Reprint Le Sauvage, n° 9-10, août-septembre 1991
par l’ethnologue Jacques Meunier
Ethnologie : poser des tables d’écoute sur des sociétés sans téléphone
Poésie : avec quatre mots fabriquer un fléau contre la bêtise
Paludisme : connaissance tremblée de l’Amazonie
Vieillir : mettre son enfance en quarantaine
Prose : mise à plat des aphorismes verticaux
Chanson : elle est à la poésie ce que la recherche appliquée est à la recherche fondamentale
Rien : un rien vaut mieux qu’un rien tu l’auras
Travail : vendre son oisiveté ; est le comble de la misère
Voyager : « Si l’on veut voyager, il faut avoir l’échine d’un âne pour tout supporter, la langue comme une queue de chien pour caresser tout le monde, une bouche de pourceau pour avaler tout ce qu’on vous offre, une oreille de marchand pour tout entendre sans rien dire… » Thomas Nashe (The Unfortunate Traveller, of Jack Wilton, 1594)
Surréalisme : dimension objective de l’univers
Monocle : lunette unijambiste
Main au cul : le baisemain des pauvres
Jivaro : sauvage pré-logique qui a l’esprit de synthèse
Détresse : quelqu’un qui se noie dans ses propres yeux
Beauté parfaite : le regard des autres l’insularise
Curare : excellent contre le hoquet
Chronomètre : montre pleine de tics
Citation : « Un dictionnaire sans citation est un squelette », Voltaire
Abaque : machine à calculer fossile
Chien : que sont devenus les chiens inaboyants de Tasmanie ?
Baleine : « Attention ! L’ombre des grands voiliers passe sur les dahlias des forêts sous-marines ; et je suis un moment à l’ombre des baleines qui s’en vont vers les pôles ! », Maurice Maeterlinck
Vodka : eau de Pologne
Perroquet : corbeau polychrome
Ethnocide : quand le genre humain perd ses longs cheveux
Radio : télévision sans images
Port : destination des bateaux
Hamac : « lit de coton tendu entre deux arbres », Jean de Léry
Nomade : « Il faut être nomade, traverser les idées comme on traverse les pays et les villes, manger des perruches et des oiseaux mouches, avaler des ouistitis vivants, sucer le sang des girafes, se nourrir de pieds de panthères ! Il faut coucher avec des mouettes, danser avec un boa, faire l’amour avec des héliotropes et se laver les pieds dans le vermillon ! », Francis Picabia
Voiture : assemblage de pièces détachées
Biberon : sein contrefait pour les bébés qui n’ont pas de maman ou pour les mamans qui n’ont pas de poitrine
Tipi : tente typique, youpi !
Petites annonces : la SF des sans-logis
Îles : finalement, elles suent l’ennui
Fusil : pan ! t’es mort !
Tchador : qui va habillé dans un camp de nudistes ?
Cascade : « Quand les chutes d’eau des montagnes deviennent des rapides, on entre dans le pays du untsuri suarä, le pays des Jivaros », Michael J. Harner
« Le grondement sourd des énormes rivières où dorment les hippopotames… », Roger Bastide
Éponge : animal gonflé d’eau qui sert à essuyer les tableaux — se dit aussi des piliers de bistrot qui laissent des ardoises
Fromage : créature qui vit sur les plateaux et qui coule selon la pente, l’humeur et la météo
Fromager : arbre des pays sous-alimentés
Sorcier : médecin sans médicaments, qui a le sens du diagnostic et du cosmos
Missionnaire : curé de campagne à l’étranger
Exotisme : se laver le matin en ayant l’impression de faire la vaisselle
Lévitation : acrobatie mystique
Limace : escargot à bâtir
Esquimau : à sucer dans le noir quand la fièvre monte à El Paso
Mots croisés : quand un cruciverbiste rencontre un verbicrusiste
Hamburger : « Le travail est à la vie ce que la viande est au hamburger (le fondateur de la chaine Mc Donalds)
Lettriste : il secoue l’arbre de l’alphabet et il en tombe des œuvres diverses
Arc-en-ciel : les Indiens l’appellent « couleuvre du ciel » et le désignent avec le coude, de peur de se faire mordre le doigt
Symbole : le visible et l’invisible sont indivis
Réfrigérateur : coffre-fort à saucisses
Cure-dent : sert aussi à piquer les olives
Abscons : pas forcément profond
Whisky : la vie à vau-l’eau
Escalier : coquille externe des ascenseurs
Humour : pas mal, et vous ?
