Pendant la Covid-19 (5 : la mortalité)

8 août 2021,

Depuis le début de l’épidémie, des critiques ont été formulées sur la mortalité qu’elle entrainait, on se souvient du qualificatif de « grippette » d’ailleurs parfois utilisé pour dire que ce n’en était pas une. Il y a presque un an, le 20 août 2020, j’ai eu l’occasion d’évoquer la surmortalité mesurée en France pendant la première vague de l’épidémie. La mortalité enregistrée par l’INSEE, toutes causes confondues, est une donnée moins critiquable que la mortalité attribuée à la Covid-19. De plus la comparaison du déroulé des décès jour par jour avec les valeurs enregistrées les années précédentes donne une assez bonne idée du sérieux de l’épidémie, ainsi que de l’importance des vagues épidémiques. L’examen d’une carte de France de la surmortalité, inégale selon les départements, confrontée aux chiffres de la contagion, permettait de conclure que l’ampleur de la vague de surmortalité ne pouvait être due au confinement (contrairement à certaines affirmations).
Au moment où des mesures coercitives de lutte contre la contagion sont contestées par des manifestations de rue, il est temps de faire le point sur la dangerosité de l’épidémie, si vous en êtes d’accord, nous le ferons avec ce même outil de mesure de la surmortalité.
La première figure, publiée par l’INSEE, a l’avantage de comparer la surmortalité observée au printemps 2020 à des épidémies passées.

Fig. 1. Extrait du commentaire de l’INSEE
ce graphique représente le nombre de décès quotidiens survenus chaque jour depuis le 1er janvier 2010 jusqu’au 21 septembre 2020… Chaque année est représentée par une courbe de couleur différente. L’année 2020 est représentée en rouge : on voit la très vive accélération des décès à partir de la mi-mars jusque début avril puis la décrue jusqu’au 27 avril. … Le graphique permet aussi de visualiser le pic de mortalité bref et intense dû à la canicule de 2003. Des épidémies de grippe très meurtrières du passé sont aussi visibles, en particulier celles dues à la grippe de Hong-Kong avec un nombre de décès très important en décembre 1969 et début janvier 1970.

On y voit que même la canicule de 2003 n’a pas été aussi meurtrière que le printemps 2020, la vague de mortalité caniculaire a connu un pic très élevé mais bref et c’est la surface totale qui mesure le nombre de décès. Par contre la grippe de l’hiver 1969-70 a été en France la cause très probable d’un pic de surmortalité, de surface comparable à celui du printemps 2020. Il en est resté peu de souvenirs dans la mémoire collective mais on peut trouver sur internet des photos de gymnases transformés en hôpitaux de fortune pour accueillir les nombreux patients. Autre temps, autre mœurs, on n’imagine pas ce genre de mesure appliquée aujourd’hui.

Fig. 2. Mortalité en France, toutes causes confondues, entre janvier 2018 et fin juillet 2021

La figure 2, également produite par l’INSEE, représente la mortalité toutes causes confondues du 1er janvier 2018 au 26 juillet 2021 et permet de mieux évaluer ce qui s’est passé pendant la période récente.
Si vous voulez une analyse fine, elle est très détaillée sur le site de l’INSEE. Plus sommairement, on peut déduire que la deuxième vague (pic au 8 novembre 2020) a été au moins aussi meurtrière que la première (qui avait son pic au 2 avril 2020) mais plus étalée dans le temps, avec un plateau qui décroit lentement, comme si les mesures destinées à ne pas saturer les hôpitaux avaient donné des résultats (mais ce n’est pas une preuve, d’autant que le confinement pourtant plus strict n’avait pas déclenché de plateau lors de la première vague). En tous cas l’annonce rassuriste que la deuxième vague était une fiction semble bien démentie par les faits.
Il y a même eu une troisième vague de surmortalité au printemps 2021, presque à la même période que la première mais bien moins ample, et depuis plus rien. Plus rien comme en 2020 me direz-vous, oui mais c’est là qu’il est intéressant de regarder les statistiques du nombre de cas de Covid-19.
Il y a eu avec l’été 2021 un redémarrage des contagions, assez rapide, bien plus important que celui de juillet 2020 mais la mortalité toutes causes confondues n’était pas affectée et continuait à décroitre. C’est une bonne nouvelle, la maladie Covid-19 est moins mortelle, on peut même espérer que chez nous elle ne le soit plus du tout. Tout va se jouer vers la mi-octobre, nous saurons alors si la mortalité suit son ascension hivernale comme en 2019 (un mauvais hiver pour la santé) ou si elle accélère comme en 2020 pour une quatrième vague.
Les différentes raisons de la diminution de mortalité pourront probablement être évaluées par les vrais épidémiologistes. Elles sont multiples et vous pouvez en attendant choisir selon vos affinités avec les « rassuristes ».
– le variant delta plus contagieux protège contre les autres variants (à supposer qu’il soit moins létal, ce qui est l’objet de controverses entre spécialistes).
– la vaccination des personnes âgées en priorité laisse le virus se déployer chez les jeunes, qui sont plus résistants (cela voudrait dire que la vaccination est utile, ne me lynchez pas !) (1)
– les personnes vaccinées qui contractent la Covid-19 en ont une forme atténuée, moins létale
– l’épidémie s’éteint d’elle-même (comme par exemple la grippe espagnole après la troisième vague).
– les médecins soignent (eh oui !) et empêchent les gens de mourir, bien mieux qu’au début de l’épidémie.
Bien entendu ces alternatives ne sont pas exclusives l’une de l’autre.
Rendez-vous fin octobre pour voir si la mortalité toutes causes confondues s’obstine à s’aligner sur les valeurs de 2019. Mais d’ici là essayons de veiller à ce que le gouvernement arrête de supprimer des lits d’hôpital.

Ghislain Nicaise

(1). Sur le caractère bénin de l’épidémie chez les jeunes, j’ai trouvé éclairante l’hypothèse formulée par Pierre Sonigo