Aventures en permaculture – 32, Asiminiers

11 octobre 2020,

Fig. 1. Cépée d’asiminier de 7 ans

par Ghislain Nicaise

L’asiminier, Asimina triloba, est originaire d’Amérique du Nord, il a reçu le nom de pawpaw des populations amérindiennes. J’ai acheté mon premier asiminier en octobre 2012 chez Noaro, cette merveilleuse pépinière italienne située à l’entrée de Dolceacqua, à 20 minutes en voiture de Vintimille. C’était un cultivar Sunflower, réputé autofertile. L’hiver qui a suivi était très froid, pas en dessous des températures que cette variété peut tolérer cependant (-25° selon plusieurs sources) mais le plant n’avait pas eu le temps de s’installer, toutes les parties aériennes sont mortes. Il faut dire aussi que notre climat local est difficile pour beaucoup de végétaux, avec des écarts journaliers moyens de 20°C. Par la suite les racines toujours vivantes du porte-greffe ont rejeté une vigoureuse cépée, qui a pris la forme conique typique de l’espèce (Fig. 1) mais n’a commencé à fleurir qu’en 2018. Je lui avais prévu une ombrière en canisses, ayant appris que c’était un arbre de sous-bois et j’avais roulé à proximité de gros

Fig. 2. Ombrière pour protéger du soleil et rochers pour protéger du froid le jeune asiminier qui va souffrir d’avoir été planté à l’automne

cailloux pour réaliser un volant thermique (Fig. 2). Par la suite j’ai découvert que si l’asiminier tolérait la mi-ombre il supportait aussi le soleil (notons qu’il fait de l’ombre à ses troncs avec ses très grandes feuilles) et qu’il était à la hauteur de sa réputation pour la résistance au froid. La leçon à tirer est que comme la transplantation n’est pas du tout recommandée en racine nues, il vaut mieux acheter le pot au printemps pour que la racine ait le temps de s’installer pendant la belle saison. C’est une racine pivotante, qui a besoin de descendre dans le sol, ce qui contraint aussi à se procurer un plant jeune et qui devrait inciter les pépiniéristes à utiliser des pots profonds. Différentes sources mentionnent l’intérêt d’un sol bien drainé mais je me dis parfois qu’aucun arbre ne souffrira d’un sol bien drainé et que les pépiniéristes ont tout intérêt à faire cette recommandation. Dans mon cas, en dessous du trou de plantation d’un mètre de profondeur rempli de bonne terre, la racine n’a eu droit qu’à une argile lourde et compacte, totalement dépourvue de calcaire (relativement acide).

Fig. 3. Asiminier Prima en fleur en avril 2016.

 

 

Mon second asiminier acheté en février 2013 à la pépinière du Bosc était un cultivar Prima 1216, une tige assez frêle de 70 ou 80 cm de haut, à peine ramifiée. Parmi les feuilles tombées au pied à l’approche de l’hiver, j’ai eu la surprise de voir les restes d’un gros fruit, dont l’intérieur avait été trop mangé par les limaces pour que nous puissions en profiter. Les années suivantes cet arbrisseau a fleuri régulièrement (Fig. 3) mais n’a recommencé à fructifier qu’en 2019. Je suppose que lors de l’achat, une fleur au moins avait été fécondée chez le pépiniériste, profitant du voisinage d’autres plants. Je sais par expérience que chez d’autres espèces, il vaut mieux prévoir pour une meilleure récolte que la plupart des plants dits autofertiles auront des préférences hétéro- et leur trouver une plante compagne. La leçon à retenir est que cet arbuste met à fruit assez rapidement après plantation. Selon le site de l’Université du Kentucky (KYSU), source majeure de renseignements sur Asimina triloba (1), la floraison commence de 4 à 8 années après le semis. Dans leur pays d’origine, les fleurs ne sont pas fertilisées par des abeilles mais par des mouches qui seraient attirées par une odeur de charogne. Je n’ai pas senti l’odeur ni vu de mouches par contre les fleurs semblent attirer les hannetons des rosiers (Cetonia aurata), j’en ai photographié jusqu’à 3 sur la même fleur.

Fig. 4. Asimines Prima, une pièce de 2€ donne l’échelle.

En 2019 j’ai pu enfin goûter le fruit de mon asiminier Prima et je n’ai pas été déçu. Les fruits assez gros sont de couleur verte (Fig. 4) et tombent de l’arbre à maturité. La pulpe est abondante (Fig. 5) et sa saveur excellente. C’est clairement un goût de fruit tropical. Plusieurs sources le situent entre mangue, banane et ananas, j’y ai trouvé une composante « crème anglaise ». J’étais

Fig. 5. Asimine coupée en deux montrant les graines

peut-être influencé par le fait que les fruits de cette famille (les anones) sont parfois nommés en anglais « custard apples ». J’ai renoncé cette année-là à écrire un épisode pour mes « aventures en permaculture » parce que je n’avais qu’un fruit mais en octobre 2020 j’en ai eu 6 et je me suis attelé à la rédaction du présent épisode. La principale précaution prise en 2020 est que j’ai arrosé à chaque menace de sécheresse mais je ne sais pas si ce soin a été déterminant, sauf pour la croissance de nouvelles feuilles. Selon le site « Promesse de fleurs »(2) le sol doit rester frais durant tout l’été.
La tendance à former des cépées se traduit par le fait que le plant initial greffé est assez rapidement entouré de rejets plus vigoureux issus des racines du porte-greffe, qui vont le concurrencer. La réponse classique est d’éliminer ces gourmands mais je préfère les garder comme déjà expliqué dans un précédent épisode. J’attends le printemps prochain pour essayer des greffes par approche, une technique que j’avais pratiquée au moins une fois avec succès sur de la vigne et qui devrait pouvoir être applicable aux asiminiers. L’avantage sur toutes les autres recettes de greffe est que le greffon est alimenté en sève dès le départ. Il me manque aussi d’avoir obtenu des fruits du porte-greffe, qui sont peut-être intéressants et qui au pire me donneront des graines pour la multiplication. Je me suis servi de ses fleurs pour fertiliser à la main les fleurs du cultivar Prima mais je n’ai pas eu l’audace de détacher des fleurs du Prima pour aller fertiliser les fleurs de l’arbuste franc issu de mes premiers essais (Fig. 1).
En 2019 je m’étais empressé de semer mes quelques graines en serre, en godet,  sans réfléchir qu’elles pouvaient avoir une exigence de froid. Aucune n’a germé. Cette année j’en mettrai en boite au réfrigérateur avant de les semer au printemps et j’en laisserai quelques unes passer l’hiver dehors.

(à suivre)

(1) https://www.kysu.edu/academics/college-acs/school-of-ace/pawpaw/index.php
(2) https://www.promessedefleurs.com/conseil-plantes-jardin/fichefamille/asiminier-trilobe-paw-paw-planter-cultiver-recolter

J’ai ajouté le 18 octobre 2020 une vidéo qui vous apportera des compléments utiles sur l’asiminier. L’auteur de la vidéo s’appuie sur la compétence de Cécile, de la pépinière Sebtan à Montauban. J’ai particulièrement retenu le passage sur la fécondation des fleurs, qui sont hermaphrodites protogynes c’est à dire prêtes à être fécondées par le pollen d’une autre fleur avant que leur propre pollen ne soit mûr. Au stade réceptif femelle les fleurs montrent des pétales droits; plus tardivement leurs pétales apparaitront recourbés au moment où l’on peut prélever du pollen avec un pinceau si l’on souhaite féconder manuellement. La floraison s’étale sur 20 ou 30 jours et on peut essayer de la provoquer plus naturellement en attirant des mouches dans les environs.

J’ai ajouté le 2 janvier 2021 deux sites qui m’ont paru riches d’information sur l’asiminier et sa culture :

http://fruitforestier.info/fr/asimina-triloba-anone-non-gelive/

http://www.greffer.net/?p=1684