Le bal d’Irène Nemirovsky

30 décembre 2012,

par Michèle Valmont

Jusqu’à présent, on connaissait la nouvelle « Le bal » d’Irène Nemirovsky surtout grâce au film de Wilhelm Thiele, où l’on assistait en 1931 aux débuts de la toute jeune Danielle Darrieux. C’est à une nouvelle adaptation, théâtrale, que nous convie Virginie Lemoine au théâtre de la Huchette.

L’histoire : un couple de bourgeois récemment enrichis décide, pour étaler sa richesse aux yeux du monde, d’organiser un bal. Leur fille Antoinette, adolescente de 14 ans, écartée de l’événement, va, pour se venger, jeter dans la Seine toutes les invitations. Sous ses dehors anodins, le propos d’Irène Nemirovsky était féroce : vive critique  de la bourgeoisie arrogante, doublée d’un affrontement grinçant entre la mère assoiffée de mondanités et sa fille, cynique et lucide, qu’elle refuse de voir grandir pour ne pas vieillir.

Virginie Lemoine a un peu atténué cette violence en y ajoutant une dimension comique qui accentue le côté ridicule des personnages. On rit devant l’affolement de Madame Kampf, hilarante Brigitte Faure, dans son salon désert ; on sourit de la veulerie de Monsieur Kampf, délicieux Serge Noël, écrasé par le snobisme de sa femme ; on s’amuse de voir l’institutrice d’Antoinette, vieille fille acariâtre, magnifiquement campée par Françoise Miquelis, se déchaîner dans un charleston d’anthologie.

Antoinette, qui tire les ficelles, est parfaite de détachement ironique, de frustration rentrée. Elle est incarnée par Lucie Barret, au visage lisse et immuable, sur lequel s’impriment subtilement le dépit, la jalousie et enfin le triomphe. La mise en scène de Virginie Lemoine est claire, juste et efficace, toute au service de l’histoire et du texte.

Une fois encore, un grand merci au théâtre de la Huchette  de nous offrir un spectacle rare et original.

Michèle Valmont

La Huchette :01 43 26 38 99