20- Les pommiers, mise à jour d’une parution dans La Gazette des Jardins n° 101, janvier-février 2012 (1),
Le pommier s’impose
S’il est un arbre utile qui devait être planté sur notre terrain c’est bien le pommier. Il pousse spontanément un peu partout. Bien entendu il n’est pas originaire du pays mais il s’est aisément naturalisé. J’ai essayé de dégager deux pommiers trouvés à la lisière de la forêt : le résultat de ma taille nécessairement un peu radicale est qu’ils n’ont presque pas fleuri le printemps suivant. Leurs pommes avaient été précieuses au cours de l’automne précédent pour faire mûrir les avocats. Le plus souvent les pommes du commerce n’ont pas cette faculté : je suppose qu’elles ne diffusent pas l’hormone de mûrissement (l’éthylène, qui est un gaz) parce qu’elles sont traitées pour une plus longue conservation.
On ne transplante pas n’importe comment
Le précédent propriétaire a planté en lisière du bois un petit pommier qui va donner des fruits plutôt rouges mais je n’ai pas su en déterminer la variété. En attendant je l’ai transplanté à l’intérieur de l’enclos, en position mieux éclairée. Son écorce semble en souffrir. Je n’avais pas fait attention à son orientation et j’ignorais le phénomène de l’échaudure du tronc : j’ai appris récemment que l’on doit éviter d’exposer au Sud une écorce habituée au Nord. Depuis je l’ai déplacé à nouveau car je n’avais pas prévu le développement rapide et considérable de mon premier achat. Dans sa nouvelle situation, il n’a pas donné de fruits mais a néanmoins eu une grosse branche cassée par un sanglier qui cherchait des pommes (voir en fin d’épisode).
Mon premier achat
A côté de ce pommier cultivé mais de variété incertaine, j’ai planté un Chantecler-Belchard, acheté de manière impulsive pour compléter une commande au Conservatoire Végétal Régional d’Aquitaine. Mon choix est seulement guidé par mon appétit pour cette pomme que je trouve délicieuse. Cette création de l’INRA résulte d’un croisement entre Golden delicious et Reinette Clochard (2). Je découvre après coup que son porte greffe MM106, “de vigueur moyenne”, craint la sécheresse (2), ce qui n’est pas le meilleur choix pour mon climat, toutefois il a maintenant traversé cinq étés sans dommage. De plus pour une raison non révélée, MM106 est déconseillé pour cette variété par l’article de Wikipedia. Je me demande d’ailleurs s’il n’y a pas eu erreur sur le porte-greffe, qui me parait de grande vigueur ; l’arbre acheté en janvier 2010 fait maintenant 3,5 m de large sur plus de 4,5 m de haut. Je ne vais pas me limiter là, je soupçonne que l’on peut étaler les récoltes sur une grande partie de l’année, ce qui se confirme alors que je me renseigne sur internet et dans la littérature (3). Cependant j’apprends tardivement que mon appétit m’a aiguillé vers une variété peu adaptée à la permaculture “L’espèce est moyennement sensible au chancre, à l’oïdium, au feu bactérien et à la tavelure. Cette susceptibilité aux maladies en fait une variété pour culture industrielle ne convenant pas bien aux petits jardins familiaux où les traitements chimiques ne sont pas systématiques“, bigre !
Un choix difficile
Je trouve aussi dans mes lectures que les pommiers ne sont que parfois et/ou partiellement autofertiles. Il est donc recommandé de planter à proximité des variétés complémentaires, à floraison simultanée, c’est le cas pour Golden et Chantecler. Cependant le calendrier de fertilisation ne sera pas identique à celui des récoltes : le temps qui s’écoule entre la floraison et la récolte dépend de la variété. L’équation se complique, d’autant plus que parmi quelque 6000 variétés répertoriées, il est possible de s’en procurer plusieurs centaines d’après les adresses données par le site pommiers.com.
L’occasion supplée à l’embarras du choix
En visite de passage chez un pépiniériste au début d’octobre 2010, je tombe sur de beaux pommiers en pots, et en promotion, pour 19 €. Le tronc a plus de 2 cm de diamètre, il est correctement ramifié pour une taille classique de deux ans. Peut-être en ont-ils même trois. Les variétés offertes sont sans originalité aucune mais elles auraient d’assez bonnes compatibilités pour la pollinisation. Si elles sont si répandues dans le commerce c’est qu’elles doivent avoir quelques vertus. Je me décide pour quatre pommiers (Fig. 1):
– Reine des reinettes, “bonne pollinisatrice, de floraison tardive” selon Dumont (3),
– Golden delicious, de bonne fertilisation croisée avec Granny Smith, a une floraison tardive selon Vercier (4) mais selon pommiers.com elle est la référence, ni tardive ni précoce et en plus durable,
– Granny Smith, qui va bien s’accorder avec Golden, qui pollinise aussi Chantecler,
– Melrose avec une floraison tardive de fin avril à début mai, est pollinisée par Golden ou Reine des reinettes.
J’ai planté une cinquième variété moins banale, dont les vertus annoncées m’avaient séduites, c’est la pomme De Fer. Elle doit son nom à sa rusticité record, je me dis que si les autres souffrent trop sous notre climat montagnard entre mes mains inexpertes, celle-là devrait résister. C’est de fait un arbre qui pousse bien, au feuillage assez sain mais peu productif à ce jour.
L’étalement des récoltes
Il est heureux que le temps de développement du fruit soit variable, ce qui permet d’échelonner les récoltes avec des floraisons assez simultanées pour permettre une fertilisation croisée.
– Reine des reinettes est mûre fin août-début septembre selon le site de Planfor, d’octobre à mars selon Dumont, est-ce le changement climatique, cette année fin juillet on commence à en voir des mûres,
– Chantecler est mûre en septembre,
– Golden delicious, récoltée début octobre et mûre en décembre-janvier, peut être consommée de la cueillette jusqu’en février,
– Melrose, variété de fin d’hiver à longue conservation, se conserve jusqu’en avril (2), jusqu’en juin/juillet selon d’autres sources.
La hierba buena
Au hasard de mes lectures (5) je découvre que la menthe est une bonne plante compagne qui écarterait les parasites… A la mi-avril, les pommiers sont en fleur, de manière pratiquement simultanée, ce qui est réconfortant pour la pollinisation croisée. Il est peut-être trop tard pour écarter les nuisibles mais la menthe est vivace et sera là l’an prochain. Je plante à leur pied de la menthe, qui en un an a envahi une partie du terrain près de la maison et qu’il me fallait de toutes façon éclaircir au pied des kiwis. L’année suivante, j’ai le plaisir un peu pervers de constater que les pommes de mon voisin, à quelques dizaines de mètres de mes pommiers, on toutes le petit ver rose du carpocapse, alors que les miennes n’en ont pas. Je continuerai à planter de la menthe au pied des pommiers.
Les mammifères croqueurs de pommes
Quand j’ai mentionné ci-dessus une branche cassée par un sanglier, c’est une déduction, d’après des indices. En fait à part l’Homme qui n’est pas en cause je pense, il y a trois mammifères candidats aux macro-ravages : le sanglier, le blaireau, le chevreuil. La première année de belle récolte, quatre pommiers sur cinq ont eu plusieurs de leurs branches cassées au ras du tronc par un animal, sanglier présumé qui voulait en croquer les fruits. Cette année, pour éviter ce genre de dégâts, j’ai fait l’acquisition d’une clôture électrique qui m’a permis d’isoler une parcelle contenant les cinq pommiers de pépinière, un néflier d’Europe, deux poiriers de pépinière et deux pruniers du pays donnés par un ami. J’ai commencé à désherber pour planter quelques rangs de pommes de terre. Malgré la clôture, les pommes de terre ont été ravagées, j’ai pu sauver un peu moins de tubercules que ce que j’avais mis en terre comme semence mais le pire est la nouvelle stratégie de récolte de pommes-fruits. Les sangliers ont écorcé plusieurs pommiers en laissant de profondes traces de leurs canines, perpendiculaires à l’axe du tronc. Je suppose que ces traces viennent du fait qu’ils secouaient l’arbre serré dans leurs mâchoires pour faire tomber les fruits. Comme il ne restait pas de lambeaux d’écorce au pied des arbres, je dois en déduire qu’ils l’ont mangée.
Les pommiers francs
Tout en bas du terrain, il y a un groupe de pommiers francs assez jeunes. On m’a dit que ce pré avait été un verger de pommiers et visiblement ce qui pousse est issu de semis spontanés. Quand nous sommes arrivés, aucun ne fructifiait ; six ans plus tard, certains sont couverts de pommes. Je décide de les numéroter avec les étiquettes en PVC que j’ai adoptées à la suite de ma visite chez les Cardon, à Mouscron. La figure 2 montre le pommier 11, qui ne sera pas greffé car je ne suis pas certain qu’il ferait mieux après greffe. Après tout, tous les pommiers de variétés cultivées ont été un jour semés à partir d’un pépin. Les pommiers francs n’ont eu à subir que quelques branches cassées et les troncs sont à ce jour intacts.
La première greffe réussie
Un des pommiers francs pousse au milieu de la prairie, avec deux troncs, de grande taille il est tout indiqué pour un essai de greffe en couronne sur l’un des troncs. Sur quatre greffons de Chantecler, un seul a pris. Pour moi qui avais raté toutes les greffes de poirier jusqu’alors, c’est un succès qui ouvre des perspectives pour les petits pommiers francs qui parsèment le bas du terrain. En septembre 2011 cet arbre qui n’avait pas fructifié les deux années précédentes est couvert de pommes : hasard climatique ou effet bénéfique de la pollinisation par les nouvelles variétés introduites ? Les pommes sont petites et toutes véreuses mais j’en récupère des quartiers qui font un excellent dessert cuits au four à l’étouffée. Par la suite j’ai essayé en vain d’obtenir des pommes plus grosses, en éliminant certains fruits, et avec une légère taille en vert : c’est bien un pommier franc à petits fruits, je n’ai pas eu tort d’en greffer un tronc.
Les greffes sans peine
J’avais noté lors de mon stage de permaculture sous la direction de Pascal Depienne, en 2013, qu’il existait des pinces à greffer. J’ai laissé passer une saison de greffe sans en faire l’essai mais je me suis décidé à en faire l’acquisition fin 2014. J’en trouve un fournisseur sur internet, un modèle italien vendu pour la somme raisonnable d’une trentaine d’euros (le même modèle est beaucoup plus cher sur d’autres sites). Excellente surprise : presque toutes les greffes de pommier ont pris. Je n’ai pas essayé la possibilité de greffe en oeuil mais seulement ce qu’on pourrait appeler une anglaise compliquée. Cela signifie qu’il faut un greffon de même diamètre que le porte-greffe : si cette condition est remplie, le succès semble presque garanti. J’ai fait l’essai d’une autre innovation : un ruban à greffer autocollant, en parafilm, pour maintenir la cohésion mécanique (ce que je faisais d’habitude avec du raphia) et limiter l’évaporation (ce qui était le rôle du mastic à greffer). Peut-être le taux de succès aurait-il été aussi bon avec un lien et un mastic plus classiques mais je peux au moins attester que ce procédé n’est pas nuisible. Grâce aux greffons envoyés par Pascal, je vais avoir la “Belchard du Berry” (mais je crains que ce ne soit un autre nom pour la Chantecler), la reinette “Clochard” (“Caractéristique rare chez les variétés européennes, l’arbre au port érigé est un spur (entre-nœuds courts, feuilles groupées en bouquets). Il est moyennement vigoureux et long à mettre à fruit mais il donne abondamment quasiment tous les ans, contrairement à certains pommiers qui ne donnent qu’une année sur deux. Sa floraison tardive lui permet d’éviter les gelées printanières. Pollinisé par Reine des Reinettes. Ce pommier a aussi l’avantage d’être peu sensible à la tavelure.”) et “Ariane“(“Ariane est une pomme de petit calibre, de couleur rouge, croquante, juteuse, acide et sucrée. Sa résistance aux races communes de tavelure du pommier en fait une variété idéale pour les petits jardins familiaux”). Je ne regrette qu’une chose c’est de ne pas en avoir greffé assez. L’hiver prochain je ferai mieux !
(à suivre)
(1) Avec ce 20e épisode nous reprenons le feuilleton du Sauvage interrompu à la fin d’été 2013. Pour faciliter la recherche des épisodes précédents, nous continuons sous la rubrique “Feuilleton de l’été” en étant bien conscients que l’été 2015 est très avancé !
(2) http://www.pommiers.com/
(3) E. Dumont, 2008, Les bons pommiers à planter-100 variétés, Castor & Pollux
(4) J. Vercier, Arboriculture fruitière, 34e édition, Hachette.
(5) Les Quatre Saisons du Jardin Bio, n° 187