par Michèle Valmont
On s’interroge sur les raisons qui relèguent parfois au fond des oubliettes tel ou tel ouvrage artistique, sans forcément trouver de réponse satisfaisante. Notre étonnement reste entier devant l’oratorio « la Vierge » de Jules Massenet, donné hier à Notre-Dame de Paris, quasiment oublié depuis sa création peu remarquée en 1880. Il faut dire que l’œuvre demande un effectif orchestral et choral impressionnant, sans compter une soprano chevronnée et divers autres solistes. En fait c’est la première fois que cet oratorio est donné à Notre Dame, alors qu’il avait précisément été composé pour y être exécuté.
Le sujet en est l’évocation de quatre parties importantes de la vie de Marie : l’Annonciation, les noces de Cana, le Vendredi Saint et l’Assomption. Massenet a laissé libre cours à son grand talent de mélodiste, n’hésitant pas à renforcer les moments dramatiques d’effets théâtraux de trompettes, tambours ou cymbales parfois outranciers. Ainsi les chœurs du festin des noces de Cana confinent à la bacchanale, ceux qui accompagnent l’Assomption sont d’un lyrisme exacerbé. On est par contre ému par certains passages plus intimes comme le duo de l’Annonciation ou la magnifique « extase de la Vierge », seul air fréquemment chanté de la partition.
Norah Amsellem, voix ample et chaude, incarne une Marie touchante et humaine. Les autres parties solistes sont tenues par des élèves du Conservatoire de Paris au talent prometteur. Les chœurs de l’Armée française, maîtrise de Notre-Dame et chœur d’enfants Sotto Voce, ainsi que l’Orchestre du Conservatoire de Paris, tous impeccables, sont superbement dirigés par Patrick Fournillier. Seul bémol : l’acoustique imparfaite de la cathédrale noyant les nuances dans un brouhaha ronflant, prix à payer pour jouir du retour de la Vierge chez elle.
Cette redécouverte originale révèle une face peu connue de Massenet, trop vite catalogué comme compositeur d’opéras. Bravo pour cette initiative convaincante.
Michèle Valmont