Perfect mothers … Il n’y plus de morale?

17 avril 2013,

par  Saura LoirPerfect-Mothers_portrait_w193h257

L’amour, l’amour, toujours l’amour. Combien de pages n’a-t-on pas noircies sur ce thème éternel, combien d’opéras, de chansons, de poèmes n’a-t-on pas écrits, combien de larmes et même de sang  n’a-t-on pas versés en son nom ? La relation amoureuse, sujet inépuisable qui a été décliné sous mille et une formes, jusqu’aux plus improbables comme King Kong et sa belle prisonnière. Pourtant, la réalisatrice Anne Fontaine, s’inspirant d’un roman de Doris Lessing, « Deux grand-mères », a réussi à innover en faisant tomber dans les rets de Cupidon deux mères et leurs deux fils respectifs. Libertinage ? Dépravation ? Milieu pauvre et sordide à la Zola ? Rien de tout cela, bien au contraire. Dès les premières images, le ton est donné.

 

Deux femmes visiblement bien nées et amies pour la vie, avec leur deux adolescents athlétiques et bien nourris, leurs maisons confortablement meublées, avec goût mais sans esbroufe et, omniprésent, l’océan, l’océan et ses eaux matricielles sur lesquelles  les deux garçons  surfent sans relâche, sous les yeux attendris des deux mamans. Le tableau est idyllique, hors du temps, ces quatre-là semblent seuls au monde, presque nus et pourtant rendus à l’innocence des origines. Difficile de ne pas comparer leur habitat au jardin d’Eden, qui agit comme un ventre douillet où les mères et leurs enfants semblent avoir retrouvé l’intimité inouïe de la gestation…….jusqu’à ce que le père apparaisse pour accomplir son rôle séparateur. Est-ce cela qui rompt la magie ? Séparés, mères et fils se regardent autrement, se voient hommes et femmes. « Ils virent qu’ils étaient nus ». Le désir  poussera un des garçons vers la mère de l’autre, à la recherche de l’unité perdue. Après un mouvement de colère vite surmonté, l’autre suivra. Fini, l’Eden et l’innocence, la condition humaine les rattrape et avec elle sa cohorte d’émotions et de chausse-trappes. Qu’on le veuille ou non, il faut grandir, affronter les regards du monde et assumer sa part d’ humanité en engendrant à son tour.

 

Différents thèmes se croisent et se répondent tout au long de cette belle fable, comme dans une musique bien orchestrée : l’amitié, le temps qui passe, les enfants qui grandissent, la crainte de vieillir, la nostalgie des émois amoureux, un parfum d’inceste, les hommes qui ne savent pas comment se positionner face au couple mère-enfant et qui s’éloignent, quitte à recommencer ailleurs. Tout cela soigneusement montré ou suggéré, avec la plus grande élégance, sans emphase ni insistance inutiles. Les deux actrices, Naomi Watts et Robin Wright, incarnent magnifiquement leurs rôles de femmes dans la fleur de l’âge, au sommet de leur pouvoir de séduction malgré les petits signes annonciateurs du déclin à venir. En dépit de toutes ces qualités, un léger sentiment d’ennui finit par s’exhaler. Trop lisse peut-être, malgré le sujet passablement scabreux,  et avec des dialogues insuffisamment nourris.  N’empêche, la salle était comble et le public visiblement enchanté. Décidément, il n’y a plus de morale…

 Saura Loir

« Perfect mothers », film franco-australien réalisé par Anne Fontaine, en salles depuis le 3 avril.