Le sol, la terre et les champs

23 mai 2010,

Il est paru fin 2009, sans promotion médiatique, un livre qui pour moi est l’un des plus importants qu’il m’ait été donné de lire dans la catégorie “non-fiction”.

Certain-e-s auteur-e-s publient un essai par an, je ne citerai personne pour ménager les susceptibilités. Quand ils sont bons, on y trouve une ou deux idées auxquelles on n’avait jamais pensé. D’autres rassemblent toute la réflexion et l’expérience d’une vie dans un livre, offrant ainsi une mine, à exploiter par petits bouts, à reprendre pour être sûr de n’avoir rien raté. Le livre de Claude et Lydia Bourguignon ferait partie de cette deuxième catégorie à part qu’au lieu d’une vie, on en a deux pour le même prix.

Parce que l’utilisation inconsidérée du pétrole a habitué la plupart d’entre nous à vivre en citadins, nous avons tendance à oublier que pratiquement tout ce que nous mangeons est produit par des agriculteurs. Notre survie dépend des sols et nous les détruisons allègrement.

Pour que vos enfants…

Dès le début du livre, on est interpellé : “La vie se développe dans trois milieux : l’air, l’eau et le sol. Contrairement aux deux premiers milieux qui sont purement minéraux, le sol se caractérise par le fait qu’il est organo-minéral. Cette caractéristique lui confère deux propriétés : la première est que le sol n’existe que sur la planète Terre car il faut de la matière organique, donc de la vie, pour faire un sol. Beaucoup de planètes qui nous entourent ont une atmosphère ou de l’eau mais aucune ne possède un sol. Les anciens ont donc eu raison d’appeler notre planète la Terre car elle est la seule à posséder un sol∑notre planète est recouverte à 70 % de mer, les anciens auraient donc pu l’appeler Océan. L’atmosphère fait 70 km d’épaisseur, les sols font moins d’un mètre en moyenne, ils auraient donc pu appeler notre planète Air. Et pourtant ils lui ont donné le nom du milieu le plus rare, mais le plus important, car c’est du sol que sort la vie.”

Ce livre explique dans un texte d’une remarquable clarté à peu près tout ce que vous devriez savoir sur ce qu’il faut faire pour que vos petits enfants aient encore à manger. Cela implique entre autres la plus grande révolution de civilisation depuis le néolithique, l’abandon du labour. L’agriculture de demain sera en rupture avec celle qui est pratiquée dans nos pays industrialisés ou ne sera pas. Il ne s’agit pas d’un simple retour au passé bien que certaines pratiques anciennes comme l’intégration de l’élevage ou l’utilisation des légumineuses pour enrichir le sol en azote restent nécessaires.

On trouve dans ce livre des pépites : une interprétation de l’extinction des dinosaures dont je n’avais jamais entendu parler, ou encore l’explication de la réalité du “terroir”, une vision de l’humanité du futur réduite à se nourrir d’insectes, comment l’agriculture industrielle moderne a généralisé l’utilisation de plantes malades, pourquoi l’attaque de roches très diverses par les plantes donne toujours de l’argile, pourquoi le verbe “marner” évoque un dur travail. Je vous laisse le soin d’en découvrir d’autres.

Ce livre ne s’adresse pas qu’aux paysans, jardiniers ou amateurs de bonne bouffe, il nous concerne tous. Vous n’en regretterez pas l’acquisition.

Ghislain Nicaise

Le sol, la terre et les champs. Pour retrouver une agriculture saine. Claude et Lydia Bourguignon 2009. ed. Sang de la Terre (http://www.sangdelaterre.fr/)