C’est un grand cru du Sauvage: un numéro entièrement consacré à la voiture.
Replongeons nous dans le contexte de 1973. Le pétrole coule à flots, et à bas coût. En France, une urbanisation galopante se déploie autour des “besoins” de l’automobile, qui est alors considérée comme le principal vecteur du développement économique et de la liberté. Les constructeurs envisagent une croissance gigantesque et investissent des sommes folles vers une automatisation de la production. Des autoroutes sont en chantier partout, et enrichissent un secteur économique très proche des milieux politiques.
La pollution est désormais omniprésente, particulièrement dans les grandes villes. Les moteurs ne sont pas optimisés et consomment des quantités énormes, les échappements sont sans filtre, les carburants contiennent des additifs très toxiques comme le plomb (essence) ou le soufre (diesel). A Tokyo, cela fait déjà 6 ans que l’on installe des distributeurs d’oxygène dans les rues les plus polluées.
Les écologistes ne cessent de mettre en garde contre les méfaits de la pollution de l’air, mais aussi contre le “tout-automobile”, qui détruit les paysages et les vieux quartiers, qui paralyse les centres urbains. Alain Hervé, rédacteur en chef du Sauvage, va titrer ce sixième numéro “Faut-il fermer Renault ? “, un titre provocateur qui va attirer de nouveaux lecteurs vers le Sauvage. Au delà de la dénonciation de la pollution, ce numéro porte l’attention sur l’emprise mentale de la bagnole, sur les conséquences politiques et sociales de la l’automobilisation du monde.
Le premier grand article est signé d’André Gorz (sous le pseudo Michel Bosquet) et donne le ton. “Mettez du socialisme dans votre moteur !”. Cet article, magnifiquement illustré par Daniel Maja, est toujours abondamment cité partout dans le monde, sous le titre “L’idéologie sociale de la bagnole“. Les éditions Dixit.net viennent même de le republier cette année 2023 en petit livret. Suivent six autres grands articles consacrés à la voiture et aux transports en commun.
Le Sauvage donne ensuite la parole à Ivan Illich, qui promeut l’autonomisation et la responsabilisation des sociétés face à la technologie et à l’industrie. Suivent des articles sur le solaire et le nucléaire, déjà enjeux politiques et économiques majeurs.
On trouve aussi des témoignages de vie, un reportage sur la pollution au mercure au Japon, et, comme souvent dans Le Sauvage, des articles sur la consommation et l’alimentation. Avec ce sixième numéro, Le Sauvage atteint une qualité et diversité qui construit peu à peu sa notoriété dans le champ citoyen, et va permettre la mise en place de candidatures écologistes à toutes les prochaines élections.