Par Mari-Luz Hernandez
Pour la première fois, la Ville de Nice accueille, cet été, une grande exposition rétrospective d’Ernest Pignon–Ernest au sein du Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain, le MAMAC, bâtiment atypique enveloppé d’une peau de marbre de Carrare. Je suis allée découvrir cet artiste niçois dont j’ignorais, je l’avoue, presque tout … Pas de mots assez élogieux… éblouie est faible ! La découverte du parcours de cet artiste, de ces images, est fracassante, et à mon avis, il faut au moins deux visites. L’œuvre monumentale, extraordinairement moderne, plonge dans l’histoire méditerranéenne, et sa culture de la mort. Il ne s’agit pas de toiles au sens propre du mot. Ernest Pignon-Ernest est un “artiste de rue”. Il a délibérément créé des œuvres éphémères placardées souvent la nuit dans des lieux urbains insolites, en français du street-art.
Le mérite de l’exposition est de nous donner à voir l’immense travail des innombrables et obsessionnelles esquisses, études préalables de chaque création. Un régal …
Selon l’artiste “les images doivent faire du lieu un espace plastique, mais aussi travailler sa symbolique”.
Ainsi à Naples, il crée dans la ville un véritable parcours sur la mort, inspiré notamment de l’œuvre du Caravage, dont une puissante image grandeur nature, d’un homme portant un cadavre, allusion à l’épidémie de peste.
Certaines œuvres parlent beaucoup à ma génération comme le portrait ci-dessus de Pasolini, portant son propre cadavre, reproduit à l’infini, qui m’a vraiment émue, tant ce visage aux traits durs, tragique, résume toutes les angoisses de ce cinéaste immense et reflète les nôtres.
Mais il y a aussi une fascination du corps traduite par les études sur Boccagio, sur l’apartheid, sur les femmes mystiques. Avec une reproduction des corps, des drapés à la fois hyperréalistes et poétiques … et toujours sur des supports peu “nobles” et non durables. Bref on reste sous l’emprise longtemps.
Et il me reste à découvrir le petit bijou de l’intervention in situ à l’abbaye St Pons – petite chapelle baroque dans l’enceinte de l’hôpital Pasteur de Nice. Elle est constituée de magistrales et immenses études inspirées par les grandes mystiques de l’histoire … d’un érotisme certain. J’y reviendrai.
Mari-Luz Hernandez