Bernard Maris : “C’est ici qu’interviennent le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale, sorte de pompiers pyromanes ou de brancardiers assassins, qui font beaucoup de mal, probablement en voulant faire le bien. Le bien, pour ces deux institutions, c’est l’économie de marché tournée vers l’exportation. Le FMI et la Banque Mondiale ont une vision primaire du fonctionnement de l’économie et en sont toujours à Adam Smith. Drapés dans leurs certitudes et leur simplisme, ils transforment les crises en faillites et les faillites en catastrophes avec la tranquillité et le regard fixe des boeufs se promenant dans un magasin de porcelaine. Pour finir, ouvrons une parenthèse sur la notion de richesse d’un pays et imaginons un pays, indépendant du monde extérieur. Comme sa production n’est pas valorisée par le marché, elle est (considérée comme) nulle. A côté, un autre pays choisit d’exporter : le secteur agricole qui assurait, comme dans le premier pays, son autonomie et celle de l’industrie locale travaille maintenant pour l’exportation (bananes etc…). Du coup, le second pays importe une partie des biens destinés à sa consommation. Sa richesse apparente, valorisée par le marché international, augmente. Mais la disparition des cultures vivrières accroît les bidonvilles. Si la main d’oeuvre de ces bidonvilles ne trouve pas à s’employer, on peut imaginer que l’Etat va s’endetter pour “créer” une industrie. Si cette industrie ne débouche sur rien, notre pays inséré dans le jeu international va devoir s’endetter encore plus, favoriser les importations, ruiner encore plus son agriculture. C’est là que le FMI arrive, toujours pour aggraver les choses : il va s’empresser d’ajuster structurellement, c’est à dire de détruire le peu de lien social maintenant la société, liquider les services publics, privatiser (transférer à des mafias) ce qui est privatisante, faire pression sur les salaires, exiger une absence de déficit et des rentrées de devises à tout prix, spécialiser les produits à l’exportation etc…L’Argentine et la Russie sont deux cas pratiques de ce qu’il ne fallait pas faire. Et ne parlons pas de l’Afrique, son cadavres n’intéresse même plus le FMI.”
2003. Antimanuel d’économie 1. Les fourmis.