par Fabrice Nicolino
Ce texte est paru dans le bulletin des JNE, Journalistes et écrivains pour la nature et l’écologie. Il nous semblé intéressant de le reproduire dans le Sauvage.
Plus ça va mal, plus on a besoin d’espoir. Même moi, qui ai écrit tant de livres noirs, dénonçant l’implacable destruction du monde, de ses équilibres, de sa beauté. Et c’est pourquoi j’ai décidé de publier un texte différent des autres (Ce qui compte vraiment, éditions Les Liens qui Libèrent), indiquant des directions d’avenir dans lesquelles, selon moi, il faudrait s’engager. Comme on ne se refait pas, il ne s’agit pas de solutions, car il n’en existe aucune qu’on pourrait appliquer à froid, sans une mobilisation exceptionnelle de l’esprit et du cœur. Pas des solutions, mais des horizons.
Avez-vous remarqué ? La campagne des présidentielles est franchouillarde, et même les candidats qui parlent un peu d’écologie s’arrêtent aux frontières de la France, niant ainsi la dimension planétaire de la crise écologique. Comme ce pays compte néanmoins, j’ai voulu commencer par lui, en proposant, en détail, un plan de sortie négocié de l’agriculture industrielle, susceptible, selon moi, d’entraîner la plus grande partie des paysans encore en place. Je gage qu’un tel événement, s’il se produisait, nous redonnerait une grande force collective. Au passage, il permettrait de voir revenir enfin les oiseaux, les grenouilles, les sauterelles, les papillons, les fleurs sauvages, toutes ces existences trucidées par l’alliance maudite entre la machine et la chimie.
Mais la France n’est qu’un confetti du monde. Et tout le reste de mon livre est consacré à la planète entière. Y a-t-il plus manifeste urgence que de restaurer ce que j’appelle l’antique beauté du monde ? Les écosystèmes principaux, dont dépend l’avenir de tous, craquent et brinquebalent, menaçant de s’effondrer brusquement, ainsi que le documente chaque matin l’écologie scientifique.
Je pense possible, vital en tout cas, de mettre au travail tous les bras disponibles – chômage, sous-emploi – sur Terre, surtout au Sud, c’est-à-dire entre 500 millions et 1 milliard d’humains. Sous la forme d’un immense programme de restauration écologique, qui viserait à rétablir ce qui peut l’être encore de la santé de fleuves comme le Nil, de forêts comme l’Amazonie, de plaines agricoles si malmenées, comme le Pendjab, entre l’Inde et le Pakistan, ou la Chine du Nord. Comment payer ces efforts herculéens ? En récupérant, de gré ou de force, une partie des sommes délirantes de la spéculation mondiale, qui tournicote autour du monde à la vitesse des échanges électroniques.
Chemin faisant, il faut tout repenser. Et par exemple, voir enfin ce que la pêche industrielle a réussi en un siècle : détruire des équilibres écologiques vieux de millions d’années. Il ne sert plus à rien de pleurnicher sur l’état lamentable des océans et de leurs habitants : il faut agir. Moi, je ne vois au fond qu’une solution : l’interdiction mondiale de la pêche industrielle, et la limitation de la taille des chalutiers à 12 mètres de long au maximum.
Et les rivières, et les fleuves ? Continuer à copiner, de près ou de loin, avec les industriels de la dépollution, est absurde. Car la seule voie praticable est de proclamer le caractère sacré des eaux douces, et clamer aussi longtemps qu’il sera nécessaire que les hommes doivent trouver le moyen de ne plus polluer la moindre goutte. Une révolution ? Certes. On préfère la mort ?
Reste nos rapports avec les animaux, nos frères et nos cousins. Je pense que dans ce face-à-face si angoissant avec eux – nous les tuons, n’est-ce pas ? – se trouve la clé de tout. Ou nous changeons, acceptant le Grand Partage de l’espace et des ressources, ou nous les précipitons à la fosse, avant de les y rejoindre. Changer ? Arrêtons de blablater, et en avant !
Vous pouvez retrouver Fabrice Nicolino sur son blog Planète Sans Visa et chaque semaine dans les colonnes de Charlie Hebdo.