L’arracheuse de dents de Franz-Olivier Giesbert

31 décembre 2016,

par Alain Hervéunknown

Ce roman appartient à un genre littéraire assez rare dit du toboggan. On se retrouve en chute libre sur quatre cent trente pages dans ce picaresque mélo que Giesbert écrit avec une jubilation que l’on partage. Ou les mémoires d’une centenaire, Lucile Bradsock, qui traverse son époque, le XVIIIème siècle, et sa vie en baisant et en trucidant  à tout va.

Mais cette dentiste, végétarienne convaincue,  ne va pas au hasard,  elle tue seulement les méchants. Dont Robespierre est l’archétype. Il est d’ailleurs quasi mort de sa main, avant d’être guillotiné. FOG se sert de ce roman de cap et d’épée à l’Alexandre Dumas pour exposer ses convictions et retourner souvent l’histoire comme une chaussette. La révolution dès 1789 en prend plein les dents. La chienlit a sévi sans aucune mesure, pratiquant la torture, le dépeçage et le cannibalisme. Oui le cannibalisme, FOG cite ses sources en note de bas de page. Paris et la place de Grève, aujourd’hui place de l’Hôtel de Ville, ont été des sites de boucherie qui n’ont rien à envier à Daech.

La Lucile traverse l’Atlantique, déguisée en homme sur un navire négrier américain, affronte une mutinerie, tombe amoureuse d’un beau noir qui porte le nom d’Apollon, elle l’aide à s’évader, l’épouse, il est tué, elle tue son assassin … Elle participe à la bataille de Little Big Horn, tue Custer. Elle rencontre Louis XVI , Charette, Napoléon, Grant, Lincoln, Emerson, Thoreau… salue Charlotte Corday et quelques autres. Bien que retraitée dans sa maison de bardeaux gris à Nantucket, elle n’a pas rencontré Melville ni couché avec lui. Est-ce un oubli ou un manque d’intérêt de Giesbert pour la navigation fantasmatique?

Autrement dit un énorme amusement pimenté d’une réflexion morale et politique radicale.
Entre autres, la belle démocratie américaine vit sur le cadavre du génocide indien. Et en passant, cette citation: l’Histoire c’est un mensonge qui a réussi.

A.H.

Gallimard, 21€