Le mouvement français Terre de Liens a une organisation-soeur en Belgique, Terre en Vue (Land in Sicht pour les néerlandophones). Ces organisations sanctuarisent la terre agricole pour y installer des fermiers “en bio”. Nous vous reproduisons ici un article paru dans Le Soir sur une entreprise remarquable à laquelle est associée Terre en vue.
Prendre naturellement soin du sol améliore la production
par Laetitia Theunis, 20 janvier 2015
Le biomimétisme s’applique aussi à l’agriculture. Il s’agit de s’inspirer du vivant pour recréer un écosystème stable et productif. Le grand saut, Elisabeth Simon (portrait ci-dessus) l’a osé. Sacrée femme entrepreneure de l’année en 2013, elle a abandonné l’agriculture intensive pour la permaculture. Cette technique issue du biomimétisme vise à créer un véritable écosystème dont la productivité découle de la biodiversité mise en œuvre.
Le Soir. La permaculture est souvent dévolue aux petites parcelles, mais pas dans votre cas…
E.S.Le domaine de Graux, à quelques kilomètres de Tournai, c’est désormais 120 hectares entièrement dévolus à l’agroécologie. Chez nous, pas de monoculture à perte de vue : chaque champ a été divisé en petites parcelles de 2 hectares, et des variétés différentes de grandes cultures prennent place sur les unités voisines. Vu du ciel, c’est une mosaïque de couleurs. Les sols réellement cultivés comptent pour 85 hectares.
Le Soir. Et le reste ?
E.S. Ce sont des éléments de paysage qui entourent les champs pour assurer naturellement une bonne santé aux cultures. Il y a 14 étangs ceinturés de bosquets, 11 km de haies, des kilomètres de bandes herbeuses : la faune et la flore sauvage foisonnent. Nos efforts de restauration de la nature ont d’ailleurs été récompensés par le prix environnemental européen Bell Europa 2014.
Le Soir. Au sein de cet écrin, vous cultivez sans pesticide, sans engrais synthétique et en plus sans labour. Etes-vous optimiste quant aux rendements futurs ?
E.S. J’ai opté pour une agriculture sans labour car labourer fait chuter la fertilité du sol. Grâce aux soins apportés à la terre, on peut espérer produire autant qu’en conventionnel, voire plus. Certains permaculteurs évoquent des rendements de 5 à 30 % supérieurs, qui s’expliquent par des coûts bien plus bas. L’astuce ? Pour nourrir la terre et ses habitants, on a recours à du mulch vivant, appelé « biomax ». C’est-à-dire que l’on fait pousser durant une saison, ou une demi-saison, des variétés de végétaux choisies selon les besoins de la culture suivante : par exemple, moutarde, tournesols, plantes fixant d’azote ou structurant la terre grâce à leurs racines profondes ; ensuite, on les aplatit avec un rouleau pour que ces plantes servent de lit de germination aux graines de culture qui sont semées en même temps. Et puis on laisse faire la nature.
Le Soir. Pour créer les différents maillons de l’écosystème, vous développez un projet de microfermes…
E.S. On veut permettre à des agriculteurs sans terre, et partageant notre vision de l’agriculture de demain, de réaliser leurs activités sur de petites parcelles au sein du domaine de Graux, où nous, nous cultivons des céréales. Des éleveurs de chèvres viennent de s’installer, et le premier maraîcher est attendu pour bientôt. Dans un souci de faire des déchets des uns, les matières premières des autres, le fumier d’élevage servira d’engrais pour les légumes. Nous venons aussi de planter un verger de 320 fruitiers. Et pour faciliter la pollinisation des pommiers, poiriers ainsi que des cultures tant céréalières que maraîchères, des apiculteurs viendront placer des ruches supplémentaires. Il n’y a qu’un hic, c’est le cadre juridique actuel du bail à ferme. Il est en inadéquation avec cette nouvelle façon de faire basée sur l’interconnexion d’activités agricoles complémentaires. Nous travaillons dès lors à en créer un adéquat.