« Demain » dessine un monde des possibles

17 novembre 2015,

par Marjorie Jouanlarge_image_DEMAIN

Ce film de Cyril Dion et Mélanie Laurent « Demain »,  est sous-titré “un nouveau monde en marche” . Effectivement, le propos de ces jeunes comédiens et réalisateurs prolonge en quelque sorte celui de Coline Serreau dans « Solutions locales au désordre global » sorti en 2010. Traitant successivement des enjeux agricole, énergétique, financier, politique et éducatif, ils s’attachent à nous montrer que des dizaines de milliers de terriens ont commencé de s’organiser. Leur petite équipe sillonne la planète pour nous donner à voir tous ces gens qui, loin d’être des farfelus, se sont inventé un futur fait de davantage de sobriété, d’autonomie, de transparence et d’intelligence collective. Le film s’achève en nous interpellant : ce futur pourrait être aussi le nôtre, qu’attendons-nous ?

Pour y répondre, il me semble utile de revenir sur l’interview d’Olivier de Schutter, qui fut de 2008 à 2014, Rapporteur spécial des Nations Unies pour le droit à l’alimentation. Olivier de Schutter a montré dans ses travaux que la sécurité alimentaire n’était pas un véritable défi planétaire, pour peu que l’on renonce au modèle de l’agriculture industrielle au bénéfice des petits agriculteurs. Toutefois, interrogé par Mélanie Laurent sur les raisons qui empêchent les Gouvernements des pays développés de faire un tel choix, il explique que la préférence pour l’agriculture industrielle est guidée par la fourniture d’une alimentation à bon marché. Or l’agriculture de proximité supposerait que les ménages consacrent 20 à 25% de leur budget à leur alimentation au lieu des 10-15% actuels. Bref, avec l’agriculture industrielle, nos gouvernants achètent la paix sociale plutôt que la santé publique !

Par curiosité, on a alors envie de s’interroger : si les ménages dépensent moins que par le passé pour leur alimentation, que font-ils de ce surplus de ressources ? La réponse, pour ce qui est de la France, s’avère particulièrement inquiétante. En effet, selon les plus récentes données de l’INSEE, entre 1980 et 2012, les dépenses alimentaires ont chuté 14% à 10% dans le budget des ménages alors que dans le même temps celles consacrées au logement sont passées de 15% à 19,5%. Rien d’étonnant à cela puisque les loyers des secteurs privé et social ont augmenté de 150% en trente ans. Mais loin de s’expliquer par le seul jeu du marché, cette inflation paraît être alimentée par les pouvoirs publics (Etat, collectivités locales et Caisse des dépôts) qui consacrent rien moins que 2% du PIB national à la politique du logement. Ainsi, le cercle vicieux fonctionne parfaitement : l’Etat commence par subventionner la construction (locative sociale, locative privée) et l’accession à la propriété à hauteur d’environ 13 milliards d’euros par an et, pour que ces nouveaux logements chers soient occupés, il verse aux ménages plus de 19 milliards d’euros sous forme d’aides personnalisées au logement. Est-ce une fatalité ? L’exemple de nos voisins en fait douter. En effet, les dépenses publiques pour le logement sont en France quatre fois plus élevées qu’en Allemagne et cinq fois plus qu’en Belgique. Or, aussi bien à Berlin qu’à Bruxelles, les loyers sont abordables. L’explication en est simple : le prix des loyers s’y est adapté à la demande. Faute de candidats à la location, les propriétaires ont consenti des baisses et finalement le marché y est bien plus fluide que dans les grandes métropoles françaises, sans parler de la région parisienne.

Alors, revenons à la question de Mélanie Laurent et ajoutons à la réponse d’Olivier de Schutter que, non seulement le Gouvernement français préfère subventionner l’agriculture industrielle mais aussi la promotion immobilière et son corollaire, l’artificialisation des terres.

Demain, faisons un rêve : jetons aux orties tous les dispositifs de défiscalisation immobilière et consacrons les sommes ainsi épargnées à l’agriculture de proximité. Avec un peu de chance, d’autres économies seront réalisées sur le budget social, grâce aux emplois créés et à un régime alimentaire plus sain.