par Michèle Valmont
Le marquis de Sade a passé 30 ans de sa vie en prison. On le retrouve ici dans sa geôle de la Bastille en 1789, aux prises avec un gardien brutal qu’il ne supporte pas. Mis en rage par les altercations incessantes qu’il provoque, Sade s’enferme dans sa solitude, égayée par une femme –fantasme créée par son imagination et un prêtre confesseur.
Pierre-Alain Leleu, auteur et interprète du rôle de Sade, a voulu montrer que ce personnage, certes déplaisant par bien des aspects, était un homme d’une intelligence remarquable. Evidemment, sa philosophie pornographique, misogyne, égocentrique, cruelle, peut -ou doit ?-être rejetée, mais on y trouve une lucidité exacerbée envers les faiblesses humaines, et un refus réfléchi de la religion qui ne sont pas pour me déplaire.
Pierre-Alain Leleu est un comédien remarquable. Il dit son texte, entièrement basé sur les écrits de Sade, avec une autorité convaincante. Son énumération des sévices extraits des « 120 journées de Sodome » qu’il égrène en parcourant la salle donne froid dans le dos. Mais il met avant tout en exergue la détresse de l’homme seul, incarcéré pour avoir revendiqué « la liberté d’écrire ce qu’on pense (pas ce que l’on fait) ».
Son fantasme féminin, la délicieuse Dany Verissimo, lui sert d’interlocutrice, de conscience, de partenaire sexuelle. Mi-Justine mi-Juliette, elle illumine le plateau, même pendant la scène de sodomie, de son charme et de son humour.
Apparition surprenante que celle de Michel Dussarat, magnifique prêtre-confesseur déguisé en bonne sœur aux talons aiguilles, visible référence aux religieuses de Clovis Trouille, dont on connaît la toile hommage au divin marquis.
Jacques Brunet, geôlier plus vrai que nature, complète parfaitement la distribution. La mise en scène de Nicolas Briançon est sobre, subtile, resserrée sur la richesse du texte.
D.A.F. marquis de Sade, quoi qu’on en pense, méritait bien qu’on lui consacrât une pièce. Bravo de l’avoir compris et réalisé.
Michèle Valmont
Ciné 13 Théâtre :01 42 54 15 12
