Se rendre à la Péniche Opéra est toujours une aventure. Le lieu d’abord : ce grand bateau amarré quai de Loire, derrière la Rotonde de Ledoux, dont l’intérieur est aménagé de façon différente selon l’œuvre représentée, puis l’accueil, extrêmement affable, enfin le spectacle toujours porteur d’une séduisante originalité.
Deux œuvres sont actuellement à l’affiche : un opéra-comique de 1841 de Gaetano Donizetti et un « demi-opéra » (ainsi nommé car il ne dure que 40 minutes) contemporain de Vincent Bouchot, interprétés par les trois mêmes chanteurs.
Le premier, « Rita ou le mari battu » est une joyeuse histoire de bigamie, transposée du milieu du 19ème siècle aux années 1960, délicieusement mise en scène par Mireille Larroche.
Dans une salle d’auberge, Rita affronte à coups de vocalises vertigineuses et de gants de boxe ses deux maris. C’est Amira Selim, remarquable soprano-colorature, au timbre cuivré et aux aigus percutants, qui l’incarne. Aussi agréable à voir qu’à entendre, elle virevolte entre son mari battu, le ténor Christophe Crapez, magnifique voix claire et veloutée, comédien irrésistible, et son mari « battant », le baryton Paul-Alexandre Dubois, au timbre superbe, d’une aisance scénique et vocale parfaite.
La musique de Donizetti est raffinée, pas toujours évidente à chanter malgré son apparente facilité. On retrouve souvent l’inspiration de « Don Pasquale ».
Le cocasse des situations est sans cesse souligné par les trouvailles de la mise en scène : bravo pour l’écran du fond où semblent rentrer les personnages lorsqu’ils quittent le plateau ou pour le jeu de qui-perd-gagne où les deux maris essaient de se débarrasser de leur tendre moitié. Le jeu des trois comédiens est à la hauteur de leur talent vocal.
Le second spectacle « Elle est pas belle la vie ? » reprend des textes des « Nouvelles brèves de comptoir » de Jean-Marie Gourio (interprétées à la télévision par Jean Carmet, inoubliable poivrot philosophe) mis en scène par Alain Patiès.
Un barman, Christophe Crapez, et un pilier de bar, Paul-Alexandre Dubois, refont la vie à coups de rouge et de lieux communs hilarants, sous une télévision muette qui déverse des torrents d’images d’actualités et de jeux.
Leur dialogue est mi-parlé mi-chanté sur la musique insolite et sensuelle de Vincent Bouchot, doublée parfois d’une ambiance sonore réalisée sur ordinateur, et entrecoupé de vocalises chantées au loin par Amira Selim. On sent que Vincent Bouchot est chanteur, car son écriture met en valeur les voix sans les forcer à d’inutiles prouesses.
L’ensemble est très drôle, très nouveau, on rit beaucoup du texte et de la mise en scène jubilatoire de Alain Patiès.
Et pour finir, un immense bravo à Caroline Dubost, pianiste infatigable, qui arrive presque à faire oublier l’absence d’orchestre tant son accompagnement est sensible, présent et engagé.
Michèle Valmont