Bizarre

21 avril 2016,

ob_f01f84_drole-de-drame-01par Alain Hervé

Au terme d’une vie, on se demande à quoi on a participé.

Une très bizarre entreprise. Jouvet avait raison de roucouler en basse le mot : bizarre, bizarre…

Quel a été le sens de nos gestes, de nos engagements ? Impossible de le dire.

Ce qui est certain, nous étions un mammifère d’une espèce un peu particulière qui s’est trouvé conduit à s’agiter au sein de la société de ses semblables. D’abord dans une famille. Soit.

Puis à étudier pour avoir une utilité dans cette société et en échange se trouver à l’abri et avoir accès à de la nourriture.

Doté de cinq sens pour saisir le spectacle de la nature de la planète sur laquelle il avait atterri. Bizarre. Invité à fréquenter le décor de brique et d’asphalte mis en place par les mammifères qui lui ressemblent, qu’ils appellent des villes. Pourquoi pas des ruches ou des termitières ? Non, du métro et des immeubles. Très bizarre.
Comme si son espèce ne pouvait survivre que dans ce complexe dédale.

Heureusement ils n’ont trouvé en débarquant que trois dimensions. Qu’auraient ils imaginé pour les meubler s’il y en avait eu quatre, cinq, six… ?

Après y avoir séjourné un certain temps, on se retourne.

Et on ne comprend pas pourquoi nous nous sommes trouvés là. Bizarre.
On ne comprend pas davantage ce que nous avons pris l’initiative de faire. Ce qu’on appelle de la pensée, bizarre, de la création de formes, bizarre, des mots auxquels nous avons attribué un sens, bizarre,  et encore plus bizarre, de la politique,. Pour changer le décor ?

On a parcouru la planète comme des mouches sur une vitre. Ils appellent ça voyager. La mouche se dit-elle qu’elle voyage ? On a évité de se faire appeler fou. On a observé que c’était très inconfortable d’être considéré comme tel.

On a fait comme si tout allait de soi, était normal. On a participé au spectacle.

Mais à part soi on se disait : faisons comme si mais le moins que l’on puisse dire c’est que c’est bizarre.

Je me le dirai encore au moment de fermer les yeux une dernière fois.

Et autant l’admettre, vivant ou mort personne ne nous dira jamais ce qui s’est passé et ce que cela pouvait signifier.

Pensez-y.