2050 : Quelle énergie ?

20 avril 2014,

Nucléaire non merciLA DEMANDE ENERGETIQUE MONDIALE EN 2050 : L’ELECTRO-NUCLEAIRE PEUT-IL LA SATISFAIRE ?       Par Philippe Lebreton

Le 6 novembre 2010, sur les antennes de France-Inter, un représentant d’AREVA déclarait en substance : «  L’électricité nucléaire est indispensable puisque le Monde doit doubler sa consommation d’énergie d’ici à 2050 ». Examinons cette proposition, qui ferait passer la consommation mondiale de 8 Gtep à 16 Gtep d’ici au milieu de ce siècle (*).

En 2001 (données : A.I.E.A., Agence Internationale de l’Energie Atomique), la consommation électrique mondiale annuelle s’élevait à 15 660 TWh (= 1,35 Gtep), soit 16,9 % de l’énergie totale (1,35 / 8,0), dont 2540 TWh (= 0,22 Gtep) d’électricité d’origine nucléaire. La part de celle-ci dans l’électricité de toutes origines était donc de 16,2 % (2540 / 15 660) ; corrélativement, la part de l’électro-nucléaire dans la consommation énergétique totale annuelle était de 2,7 % (17 % x 16 %) seulement (en 2012 : 2,2 % !).

Pour 2050, on envisagera l’hypothèse somme toute modeste d’un doublement de l’électro-nucléaire (soit 5,4 %) dans la consommation énergétique totale ; celle-ci devant elle-même doubler, il en résulterait un quadruplement de la consommation électro-nucléaire, soit 10 160 TWh / an (= 0,87 Gtep = 870 millions de tep). En 2050, les réacteurs actuels, construits pour l’essentiel avant 2001, seront obsolètes, et la puissance électrique devra faire appel à de nouveaux réacteurs, à construire dans les 40 années nous séparant de 2050.

Dans un scénario d’unités électro-nucléaires de 1000 MWé (= 1 GWé) fonctionnant avec une disponibilité à pleine puissance de 80 %, la production annuelle nette d’un réacteur est de 7000 GWh (1 x 0,80 x 365 x 24), soit 7 TWh. Fournir annuellement quelque 10 000 TWh exigerait donc la présence en 2050 de 1450 réacteurs (10 160 / 7) dont la construction étalée sur 40 ans aboutirait à un programme de 36 réacteurs fabriqués par an, soit un réacteur inauguré tous les 10 jours, en majorité dans les pays aujourd’hui émergents (Asie, Brésil), ou en voie de développement (Afrique, Amérique latine), à contextes sociaux et politiques probablement encore instables. Et comme il faut en moyenne 7 ans pour construire un réacteur, il y aurait en permanence 250 (36 x 7) chantiers ouverts dans le monde…

Ainsi, pour augmenter de moins de 3 % le budget énergétique mondial, on prendrait le risque d’accroître de 300 % le risque nucléaire civil, puisque la puissance électro-nucléaire mondiale est aujourd’hui de 360 GW (372 GW diminué des réacteurs de Fukushima), d’où une multiplication par 4 (1450 / 360) de la puissance actuelle. Devant une telle disproportion entre avantages et risques, n’est-il pas évident de faire appel à un principe de prudence ?

Pour autant, comment répondre à notre boulimie énergétique ? Deux pistes sont ouvertes : les énergies renouvelables, les économies d’énergie. Entre 2000 et 2010, les premières ont progressé dans le monde de 42 %, contre 6 % (7 fois moins !) pour l’électro-nucléaire. A ce rythme, il y aurait en 2050 une production électrique renouvelable de 9100 TWh contre 3400 TWh pour le nucléaire, près du triple. Quant aux économies, nos descendants ne seraient-ils pas capables d’épargner le vingtième de leur énergie, tout en maîtrisant leur démographie ?

 Philippe Lebreton (Fondation Biosphère et Société, Genève)

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(*) Calculs effectués en énergie finale (= au niveau des consommations), avec l’équivalence thermique 1 TWh = 1 milliard de kWh = 0,086 Mtep, soit 1 Gtep = 11 630 TWh (1 milliard de tonne-équivalent-pétrole = 11 630 milliards de kWh).