Wilson le gyrovague, au Louvre

13 janvier 2014,

Par Alain Hervé

La reprise d’Einstein on the beach au théâtre du Chatelet nous a incité,IMG_1312 faute de trouver des places pour le spectacle, à aller voir ce que Bob Wilson a proposé au Musée du Louvre.

Si l’on réussit à suivre le parcours du combattant de cette exhibition dans trois salles différentes, les amateurs auront quelques surprises intéressantes sur le personnage Wilson.

Une centaine d’objets de sa vie occupent une grande salle, depuis une paire d’escarpins ayant appartenu à Marlène Dietrich, jusqu’à des poteries précolombiennes, un lapin empaillé, des photos de dentier, un… tabouret en ossement, une collection de chaises de toutes époques et du monde entier, des masques indiens…et un lit de 2m80 de large. Bric à brac de brocanteur maniaque ? En fait des points de repère pour un rêveur éveillé, un délirant créatif, un génie de l’exploration de l’esprit humain.

Notre admiration pour Wilson date du Regard du sourd, son premier spectacle à Paris en 1971. Nous avons suivi ce grand enfant à travers les représentations de tous ses délires. Il a atteint des sommets de créativité folle suivis de ratages flous.

On suit Wilson, ou on ne le suit pas dans ses démarches extrêmes. C’est un illuminé, un prophète, un gyrovague, un médium, un raseur selon que l’on entre ou pas dans son délire éveillé.

Son portrait animé de Lady Gaga sur le modèle d’Ingres, dans une autre salle du Louvre, est significatif de son pouvoir hypnotique. Soit passant rapidement, on ne saisit pas l’intérêt de la pose hiératique de la Dame, soit on entre dans la transe immobile. On attend que passe l’oiseau, qu’elle ferme les yeux, qu’une larme coule sur sa joue. On attend qu’il se passe quelque chose, tout en sachant qu’il ne se passera rien. On est seulement invité à entrer en lévitation devant l’image. Emotion intense ou ennui profond et entre les deux, accès à un monde proche et lointain. Se cramponner ou se laisser aller.

On est invité à apprendre à voir, à voir, à voir, à voir…

Et encore dans une autre salle, Lady Gaga pose ensanglantée, endormie dans la baignoire de Marat, tandis que la lumière qui sculpte son sein bouge lentement.

Depuis que nous l’avons rencontré en 1977,* Wilson a grossi. Seule modification flagrante du personnage en quarante ans.

Alain Hervé

* Nous publierons dans quelques jours l’interview que nous avions faite dans le Sauvage en 1977.