son propos ou qu’elles soient contradictoires, ce qui en rend la lecture attrayante.
Pour Malthus, la fécondité humaine doit être maîtrisée pour rester en équilibre avec les ressources alimentaires et l’auteur revendique l’étiquette de malthusien, bravant la charge négative portée par ce mot. Malthusien mais pas antinataliste: un antinataliste est explicitement pour la baisse de la population, un malthusien ne fait que critiquer une augmentation en décalage avec les possibilités du milieu de vie. Être un écolo malthusien est encore de nos jours difficile alors que des partisans de la décroissance comme Paul Aries qualifient Malthus d’infâme curé.

8 milliards… Malthus est de retour, mais les médias ne le savent pas encore
Ce livre est comme il se doit plein de données chiffrées et je vais en relever une, qui m’a interpellé fortement. J’avais le vague sentiment que notre beau pays n’était pas spécialement surpeuplé… et pourtant.. Je cite :
Est-ce à dire que la France est surpeuplée ? Avec une densité de 100 habitants au kilomètre carré, chaque habitant n’aurait à sa disposition qu’un carré de 100 mètres de côté, soit un hectare, à partir duquel il devrait satisfaire tous ses besoins d’habitat, de routes, d’alimentation, de loisirs, etc. C’est fort peu, c’est insuffisant. Or la France métropolitaine était déjà à une densité de 123 en 2021 selon la Banque mondiale.
Or le terrain qui m’a permis la rubrique « Aventures en permaculture » a un peu plus d’un hectare (11 000 m2 dont 3 000 de forêt) et depuis 2008 j’ai pu toucher du doigt et même des doigts des deux mains ce qu’on pouvait tirer d’un hectare. Du coup j’ai refait la division de la Banque Mondiale et il n’y a pas d’erreur, je tombe sur un chiffre très voisin, avec seulement une petite incertitude sur la nature des surfaces prises en compte. Alors quand on apprend que le Bangladesh a une densité de population dix fois plus importante et qu’il est presque pour moitié menacé à terme de submersion…
Un des intérêts du livre est de prendre des pays en exemple, des cas d’étude : le Brésil , l’Inde, l’Iran, le Nigeria, les Pays-Bas… J’ai regretté qu’il n’y ait pas une confrontation avec les données du modèle World 3 du rapport Meadows revu par Turner mais le sujet devait être délimité et c’est bien ainsi.

Je vous recommande ce livre sans hésitation, il est bien plus riche que les quelques lignes ci-dessus n’ont pu le suggérer.

Ghislain Nicaise

Éditions Édilivre, 216 pages, 17 € version papier, 8,99 € en numérique– www.edilivre.com
Contact : commande@edilivre.com. Tél.:  01 41 62 14 40

Protéger la nature ?

1 juin 2022,

Dans les quelques lignes qui suivent, j’ai l’agréable tâche de vous inciter à acheter le livre dont vous voyez la couverture ci-contre. C’est le livre d’un écologue qui est aussi écologiste (oui, il y en a !).
Dans le genre non-fiction, il y a pour moi deux catégories principales de livres à conseiller : ceux qui sont construits autour d’une ou deux idées nouvelles, dont on aurait plutôt envie de se débarrasser après lecture, et ceux qui contiennent toute une vie, que l’on range dans sa bibliothèque. Dans la deuxième catégorie je pense au livre des Bourguignon ou au dernier de Philippe Lebreton (Le futur a-t-il un avenir ?).
Le livre de Pierre Grillet est clairement à ranger dans cette deuxième catégorie ; c’est tout ce que vous n’avez jamais eu le courage ou le temps de savoir sur la protection de la nature au cours des dernières décennies et même avant. On commence enfin à parler dans les médias de la biodiversité, vous croyez que la biodiversité c’est bien mais vous ne savez pas vraiment de quoi il en retourne, alors lisez ce livre. Ne me cherchez pas querelle sur l’expression protection de la nature, nous les lectrices et lecteurs du Sauvage savons qu’il est néfaste de séparer l’espèce humaine de son environnement. Avec les jeunes humain.es qui manifestent, nous sommes ou voudrions être la nature qui se défend.
La seule critique que je puisse faire au livre de Pierre Grillet et je l’ai communiquée à l’auteur, c’est le choix du titre : le capitalisme n’est pas seul en cause, le capitalisme n’est que le sous-ensemble d’un modèle de civilisation qui valorise le progrès, la compétition et la croissance aux dépens de la symbiose et de l’équilibre.
Quoiqu’il en soit, ne manquez pas une riche source de documentation (350 pages denses), un livre érudit mais facile à lire, qu’on remet sur l’étagère pour le reprendre à tête reposée. Vous pouvez le commander chez votre libraire pour 19€.

Aventures en permaculture – 35, Le compost

22 novembre 2021,

Cette semaine j’ai téléchargé un guide gratuit sur le sujet du compost, offert par Permaculture Design (1) et par la suite j’ai assisté à distance à une conférence de la SCAH (2) sur le sujet, qui s’inspirait de ce guide. La présentation qui dans les deux cas se veut assez complète ne mentionne pas ma méthode favorite de compostage, ce qui me donne l’occasion d’un 35e épisode de mes aventures. Quand je fais visiter mon jardin, il y a toujours une pause didactique à côté du tas de compost. C’est en particulier pour moi l’occasion de répéter un conseil : mettez de la terre, il n’y en a jamais trop sur le compost.
Ce conseil mérite explication et précisions.

Fig. 1. En juin, les pépins des courges mangées l’année précédente ont germé. Le tas de compost est maintenu par des palettes.

Les débuts
Quand j’ai commencé à jardiner, il y a environ 50 ans, j’ai trouvé dans une publication (dont j’ai perdu la référence) la recette de compostage suivante.
1 – Creusez une tranchée peu profonde en mettant la terre sur le côté
2 – Remplissez la tranchée avec vos épluchures et déchets végétaux divers
3 – Remettez la terre par dessus, la nature se chargera du reste.
J’ai suivi à la lettre ces instructions lors de mes premiers essais. Maintenant je préfère un tas délimité par 3 palettes (voir Fig. 1) ou plutôt deux tas côte à côte, un pour l’année en cours et un de l’année précédente. Cela prend moins de place que la tranchée de mes débuts, et facilite le ramassage du produit final, une terre riche et fertile. Sur le tas photographié au mois de juin (Fig. 1), on voit pousser les plants issus des pépins des courges que nous avons mangé l’année précédente. Sur la Figure 2 prise en juillet de l’autre côté de la clôture, on voit que les courges étaient des potimarrons.
La principale précaution est de veiller à ce que le compost ne se dessèche pas, à installer dans le coin du jardin le plus à l’ombre qu’il est possible. Cette méthode est parfois qualifiée de compostage « à froid » mais on peut trouver par places des paquets de vers thermophiles (Eisenia) reconnaissables à leur pigmentation en anneaux d’un rouge plus soutenu. Les deux principaux avantages qui me font préférer ce compostage sont qu’il n’y a pas besoin de remuer pour aérer le tas et d’autre part que le produit final est bien plus stable et durable (de nombreux mois) que le compost obtenu avec les seules matières organiques (qui lui ne dure parfois que quelques semaines avant de perdre une grande partie de son pouvoir fertilisant). (suite…)

Aventures en permaculture – 34, Biodiversité et pesticides

20 octobre 2021,

Mes aventures me conduisent parfois à vous recommander des livres. Je préfère les écrits aux YouTube mais pour une fois je vais vous recommander une vidéo à voir absolument. Il s’agit d’une conférence TEDx sur la biodiversité par Pierre-Henri Gouyon, biologiste de renom. Tout y est, y compris des références de livres si vous voulez creuser le sujet. C’est clair, bref mais complet. C’est particulièrement important car si la notion de changement climatique semble en train de gagner contre ses détracteurs, peut-être trop tard d’ailleurs, la notion de protection de la biodiversité peine encore à sortir des milieux écolos et naturalistes.
Apiculteur amateur j’ai directement assisté au syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles. Un phénomène qui a commencé aux USA avec l’introduction des néonicotinoïdes. Vous avez une belle ruche pleine de miel qui se réveille à la fin de l’hiver, il n’y a pas encore de frelons et le varroa n’est pas trop présent mais le nombre des abeilles diminue progressivement. Il n’y a pas d’essaimage mais vous vous retrouvez avec une ruche vide d’abeilles, pas de cadavres, du miel en abondance. Les abeilles n’ont pas su retrouver le chemin de la ruche.

Et moi qui voudrais des courges butternut pour mes soupes, j’ai pu constater depuis plusieurs années maintenant que si je ne féconde pas les fleurs femelles à la main, je n’ai pas de courges. Je me demande comment font (ou vont faire) les producteurs professionnels. J’ai lu plusieurs fois qu’un tiers du poids de nos fruits et légumes dépendait de la pollinisation par les insectes. En ce qui me concerne c’est déjà plus du tiers.

Ghislain Nicaise

Pendant la Covid-19 (5 : la mortalité)

8 août 2021,

Depuis le début de l’épidémie, des critiques ont été formulées sur la mortalité qu’elle entrainait, on se souvient du qualificatif de « grippette » d’ailleurs parfois utilisé pour dire que ce n’en était pas une. Il y a presque un an, le 20 août 2020, j’ai eu l’occasion d’évoquer la surmortalité mesurée en France pendant la première vague de l’épidémie. La mortalité enregistrée par l’INSEE, toutes causes confondues, est une donnée moins critiquable que la mortalité attribuée à la Covid-19. De plus la comparaison du déroulé des décès jour par jour avec les valeurs enregistrées les années précédentes donne une assez bonne idée du sérieux de l’épidémie, ainsi que de l’importance des vagues épidémiques. L’examen d’une carte de France de la surmortalité, inégale selon les départements, confrontée aux chiffres de la contagion, permettait de conclure que l’ampleur de la vague de surmortalité ne pouvait être due au confinement (contrairement à certaines affirmations).
Au moment où des mesures coercitives de lutte contre la contagion sont contestées par des manifestations de rue, il est temps de faire le point sur la dangerosité de l’épidémie, si vous en êtes d’accord, nous le ferons avec ce même outil de mesure de la surmortalité. (suite…)