Un rapport sur la banalité de l’amour
Ils se sont rencontrés en 1925. Lui est un brillant philosophe, marié et père de famille ; elle, son élève admirative. Lui c’est Martin Heidegger, elle Hannah Arendt. Entre eux naît une passion qui les hantera leur vie durant, bien que tout semble les séparer.
La pièce de Mario Diament, fiction basée sur des faits réels nourris de la correspondance des deux personnages, relate à travers leurs rencontres l’évolution de leurs relations, scandées par la montée du nazisme. Hannah , juive, s’exile pour fuir les persécutions. Martin, lui, séduit par la nouvelle idéologie, bien qu’il s’en défende, flirte ouvertement avec le pouvoir hitlérien, pour préserver son statut social et familial. Au fond de la scène, sur un écran, une discussion entre intellectuels rappelle opportunément à la mémoire déficiente du spectateur les personnalités exactes des deux philosophes.
Les dialogues, denses et passionnés, mêlent habilement problèmes personnels et conjoncture politique. La question la plus lancinante demeurant toujours celle de l’attitude de l’écrivain ou de l’artiste face au nazisme, thème récemment traité au théâtre à propos de Richard Strauss ou de Willem Furtwängler.
Il fallait pour incarner deux personnages aussi exceptionnels des acteurs remarquables. Ils le sont : Maïa Guéritte, toute à son combat amoureux et politique, est stupéfiante de véhémence, déchirante de vérité. Quant à André Nerman, on ne pouvait rêver mieux pour traduire l’ambiguïté d’un Heidegger écartelé entre passion et respectabilité. Cet acteur-metteur en scène possède une présence, une stature et une beauté (oui !) rares. Qu’attend-on pour en faire une tête d’affiche ?
L’ingéniosité du décor de Stéphanie Laurent et la sobre élégance des costumes de Maïna Thareau contribuent à la réussite de l’ensemble.
Une fois encore, le théâtre de la Huchette s’honore en présentant un spectacle d’une telle richesse.
Michèle Valmont
Théâtre de la Huchette : 01 43 26 38 99